Populer les espaces de pouvoir du continent avec la soldatesque n’est pas l’idéal. Mais l’idéal démocratique tel qu’on veut nous le vendre ou nous l’imposer, a un goût de quinine. J’entends ici et là des gens exiger le rétablissement dans ses fonctions, du Président démocratiquement élu du Niger. Cette exigence exhale une forte puanteur d’hypocrisie et de fosse septique.
Quand on entend certains dirigeants d’Afrique de l’Ouest ouvrir leurs grandes gueules, suite au récent pronunciamiento de Niamey, on a juste envie de se boucher les narines, tellement ils dégagent une haleine de chacal. Car, ceux qui réclament le retour de Bazoum aux affaires sont pour la plupart, de piètres démocrates parce que très souvent, ils sont des voleurs d’élections. A cet égard, ils n’ont aucune leçon de démocratie à donner aux jeunes gens en treillis qui font actuellement la fierté de la jeunesse africaine. Ouattara doit hermétiquement fermer sa bouche lorsqu’on parle de démocratie, lui qui a fomenté un coup d’Etat constitutionnel pour imposer aux Ivoriens un troisième mandat. Sa légitimité de dirigeant ne suffirait pas à remplir l’abdomen d’une fourmi. Du coup, la différence entre l’auteur d’un coup d’Etat constitutionnel qu’il est, et l’auteur d’un coup d’Etat militaire qu’est Abdourahamane Tchiari, est de l’épaisseur d’un papier à cigarette. Macky Sall, doit la boucler, lui qui a couvert l’Afrique de honte en allant négocier la paix entre la Russie et l’Ukraine tout en mendiant quelques grains de blé. Le médiateur le bête de l’histoire…
Le même Macky Sall qui a parcouru des milliers de kilomètres pour aller faire la paix en Ukraine, est celui-là même qui appelle aujourd’hui à faire la guerre à un pays frère. Cherchez l’erreur. Patrice Talon, le Béninois, serait lui aussi inspiré de se taire, lui qui a déconstruit pierre par pierre le modèle de démocratie patiemment mis en œuvre par ses prédécesseurs. Pour une fois, Mahamat Déby, qui nous a habitués à quelques bourdes, ne s’est pas laissé entrainer dans cette aventure dangereuse qui serait en préparation. N’Djaména n’enverrait pas des troupes chez son voisin en cas d’intervention militaire. Sage décision.
Au sujet de l’option militaire proprement dite que semblent vouloir prendre certains va-t-en-guerre d’Afrique de l’Ouest contre le Niger, la Cedeao (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) s’apprête à prendre un risque énorme qui desservirait la cohésion de cet espace économique assez prospère, et constituerait une source de déstabilisation de la sous-région aux relents libyens. Le terrorisme djihadiste qui commençait à perdre du terrain, pourrait se réoxygéner à la faveur de cette situation explosive. Inutile de préciser qu’aucun pays n’y a intérêt. Il est important de signaler que la Cedeao amputée du Niger, du Burkina Faso, du Mali et de la Guinée, n’est plus la Cedeao. Penser régler le problème au travers des moyens bellicistes plutôt que par des démarches diplomatiques relève de l’illusion.
Ceux qui ont montré les muscles au lendemain du coup d’Etat, en essayant de faire prospérer l’idée d’une intervention militaire à Niamey, n’ont pas d’autre choix que de rétropédaler. Asiwaju Bola Ahmed Adenkunle Tinubu, le nouveau Président nigérian qui a brandi la menace, en donnant une semaine aux putschistes pour rejoindre les casernes, ne parle plus fort aujourd’hui. Son ultimatum est frappé de forclusion. Bien plus, il a besoin du Sénat sans l’accord duquel au terme de la Constitution, il ne peut engager les troupes nigérianes dans une guerre. Cet accord, il ne l’a pas. Il faut être indulgent avec Tinubu. Il a commis une erreur de débutant… Plusieurs autres facteurs vont doucher le projet d’agression du Niger.
Certains pays importants haussent déjà le ton. Abdelmadjid Tebboune, le Président de l’Algérie, grand voisin du Niger, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. L’intervention militaire au Niger, a-t-il déclaré, « est une menace directe contre l’Algérie (…) Il n’y aura aucune solution sans nous (…) l’Algérie partage près d’un millier de kilomètres de frontière avec le Niger. » Par ailleurs, il y a une question pourtant centrale, qui n’est posée ni dans les médias mainstream, ni dans les cercles diplomatiques. La réponse à cette question est au cœur de ce qui se joue aujourd’hui au pays d’Hamani Diori. Pourquoi le Niger, l’un des pays les plus pauvres du monde, fait-il ces derniers temps l’objet de tant d’attention ? Réponse : l’uranium. Le Niger est le 7e producteur mondial de l’uranium. Il est l’un des principaux fournisseurs de l’Europe (25%), et en particulier de la France (19%). Cette dernière à travers ses entreprises Areva et Orano, exploite les gisements d’uranium du Niger depuis plus d’un demi-siècle. On comprend mieux pourquoi l’agité de l’Elysée a déclaré quelques heures seulement après le coup d’Etat, qu’il ne « tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts ».
Pas besoin d’être une cartomancienne pour comprendre que la France incite ses Sous-Préfets (Ouattara and Cie) à réinstaller Bazoum, l’un des membres du gang qui sévit depuis des lunes en Afrique d’expression française… L’importance de l’uranium dans les centrales nucléaires occidentales, et donc dans la production de l’énergie électrique dans ces pays, est telle qu’ils sont prêts à tout, y compris à marcher sur des montagnes de cadavres de Nigériens pour continuer à exploiter de manière exclusive ce trésor qui suscite tant de convoitises. Au regard de ce qui se passe en ce moment dans ce pays d’Afrique l’Ouest, il apparait que le Niger est un terrain de jeu pour les opportunistes de tous poils, et un terrain d’enjeux multiples pour les nationalistes africains qui travaillent à l’émancipation du continent