Le redoutable policier Jean Fochivé était-il mort d'une crise cardiaque ou d'un assassinat ? La question se pose toujours et plusieurs veulent réellement savoir ce qui s'était passé. L'écrivain camerounais Arol Ketch revient sur les détails de l'affaire avec 'Les révélations de Jean Fochivé'. Cette partie se consacre aux secrets confiés à son neveu, qui narre la vérité des choses.
Le 28 mars 1997, plusieurs attaques contre des objectifs civils et militaires provoquent la mort d’au moins quatre personnes dont un sous-préfet dans la province du Nord-Ouest. Ces agressions sont attribuées à des séparatistes anglophones. Des informations recueillies par Fochivé semblent contredire ces affirmations.
Il cherche à en informer le chef de l’Etat en passant par son conseiller spécial, René Owona qui le reçoit en sa résidence le 15 avril 1997. Il mourra au sortir de cet entretien, officiellement d’une crise cardiaque! Une conclusion que ne partage pas son biographe qui reste persuadé que sa mort est liée aux massacres de Bamenda.
«Nous eûmes ce jeudi 9 avril 1997, une conversation qui me fait douter jusqu’à ce jour, des causes avancées de sa mort. Au moment où mon oncle décrochait son téléphone pour répondre à cet appel, il était à trente cinq heures de la mort. Quant il avait reconnu ma voix, il n’avait même pas pris la peine comme d’habitude de s’enquérir de l’état de santé de mon épouse et de mes enfants. Il paraissait très excité et sa voix résonnait très fort dans mon écouteur :
Frédéric, c’est toi qui avais raison quand tu affirmais que le massacre du Nord-Ouest n’était pas commandité par un parti politique de l’opposition. Mon enquête a abouti et je crois savoir qui sont les responsables et quel est leur mobile.
Je détiens toutes les preuves. Ecoute, je ne peux pas t’en dire plus au téléphone. Descends à Yaoundé ce soir, nous en parlerons de vive voix. Je compte dès demain entreprendre des démarches pour rencontrer le chef de l’Etat et lui faire part des résultats de mes enquêtes.
Je connais dans son proche entourage quelqu’un en qui j’ai confiance et qui facilitera ce contact. Le chef de l’Etat sera surpris et déçu de s’être laissé abuser par une bande de flagorneurs qui l’ont même amené à m’humilier.
Écoute, viens me voir à Yaoundé ce soir, je te dirai tout. Je ne partis pas à Yaoundé et aujourd’hui je le regrette amèrement. Je ne l’aurais sans doute pas sauvé de la mort mais, j’aurais en ce moment été capable de dire quels étaient les aboutissements de son enquête et quelles étaient les personnes qui avaient (d’après lui) organisé ce massacre du Nord-Ouest. Je demeure convaincu que la mort de mon oncle est liée à cette affaire. Je ne peux pas croire qu’il soit mort d’une attaque cardiaque.
Il avait plutôt un coeur solide. En plus, il y a des métiers qu’un cardiaque ne peut pas exercer, comme celui qu'a occupé mon oncle pendant plus de trente cinq ans et je ne le crois pas capable de m’avoir dit des choses d’une telle gravité pour se donner de l’importance.
Qu’avait-il découvert? Qui devait-il aller voir pour tenter de rencontrer le chef de l’Etat? L’avait-il vu? Tout le monde sait que la dernière personne que mon oncle avait rencontrée avant la «crise» qui l’avait emporté était M. René Owona, qui à l’époque, était le conseiller spécial du chef de l’Etat et que c’est au sortir de chez lui qu’il s’était senti mal. Ce monsieur, quand nous étions allés le voir après la mort de mon oncle, nous avait confirmé cette visite et avait insisté sur le fait que ce dernier, en le quittant, se portait plutôt bien.
Il n’avait rien dit concernant leur entretien qui sûrement devait être confidentiel. Mon oncle était asthmatique et portait toujours sur lui ce flacon de produit lénitif dont il se pulvérisait la gorge à chaque moment qu’il sentait un début de suffocation. Il l’avait fait ce jour-là.
Son chauffeur et son garde de corps avaient affirmé que son mal ne s’était pas déclaré comme une simple crise d’asthme mais qu’ils avaient remarqué plutôt une asthénie très subite et très inquiétante pour un homme qui, quelques minutes plutôt, avait ouvert sa portière avant l’arrêt complet du véhicule.
Je m’astreins peut-être ici à des analyses médicales que je ne maîtrise pas, mais à force de me poser des questions, je suis arrivé à une conclusion : si mon oncle est vraiment mort d’une quelconque crise, cette crise ne peut être que celle de désespoir (si elle est aussi mortelle que la cardiaque) causée par la mauvaise nouvelle que lui aurait annoncée son hôte. Je ferais preuve de mauvaise foi si j’osais prétendre ignorer que les crises peuvent être subitement mortelles puisque, trois jours après la mort de mon oncle, ma mère à qui j’avais réussi à cacher cette mauvaise nouvelle du fait qu’elle était hypertendue, mourra d’une crise dès qu’elle l’apprendra.
Je ne pus donc pas assister aux obsèques de mon oncle. Le scepticisme qui demeure en moi quant aux causes de la mort de Jean Fochivé n’est entretenu que par mon incapacité d’expliquer certaines coïncidences, et peut être aussi par la rapidité et la tournure des événements.»
La suite en lisant le livre « Les révélations de Jean Fochivé »