Crise anglophone : le casse-tête du DDR

Francis Fai Yengo, patron du DDR

Thu, 23 Dec 2021 Source: La Nouvelle Expression

Depuis que les ex-combattants sécessionnistes rendent leurs armes et réintègrent les camps où on doit les préparer à la réintégration sociale, on ne sait plus très bien ce qu’il faut faire d’eux, une fois la formation terminée.

Il y a un peu plus de deux ans que le gouvernement camerounais a créé une commission de démobilisation, de désarmement et de réintégration (DDR) des ex-combattants de la crise en cours dans le Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun. Les premiers camps créés dans les deux régions ont déjà accueilli quelques centaines «d’ex-sécessionnistes». Après des balbutiements des programmes de formation, certains ont commencé à s’initier à quelques métiers qui leur permettront de s’insérer dans la nouvelle vie active, loin de la brousse et des armes. Sauf qu’il y a une divergence profonde de point de vue chez les décideurs à Yaoundé.

Selon des informations de La Nouvelle Expression, certains dans le gouvernement estiment que «des gars ont déjà assez rongé, leur frein dans ces camps. Avec des grèves à répétition du fait de l’ennui et de l’avenir incertain. Il est temps qu’on les lâche dans la nature pour donner ainsi la preuve concrète que l’opération de démobilisation, de désarmement et de réintégration est vraiment en marche».

Mais il y a problème, soutient un cadre proche du processus: «Nous ne pouvons pas former les gars maintenant et les envoyer sur le terrain, toujours ici en zone anglophone. Ils courent le risque d’être assassinés par leurs camarades du maquis qui les considèrent depuis leur désertion comme des traitres, bons pour la potence. Après leur formation, ils ne peuvent être relativement en sécurité que. loin des régions anglophones. Parce que ceux qui sont encore en brousse les considèrent désormais comme un danger».

Mais il y a une tendance, plus discrète, qui pense que la réinsertion des ex-combattants ne peut être efficace que si la paix est rétablie. Définitivement! Une pilule qui tarde encore à passer chez les faucons. La Nouvelle Expression est au courant d’une polémique qui entoure le cas des «ex-combattants» qui ont été présentés à Bamenda lors de la visite de travail du premier ministre, Dion Ngute. Personne se signale dans quel secteur ils menaient leurs opération, ni dans quel centre ils se trouvent actuellement.

Des cas pareils ont déjà été signalés dans cette opération. Les services de Francis Fai Yengo, le patron du DDR, sont très peu diserts sur la situation de ces ex-combattants. «Par prudence pour une opération qui est liée à la sécurité de l’Etat et des pensionnaires des centres. Une source introduite révèle qu’un projet de construction des centres équipés pour la formations à divers métiers et capables d’accueillir plusieurs milliers de déserteurs est en train d’être mis en marche. Ceux qui encouragent cette initiative laissent savoir qu’ils montreront leur vraie efficacité plutôt après la guerre. «Parce que l’opération DDR ne sera que pure propagande, tant que la paix n’est pas revenue», susurre une source.

Yoyo Emmanuel, ancien parlementaire du Social democratic front, originaire du Nord-ouest, s’était interrogé sur la mission de Paul Tasong, le patron de la reconstruction du Nord-ouest et du Sud-ouest, après sa première mission dans la région il y a plus d’un an: «allez-vous construire dans un climat de violence, de combats et de suspicion mutuelle»? Et de poursuivre: «la reconstruction sans une paix au préalable n’est que peine pertes pour presqu’une centaine de milliards de francs CFA mobilisés à la reconstruction du Nord-ouest et du Sud-ouest dévastés par 4 ans de guerre. La reconstruction ne saurait constituer une étape vers la paix, c’est plutôt la paix qui est un pas décisif vers la reconstruction».

Dans ces cris de mécontentement, la surprise était aussi venue d’un parlementaire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, le parti au pouvoir. Pour L’honorable Mbella Moki Charles, sénateur du Rdpc de la région du Sud-ouest et ancien maire de Buea, il faut se dire les vérités dans les yeux. Une reconstruction des infrastructures sans un nouvel état d’esprit des personnes affectées serait contre-productive/ «Franchement, le Nord-ouest et le Sud-ouest ont été très affectés psychologiquement. On a d’abord besoin d’un capital humain équilibré pour se développer afin d’éviter d’autres problèmes à l’avenir».

Pour Melvin Songwe, représentant la jeunesse camerounaise et anglophone au parlement africain, «un travail préalable aurait dû être fait bien avant, avec tous les acteurs concernés par cette crise, afin de faciliter son implémentation sur le terrain»

À tous ces doutes et méfiances sur une éventuelle réussite du plan présidentiel de reconstruction des deux régions du Cameroun anglophone, Paul Tasong avait rejeté toutes ces réserves. Et est resté déterminé sur sa position: «la reconstruction, c’est la priorité des priorités. Ce plan de reconstruction n’est pas une fin en soi, mais plutôt un moyen pour un retour à une paix durable». Nommé le 03 avril 2020 pour conduire le plan de reconstruction des deux régions anglophones adopté le 05 décembre 2019 à l’issue du Grand dialogue national, Paul Tasong et son adjoint, l’ancien maire Sdf de Kumbo, Njong Donatus, sont sur un chantier titanesque.

Source: La Nouvelle Expression