Un nouveau rapport de la Chambre des comptes de la haute juridiction épingle 20 départements ministériels, dont le MINAT, le MINADER, le MINDEF , le MINCOM et le MINESUP.
Un nouveau rapport de la Chambre des comptes de la Cour suprême du Cameroun en circulation questionne la gestion par 20 administrations (voir encadré) d’une enveloppe de 76,87 milliards, issue du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le Coronavirus et ses répercussions économiques et sociales, pour le compte de l’exercice budgétaire 2020. Le document n’établit pas clairement des détournements, mais il dénonce une absence de transparence dans l’utilisation des fonds et une faible redevabilité. Les enquêteurs observent que les comptes de l’exercice 2020 du Fonds spécial n’ont pas été clôturés au 31 décembre 2020. En conséquence, les engagements de dépenses imputés sur le même exercice se sont poursuivis largement au-delà de cette date, soit jusqu’au 30 juin 2021.
Ce qui, note le rapport, correspond à un exercice budgétaire de 18 mois, sur le fondement d’une dérogation dont la juridiction dit n’avoir retrouvé aucune trace écrite ; « toute chose qui est contraire au principe d’annualité budgétaire ».
Plus globalement, trois constats majeurs découlent de ce deuxième rapport consacré aux dépenses de 20 départements ministériels pendant l’exercice 2020, dans le cadre de la riposte à la pandémie de la Covid-19 : l’essentiel des dépenses du compte d’affectation spécial a été réalisé par trois ministères (MINSANTE, MINRESI et MINFI ), qui ont fait l’objet du premier rapport de la juridiction pour un montant de 132,883 milliards Fcfa. Les dépenses des 20 autres départements ministériels, objet du nouveau rapport, sont évaluées à 8,512 milliards Fcfa (10,799 milliards Fcfa en incluant les dépenses des ministères sur leur budget propre), ce qui est modeste. « Elles n’ont en réalité été réalisées que par quatre ministères, tandis que 16 autres ministères audités n’ont engagé aucune dépense en 2020, en raison d’une forte inertie à mettre en place des mesures en urgence, liée notamment à des systèmes d’informations et des procédures insuffisamment robustes, ou au choix de privilégier des financements extérieurs d’entités publiques ou d’organisations internationales, plutôt que ceux du compte d’affectation spécial », relève le rapport.
Recommandations
Autre constat, « la dépense fiscale a été également très faible en 2020, comprise entre 2 et 4 milliards Fcfa, loin des prévisions initiales évaluées à 114 milliards Fcfa ». Enfin, « le changement des règles de rattachement des dépenses à l’exercice 2020, pour prendre en compte les six premiers mois de l’année 2021, outre qu’il n’a aucun fondement légal ni justification comptable et qu’il porte une atteinte grave au principe d’annualité budgétaire, compromet la transparence et la redevabilité qui est pourtant le fondement même de l’existence d’un compte d’affectation spéciale.
La Chambre a dû, une nouvelle fois, recalculer elle-même le montant des dépenses à rattacher à ce compte pour l’exercice 2020. Compte tenu de la difficulté éprouvée par le MINFI à assurer un suivi comptable conforme à la règlementation en vigueur, la question du maintien de ce compte d’affectation spéciale mérite d’être posée », souligne la Chambre. Le nouveau rapport signale que le ministère de l’Administration territoriale (MINAT) a reçu des ressources des bailleurs extérieurs dans le cadre de la riposte contre la pandémie sans en référer au ministre des Finances. Le chef de ce département ministériel, Paul Atanga Nji, affirme néanmoins que les activités qui lui incombaient ont été totalement réalisées et en conséquence, il a retourné les crédits alloués dans le cadre du compte d’affection, soit 1,4 milliard Fcfa au MINFI . Cependant, soulignent les enquêteurs, le MINAT n’a fourni à la Chambre des comptes « ni le montant des sommes reçues des bailleurs, ni les détails sur les activités ainsi réalisées ».
Une situation qui est contraire aux dispositions de la loi, selon lesquelles les administrations publiques et les bailleurs de fonds internationaux doivent informer le ministre chargé des finances de tout financement apporté aux entités publiques ou à la réalisation des projets et d’activités d’intérêt public. Dans ce document, l’on apprend également que des aides du ministère de l’Agriculture et du développement rural (MINADER), destinées à la réduction de la dépendance alimentaire ont été attribuées à « 64 particuliers, pour un montant de 424,5 millions Fcfa. Parmi ceux-ci, un ministre, deux députés, un colonel, et un contrôleur financier. Alors que ces personnes, souligne la Chambre des comptes, étaient sans lien direct avec les activités agricoles, ni compétence avérée dans le domaine de la réduction de la dépendance alimentaire. « On pouvait par conséquent douter qu’elles étaient les mieux placées pour conduire des actions visant cet objectif », conclut-elle. Au final, la Chambre des comptes formule 12 recommandations et décide d’engager quatre procédures pour faute de gestion, sans préciser les administrations ou les personnes visées par lesdites procédures.
Les 20 administrations concernées
1- MINDEF (3,6 milliards Fcfa) ;
2- MINAT (1,4 milliard Fcfa) ;
3- DGSN (3 milliards Fcfa) ;
4- MINEDUB (6,5 milliards Fcfa) ;
5- MINCOM (0,42 milliard) ;
6- MINESUP (6 milliards Fcfa);
7- MINCOM MERCE (1 milliard Fcfa) ;
8- MINEPAT (26 milliards Fcfa) ;
9- (1,7 milliard Fcfa) ;
10- MINESEC (7 milliards Fcfa) ;
11- MINJEC (0,75 milliard Fcfa) ;
12- MINDDEVEL (2,5 milliards Fcfa) ;
13- MINMIDT (1 milliard Fcfa) ;
14-MINADER (6 milliards Fcfa) ;
15- MINPMEESA (2 milliards Fcfa) ;
16- MINTSS (1 milliard) ;
17- MINAS (2,5 milliards Fcfa) ;
18- MINPROFF (1,5 milliard) ;
19- MINT (1 milliard Fcfa) ;
20- MINEPIA (2 milliards Fcfa).