Les autorités camerounaises ne souhaitent pas, pour le moment, s’exprimer officiellement. Alors que le Nigeria dément avoir participé à l’interpellation sur son territoire, du leader du mouvement séparatiste et neuf autres membres de son groupe, le 05 janvier 2018.
Sa réaction est prompte, après l’interpellation à Abuja, des principaux leaders du mouvement séparatiste anglophone. Dans un communiqué Chris Anu, responsable de la communication de l’Ambazonie « condamne fermement l’enlèvement du 5 janvier 2018 aux environs de 19h30 du président Sisiku Julius Ayuk Tabe et neuf autres membres officiels par des hommes armées de la République du Cameroun à l’hôtel Nera, (rue Ekweme) à Abuja, au Nigéria. » Une sortie qui doit normalement amener les autorités nigérianes et camerounaises à réagir, apporter de plus amples explications sur le rôle qu’elles auraient joué ou non dans l’opération qui a permis de mettre la main sur le noyau dur de la République fantoche. Mais, à la surprise générale, les deux pays se montrent plutôt prudents. Et pour cause, selon des experts des questions de sécurité, le sujet est hautement sensible dans la mesure où les personnes arrêtées ont un statut de réfugiés et bénéficient naturellement de la protection de l’ONU. En clair, les deux Etats ne veulent pas être accusés de violer les conventions internationales en matière de protection des réfugiés.
Les lignes commencent néanmoins à bouger au Nigeria. Le Department of State Services (DSS) dément avoir arrêté Sisiku Ayuk Tabe, précisant toutefois avoir interpellé fin décembre des Camerounais soupçonnés de séparatisme dans l’Etat oriental de Taraba. « Il n’y a rien eu de semblable », a déclaré à l’AFP un haut responsable du DSS sous couvert de l’anonymat. « Il n’y a pas eu d’arrestation des leurs à Abuja. Il y a eu une opération commune dans le Taraba le 31 décembre 2017 pendant laquelle des Camerounais ont été arrêtés », a-t-il ajouté. « Nous avons considéré la plupart d’entre eux comme des réfugiés, mais quand les autorités camerounaises ont entendu parler des arrestations, elles ont protesté auprès de l’inspecteur général de la police en disant que les personnes arrêtées faisaient partie de ceux qui provoquent des troubles comme sécessionnistes ».
SILENCE
Cette réaction du gouvernement fédéral contraste avec le silence qui prévaut dans la capitale camerounaise. Les seules informations disponibles, lesquelles n’ont jamais fait l’objet de démenti, proviennent des organisations de droit de l’Homme généralement hostiles au régime de Yaoundé. En témoigne la sortie musclée du vendredi 13 janvier 2018 de l’ONG Amnesty international. Elle exige la libération « immédiate » des personnes arrêtées au Nigeria, à moins d’avoir « des preuves suffisantes pour les inculper ». « Dix dirigeants du mouvement indépendantiste dans les régions anglophones du Cameroun pourraient être menacés de torture et (s’exposer à un) procès inéquitable s’ils sont extradés du Nigeria », a prévenu l’ONG de défense des droits de l’Homme dans un communiqué.
« Des avocats des droits de l’Homme au Nigeria ont déclaré qu’une demande d’extradition avait été faite par le gouvernement camerounais, mais aucun détail n’a été rendu public », a rapporté l’ONG. Le leader des indépendantistes camerounais, Sisiku Ayuk Tabe, et neuf de ses partisans sont « détenus au secret », « sans accès à un avocat » et en violation de la loi nigériane qui exige qu’ils soient présentés à un juge dans les 48 heures suivant leur interpellation, a souligné Amnesty. Ce combat est aussi mené par l’association du barreau africain qui, dans une lettre de son président, Hannibal Uwaifo, adressée au ministre nigérian de la Justice le 8 janvier 2018, qualifie les arrestations d’« illégales » et parle de «violation des droits de l'Homme». Et surtout, le texte dénonce « une violation du droit international et des lois locales nigérianes étant donné que le pays n'a pas de traité d'extradition avec le Cameroun ». L’African bar association indique que «la plupart des personnes arrêtées sont des avocats inscrits à notre association ».
Répondant à Femi Falana, conseil de plusieurs séparatistes, qui s’offusque du fait que ses clients ont été « emmenés vers une destination inconnue », le ministre nigérian des Affaires étrangères, Geoffrey Onyeama, a fait lui aussi une déclaration confuse le 10 janvier, à l'issue d'un Conseil des ministres : « Je ne sais pas si on peut appeler cela une arrestation ou une convocation pour un entretien. Une enquête est en cours », rajoutant ainsi à la controverse, en même temps qu'il semblait lever progressivement le doute sur la véritable identité des auteurs de l’arrestation de la bande à Sisiku Ayuk Tabe. Du coup, l'avocat Femi Falana a exigé jeudi 11 janvier que ses clients soient libérés de leur « détention illégale » ou inculpés dans un délai de 48 heures, non sans menacer d'engager des procédures judiciaires contre le gouvernement du Nigeria si cela n'était pas fait.
ARRESTATION
Le 05 janvier, Sisiku Tabe, le président de la République fédérale fantôme d'Ambazonie a été arrêté alors qu’il tenait une réunion avec neuf autres membres de son groupe. Des sources annoncent que les personnes interpellées devraient être extradées au Cameroun à la demande des autorités. Aux dernières nouvelles, les leaders séparatistes anglophones se trouveraient dans les locaux des services de renseignements militaires nigérians. L'information a été rendue publique vendredi par le Dr. David Makongo, président de l'ONG United Support for peace basée aux Etats-Unis. Il dit avoir mobilisé des ressources et services pour retrouver la trace des dirigeants de la « Federal Republic of Ambazonia », recherchés par les autorités camerounaises en vertu d'un mandat d'arrêt international émis en novembre 2017.
« Maintenant, je peux affirmer avec assurance que nous croyons avoir localisé les dirigeants enlevés d'Ambazonie. Ils sont sains et saufs », a-t-il révélé, ajoutant que « Contrairement aux rapports précédents selon lesquels ils (Sisiku Julius Ayuk tabe et ses neuf compagnons d'infortune, ndlr) avaient été enlevés par le NSS, leur enlèvement a été effectué par l'ONSA (Bureau du conseiller de sécurité nationale) et non par le NSS. Après les interrogatoires, l'ONSA a transféré les dirigeants de l'Ambazonie au Defense Intelligence Agency (DIA), où ils sont actuellement détenus, sains et saufs. ».
Voilà une information qui viendrait quelque peu calmer les inquiétudes des défenseurs des droits de l'Homme, toujours moins tranchants lorsqu’il faut condamner les actes ignobles d’assassinats de civils et des forces de défense, et la destruction des biens publics, commandités ou perpétrés par des terroristes qui devront tôt ou tard rendre gorge.