Les vagues de déplacements se poursuivent dans les régions en crise du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Selon des statistiques publiées le 8 septembre 2023 par le Bureau de coordination des affaires humanitaires (Ocha), 3655 personnes ont fui leurs localités d’origine pour rallier des brousses et villes voisines au mois de juillet 2023.
87 228 personnes étaient réfugiées au Nigéria à la même période. Les départements de la Meme, du Manyu et du Fako dans le sud-ouest, de la Mezam et du Bui dans le nord-ouest sont les plus touchés par ces mouvements humains.
La crise dite des anglophones a plongé 1, 7 millions de personnes environ dans le besoin, selon l’aperçu des besoins humanitaires 2023. L’Ocha a conséquemment présenté un plan de réponse chiffré à 2,7 millions de dollars pour l’année en cour. Tandis que sur l’ensemble du territoire national, 4,7 millions de personnes demandent assistance ; et les sommes requis pour cette cause sont évaluées à 407,3 millions de dollars.
Contexte
La crise anglophone a commencé en novembre 2016 par des manifestations pacifiques, accompagnées de revendications de réformes, portées notamment par des avocats, des étudiants et des enseignants. Fin 2017, la situation a dégénéré en conflit armé. Durant la période étudiée dans ce rapport (octobre 2021-janvier 2023), le conflit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a perduré, avec des pics de violence extrême.
Les divisions entre les groupes séparatistes persistent et ont causé l’éclatement du mouvement sécessionniste. Sur le terrain, les séparatistes ont pour la plupart délaissé leurs revendications idéologiques et ont adopté, au sein d’une multitude de groupes armés, des pratiques relevant de la criminalité. Une logique d’économie de la guerre est apparue, impliquant des enlèvements contre rançons et l’extorsion des populations.
Des violations des droits de l’homme sont commises tant par les groupes armés que par les forces gouvernementales. Les séparatistes se sont rendus responsables d’homicides, d’enlèvements, de rackets et d’intimidations. Les forces camerounaises sont accusées de mener des opérations punitives sous forme de raids sur des villages, de procéder à des tortures, des pillages, des exécutions extrajudiciaires ainsi qu’à des arrestations et détentions arbitraires. Des violences basées sur le genre sont perpétrées par les deux camps. Les auteurs d’exactions restent largement impunis même si les autorités camerounaises ont reconnu les responsabilités de l’armée dans certains abus.
La population civile continue de faire les frais des incidents violents, soit en étant directement visée, soit parce qu’elle est prise en étau entre les forces gouvernementales et les groupes armés. Les séparatistes visent en particulier les civils qu’ils soupçonnent de collaborer avec les forces gouvernementales et ceux qui refusent de se soumettre aux boycotts imposés. Les forces de défense et de sécurité mènent une campagne de représailles à l’égard de ceux qui, d’après elles, soutiennent les combattants armés. Dans ce contexte, les élèves et le personnel éducatif, les travailleurs humanitaires, le personnel de santé, les chefs traditionnels, les fonctionnaires et les élus ainsi que les journalistes sont des catégories particulièrement ciblées par la violence.