Crise post-électorale : le corridor Douala-Ndjamena-Bangui menace l'approvisionnement de l'Afrique centrale

Corridor Douala Ndjamena1 Image illustrative

Thu, 30 Oct 2025 Source: www.camerounweb.com

Révélations sur la paralysie d'un axe stratégique continental

La crise post-électorale qui secoue le Cameroun depuis l'annonce de la réélection de Paul Biya ne menace pas seulement l'économie camerounaise. Jeune Afrique révèle que c'est toute la chaîne d'approvisionnement de l'Afrique centrale qui est en péril, avec des conséquences potentiellement dramatiques pour le Tchad, la Centrafrique et même le Soudan du Sud.

Selon nos informations exclusives, le Port autonome de Douala (PAD), qui traite plus de 90% du commerce extérieur camerounais et une partie significative de celui des pays enclavés voisins, fonctionne au ralenti. Un responsable du PAD a confié à Jeune Afrique : "Les annonces de destruction ont évidemment apeuré les travailleurs du port, comme d'ailleurs les collaborateurs d'autres secteurs. Et l'absence de transports urbains a empêché nombre d'entre eux de se déplacer."

Plus inquiétant encore, Jeune Afrique a appris que les camionneurs ont hésité pendant deux jours avant de reprendre timidement leurs activités. Cette interruption, même brève, a créé un embouteillage de marchandises au port, avec des containers qui s'accumulent sans pouvoir être acheminés vers l'intérieur du pays et au-delà des frontières.

Jeune Afrique a recueilli le témoignage édifiant d'un cadre d'une agence de transport interurbain, qui assure habituellement 24 liaisons journalières entre Douala et Yaoundé : "Nous avons juste fait partir le premier bus lundi, à quatre heures du matin, pour Yaoundé. Depuis, nous sommes à l'arrêt." Cette déclaration, obtenue en exclusivité mercredi 29 octobre, illustre la paralysie quasi-totale du transport de personnes et de marchandises.

Les quartiers Village, Yassa et New-Bell, à l'entrée Est de Douala, principaux foyers de la révolte, sont identifiés par Jeune Afrique comme les points névralgiques qui bloquent le corridor Douala-Ndjamena-Bangui. Ces zones, où Issa Tchiroma Bakary est arrivé en tête lors de la présidentielle, sont le théâtre d'affrontements qui empêchent toute circulation fluide.

Jeune Afrique révèle que le ministre camerounais du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a multiplié les appels d'urgence le 29 octobre auprès des acteurs de la distribution et des responsables des syndicats de transport. L'objectif : éviter une pénurie de produits de première nécessité qui déclencherait inévitablement une flambée des prix.

Cette inquiétude, comme l'a constaté Jeune Afrique, n'est pas infondée. Le Cameroun, et plus particulièrement Douala, sert de porte d'entrée pour les importations de nombreux pays de la sous-région. Une paralysie prolongée du corridor commercial pourrait avoir des effets en cascade sur toute l'Afrique centrale.

Selon les informations exclusives obtenues par Jeune Afrique, le Groupement des professionnels du pétrole (GPP) a dû lancer un appel urgent aux Camerounais pour davantage de responsabilité. Les stations-service Total Energies, Tradex, Neptune et Bocom ont été vandalisées non seulement à Douala, mais aussi dans la région de l'Est, notamment à Bertoua et Garoua Boulai, deux villes stratégiques sur la route vers le Tchad et la Centrafrique.

Un cadre d'un trader local a révélé à Jeune Afrique : "Il faut entre 400 et 700 millions de F CFA pour construire une station-service en fonction du standing." Ces destructions menacent directement l'approvisionnement en carburant des pays voisins, déjà fragiles économiquement.

Jeune Afrique a pu documenter l'attaque de l'agence Société générale du carrefour Saint-Michel, à trois kilomètres de l'aéroport international de Douala. "La porte principale enfoncée par des pillards, deux distributeurs saccagés, des ordinateurs emportés et du mobilier de bureau détruit", décrit notre enquête exclusive. L'établissement bancaire assure qu'il n'y a "pas d'impact sur les avoirs et les données clients", mais l'incident révèle la vulnérabilité du système financier camerounais.

Jeune Afrique a également appris que l'Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun (Apeccam) poursuit son évaluation des dommages causés. Les banques, essentielles pour les transactions commerciales internationales, fonctionnent en mode dégradé, compliquant davantage les échanges régionaux.

Face à cette situation critique, Jeune Afrique révèle que les entreprises ont dû innover rapidement. Un responsable du Port autonome de Douala a confié à notre rédaction : "Nous conseillons la prudence à nos collaborateurs." Le télétravail, peu développé au Cameroun, est devenu la norme dans plusieurs secteurs stratégiques.

Un banquier a expliqué à Jeune Afrique : "Dans certaines localités, les agences sont carrément fermées pour assurer la sécurité de nos collaborateurs. Et nous orientons les clients vers les agences qui sont ouvertes et peuvent fonctionner." Cette situation inédite bouleverse les habitudes commerciales dans un pays où les transactions en personne restent dominantes.

Selon les informations exclusives de Jeune Afrique, le Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam), sous la direction de Célestin Tawamba, ne cache pas son inquiétude : "Nous ne doutons pas de l'impact économique négatif de cette crise." L'organisation patronale prévoit d'administrer un questionnaire à ses membres pour évaluer précisément les dégâts.

Les usines de Douala, qui génère plus de la moitié des richesses du Cameroun, ont cessé de fonctionner dès le samedi 25 octobre, soit deux jours avant l'annonce officielle des résultats. Ce mouvement s'est ensuite généralisé à l'ensemble du pays, privant le Cameroun et ses voisins de produits manufacturés essentiels.

Cette crise post-électorale met en lumière la fragilité des chaînes d'approvisionnement en Afrique centrale et la dépendance des pays enclavés vis-à-vis de la stabilité politique camerounaise. Elle pourrait accélérer la réflexion sur la diversification des routes commerciales dans la sous-région.

Source: www.camerounweb.com