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Des exactions dénoncées de part et d’autre dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest

Tue, 14 Nov 2023 Source: Des associations de la Promoition des Droits Humaine

Tous les quatre ans et demi, le bilan en matière de droits humains de chaque État membre de l’ONU est examiné par ses pairs du Conseil des droits de l’homme à Genève dans le cadre de l’examen périodique universel (EPU). Le 14 novembre 2023, la situation du Cameroun sera examinée sur la base d’informations soumises par le gouvernement camerounais, les organisations non gouvernementales nationales et internationales et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. C’est l’occasion pour les Etats membres d’échanger avec le gouvernement camerounais sur ses engagements en matière de respect des droits humains et de formuler des recommandations visant à améliorer la protection et le respect des droits humains dans le pays.

C’est pourquoi, nous, organisations de la société civile, appelons publiquement les Etats membres des Nations unies, à émettre des recommandations fortes pour la protection et le respect des droits humains à l’occasion de l’Examen périodique universel du Cameroun. Nous demandons, également, avec insistance à l’État du Cameroun de tenir compte de ces recommandations et de prendre les mesures nécessaires pour leur mise en œuvre.

Nous souhaitons particulièrement attirer l’attention des parties prenantes sur la situation des droits humains dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du Cameroun. Les habitant·e·s des régions anglophones sont victimes d’homicides illégaux, de meurtres, de violences sexuelles, de destructions d’habitations, et d’enlèvements commis par les forces de défense et de sécurité camerounaises, des milices progouvernementales et les groupes armés séparatistes. Le dernier rapport d’Amnesty International sur le Cameroun (‘Avec ou contre nous’, publié en juillet 2023) a documenté ces atrocités dans la région du Nord-Ouest en particulier.

Des exactions dénoncées de part et d’autre dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest

En effet, depuis le 1er octobre 2017, date de la proclamation de l’indépendance de la « République fédérale d’Ambazonie » par des groupes séparatistes, les affrontements entre l’armée camerounaise et les groupes armés séparatistes, communément appelés « Ambazoniens » ou « Ambas », n’ont jamais cessé. Les habitant·e·s des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont pris en étau entre deux feux. Des témoignages de ces habitant·e·s font état d’une part de comment les militaires qui les soupçonnent de collaborer avec les séparatistes versent de l’essence sur leurs maisons avant d’y mettre le feu, et violent des femmes et des filles pour se venger des attaques contre eux. Et d’autre part comment les groupes armés séparatistes prennent d’assaut leurs villages pour enlever des personnes et réclamer des rançons, voler leur bétail, tuer celles et ceux qu’ils soupçonnent de collaborer avec les autorités camerounaises, ou de ne pas adhérer aux nouvelles règles qu’ils imposent.

En réponse, le gouvernement camerounais a souvent réagi par de nouvelles violations des droits humains, en arrêtant et en détenant arbitrairement des personnes accusées d’être des séparatistes armés, ou accusées de les soutenir. A ce jour, des centaines de personnes sont détenues, poursuivies ou jugées par des tribunaux militaires, tribunaux dont la compétence devrait être réservée aux infractions militaires selon les normes internationales de protection des droits humains. Plusieurs prévenus ont passé au moins un an en prison sans avoir accès à un juge. Parallèlement, même si le gouvernement déclare avoir ouvert des enquêtes sur les atrocités commises par des séparatistes armés ou par les forces de défense et de sécurité, force est de constater une absence de transparence sur les suites judiciaires, faisant craindre l’impunité et laissant la majorité des victimes sans justice. On observe aussi de nombreuses initiatives visant à faire taire les défenseur·e·s des droits humains, les militant·e·s, les universitaires, les avocat·e·s et les journalistes qui dénoncent les atrocités commises dans le contexte de la violence armée dans les régions anglophones. Celles

et ceux qui dénoncent ou documentent les atrocités commises par les deux camps sont souvent menacés de mort ou sont victimes d’arrestation arbitraire et d’harcèlement judiciaire.

Face à la gravité de ces abus et violations des droits humains, nous sommes préoccupés par le silence autour de cette crise qui n’a pas bénéficié d’une attention et d’une action suffisantes aux niveaux international et régional. De nombreux États partenaires du Cameroun ont poursuivi leur coopération militaire avec le pays, malgré le risque réel d’utilisation des équipements militaires fournis aux forces armées, ou de détournement vers des milices ou des séparatistes armés pour commettre des atrocités dans les régions anglophones.

Au regard de cette situation, nous appelons le gouvernement camerounais à :

•Enquêter immédiatement sur toutes les allégations de violations des droits humains commises par les forces armées camerounaises, et poursuivre les responsables dans des procès équitables ;

•Enquêter immédiatement sur toutes les allégations de crimes commis par les séparatistes armés, et poursuivre les responsables dans des procès équitables ;

•Veiller à ce que les personnes arrêtées dans le contexte de la crise anglophone soient rapidement traduites devant un tribunal civil qui respecte les normes internationales de procès équitable, et non devant des tribunaux militaires ;

•Libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes arbitrairement détenues dans le cadre de cette crise et plus largement ;

•Protéger les journalistes, défenseur·e·s des droits humains et militant·e·s qui reçoivent des menaces pour avoir documenté ou dénoncé des crimes commis dans le contexte de la violence armée dans les régions anglophones (ou ailleurs).

Nous appelons également les partenaires internationaux du Cameroun à utiliser le processus de l’EPU pour :

•Condamner les crimes commis par les forces de sécurité camerounaises, les milices et les séparatistes armés, et appeler publiquement le gouvernement du Cameroun à ouvrir de toute urgence des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales ;

•Souligner l’injustice des cas de détention arbitraire et appeler à la libération de toutes les personnes

arbitrairement détenues ;

•Demander la protection des journalistes, défenseur·e·s des droits humains et militant·e·s, à la fois dans les régions anglophones et à l’échelle nationale.

Nous espérons que le processus de l’EPU transmettra un message fort au gouvernement camerounais : Nous devons tous·tes être conscient·e·s des violations des droits humains dans le pays. Il est temps d’agir pour mettre fin aux atrocités et protéger les droits humains.

Source: Des associations de la Promoition des Droits Humaine