Voilà qui me rappelle cette Camerounaise, une sexagénaire, il faut le dire, bizarre, aux côtés de laquelle j’ai effectué un jour le voyage retour de l’Extrême-Nord Cameroun. Pas spécialement belle, mais charmante… Dans le bus d’une grande compagnie nationale, elle parle sans arrêt comme dans une église de réveil. Elle postillonne en plus ! Sauf que son français est impeccable comme celui de Césaire ! Une cinquantaine de kilomètres après Garoua, elle s’assoupit. Enfin ! Le temps de me passer un coup de serviette sur le visage après cette douche de postillons, le mastodonte rentre dans une crevasse aussi profonde que la falaise de N’Gaoundéré et Dame pie se love sur moi. Je bondis comme si une tarentule m’avait piqué ! « T’es qui, toi ? moi je suis experte en docimologie, pov’ type ! », pique-t-elle. Outré, je lui fiche ma carte sous le nez : « Je suis le grand mutant de Muta, le plus grand quotidien du monde, ok ? ».
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L’équilibre de la terreur est rétabli. La paix règne sur terre. Que la vie peut être formidable ! Me voici partageant la même communauté de destin, « vivant ensemble », loin de l’enfumage des discours politiques… Et voici qu’à l’entrée de Bertoua, la capitale régionale de l’Est, nous tombons sur une poubelle haute comme une tour. Dame pie dit : « L’Afrique est le seul endroit au monde où l’on s’amuse avec la poubelle. Sais-tu ce que c’est que la poubelle ? ».
Je confesse mon ignorance et elle raconte. « Mon père, un ancien nationaliste, me racontait qu’à l’époque du maquis, il arrivait que des jeunes formés au terrorisme en Guinée Conakry partent en train de Messondo (Nyong-et-Kelle), débarquent à Douala et prennent place dans des voitures-poubelles. Déposés à bon endroit, ils abattaient leurs cibles, reprenaient la voiture-poubelle, puis le train, et ont les voyait jouer au « songho » le soir au village. Propre, sans trace ». Bingo ! roman ? réalité? C’est vrai, la voiture-poubelle va partout, même dans les interstices de la ville. Je pose mon index sur les lèvres à la façon du magot en regardant défiler la forêt en sens inverse. Une rafale de questions crépite dans mon cerveau.
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Avez-vous jamais vu un véhicule Hysacam stoppé ou fouillé à une barrière de police ou de gendarmerie ? Que cache la poubelle ? Qui la contrôle ? Comment ça se passe ailleurs ? Pourquoi la décentralisation du secteur traine tant la patte ? Qui sont les remue-merde au juste ? C’est quoi la poubelle ? Pourquoi plus il y a des contrôles plus il y a des armes qui se baladent dans nos quartiers ? Pourquoi nos ordures sont nettoyées depuis l’indépendance par les autres ? Notre poubelle empesterait-elle moins que les migrants repoussés à la mer ? Balayer devant chez nous alors que devant chez eux n’est pas aussi propre. C’est de la mansuétude, ça ! Vous voulez savoir si je dîne à la caille ? Eh bien, faites un tour dans ma poubelle.
Voyez-vous, monsieur le Dgsn, fouiller la poubelle n’est pas qu’une affaire de fous et de pauvres. Soyons tous fous, fouillons-la, au lieu de nous faire des coups de sang pour les déclarations d’un petit ambassadeur d’amerloque. Un trésor se cache dedans, qui pourrait s’appeler paix, voire souveraineté…