Ça fait exactement un an que s’est enclenchée la crise anglophone au Cameroun. Cette contingence a démarré par une grève illimitée lancée par les avocats de la Common law, qui ont posé des revendications corporatistes. Récit des faits
Au rang des revendications corporatistes, figure l’exigence de la version anglaise au Cameroun des actes uniformes OHADA et le rejet du code civil francophone dans les juridictions des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Le ministre de la Justice, garde des sceaux, Laurent Esso, a donné instruction pour que la version des actes uniformes Ohada soit mise à jour, comme l’ont exigé, avec menaces à l’appui, les hommes à la robe noire de la partie anglophone. Mais l’association des avocats du Nord-ouest est insatisfaite et exige même la démission de Nico Halle, pourtant président de l’instance, qui n’aurait pas défendu les intérêts de ses collègues. Le 20 octobre 2016, les avocats de la Common law persistent dans leur revendication. Après la grève de 4 jours du 11 au 14 octobre, ces Hommes de loi se sont réunis le 15 octobre à Buea en dépit de la décision de la chancellerie de traduire, en langue anglaise, des actes uniformes Ohada. C’est ainsi qu’ils ont décidé de prolonger leur mouvement d’humeur, en observant un autre débrayage jusqu’au 21 octobre 2016. Ils boycottent ainsi, une fois de plus, le prétoire dans les deux régions anglophones. A la suite de cette rencontre, dans un communiqué y relatif, les avocats anglophones demandent le soutien des chefs traditionnels du Sud-ouest. Question de protéger les enfants de leurs villages respectifs dans leur effort de protection de leurs droits constitutionnels, de voir la Common law restaurée et sauvegardée. Les praticiens de la loi invitent, par la même occasion, les syndicats, les élus locaux, en l’occurrence les députés, les sénateurs et maires des régions concernées à renoncer à leurs obligations dans leurs circonscriptions électorales dans la juridiction du Common law. Faute de quoi il leur sera reproché d’avoir compromis leur position de représentant des populations.
Paiement des droits de scolarité
Les enseignants, quant à eux, réclament, le 10 octobre 2016, le payement de leurs arriérés de salaire puisqu’au cours de l’année académique 2015-2016, ils n’avaient perçu aucune rétribution. Le 28 octobre à Buea, la journée a été émaillée de heurts entre étudiants et forces de l’ordre. Les cop’s revendiquent le versement de la prime à l’excellence académique, l’abandon des 10000 Fcfa institué par le Recteur au titre de pénalité pour non-respect du délai de paiement des droits de scolarité en ligne. Une grève des enseignants sur toute l’étendue du territoire national est annoncée pour le 5 décembre 2016. La correspondance est signée des responsables de plusieurs syndicats. Le motif formulé est: grève d’avertissement de 2 jours, dont le motif est la non-prise en compte des exigences adressées au Premier ministre. Les enseignants exigent, en réalité, que Philémon Yang procède, sans délai, à l’application des mesures consensuelles adoptées par le comité ad hoc de 2012.
Réponses apportées par le gouvernement
Face aux revendications des avocats anglophones qui exigent le retrait des magistrats francophones dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, Laurent Esso a publié, le 22 novembre 2016, la répartition géographique des avocats sur l’ensemble du triangle national. Toute chose qui tend à confondre les plaignants. La cause de la publication de cette répartition est liée au fait que selon les statistiques du ministère de la Justice, il existe 2086 avocats au Cameroun dont 1390 francophones et 696 anglophones et près de 1400 avocats stagiaires. Une observation de cette répartition incline à constater que dans le Sud-ouest, aucun avocat francophone n’est installé contre un seul dans le Nord-ouest. Mais dans les zones dites francophones, il y a 129 avocats d’extraction anglophone. Quant à la fonction de Notaire, le Cameroun en compte 69 aujourd’hui, dont aucun anglophone parce que cette fonction est exercée, pour l’heure et à titre transitoire, par des avocats. Pour ce qui est des Huissiers de justice, il y en a 514 dont 499 francophones et 15 anglophones. 43 francophones et aucun huissier de justice anglophone exercent dans le Nord-Ouest. 16 huissiers francophones et les 15 anglophones du pays sont dans le Sud-ouest, le reste des huissiers exerçant dans les autres huit régions d’expression française du pays. S’agissant du personnel magistrat, le Minjustice a indiqué que 1542 magistrats sont en activité, dont 91 en service au ministère de la Justice. 1412 en service dans les autres juridictions et 39 en détachement. Dans cette masse, il y a 1265 magistrats francophones, et 227 magistrats anglophones. Le nombre de francophones est de 60 dans le Nord-ouest et 57 dans le Sud-ouest tandis que le nombre de magistrats anglophones en service dans les zones francophones est de 107.
Subvention aux établissements
Autre réponse concrète non des moindres du gouvernement figure la signature d’un décret présidentiel nommant des magistrats du parquet dans différentes régions du pays, la nomination d’un nouveau magistrat anglophone au poste de Procureur de la République au parquet des tribunaux de première et de grande instance de Bamenda. Aussi le Minjustice a-t-il remis à cette période au Bâtonnier de l’ordre des avocats Me Gnie Kamga la version anglaise des actes uniformes Ohada, qui est le nœud du contentieux des revendications des avocats.
S’agissant des enseignants, le premier ministre a créé, le 8 novembre 2016, un comité interministériel chargé d’examiner et de proposer des solutions aux préoccupations soulevées par les enseignants. Au cours desdites assises, 28 points ont été examinés, dont il est ressorti cinq saillants relatifs, entre autres, à l’admission des étudiants dans les universités de tradition anglo-saxonne. La facilitation de l’accès aux universités de tradition anglo-saxonne aux étudiants francophones et vice versa. Le déblocage de 2 milliards de Fcfa au titre de la subvention aux établissements scolaires privés laïcs et confessionnels, le recrutement spécial de 1000 jeunes camerounais bilingues, diplômés de l’enseignement supérieur. Aussi y a-t-il eu, en quelques mois, la libération des leaders anglophones et la création de la commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme.