Décentralisation: ce qui empêche la mise en œuvre effective

Paul Atanga Nji 780x440 Beaucoup de lenteurs ont été enregistrées dans la mise en oeuvre de la décentralisation.

Tue, 17 Apr 2018 Source: Le Sahel No 1061

Sur la sellette à cause des lenteurs enregistrées dans la mise en œuvre du processus de décentralisation - une des causes de la crise anglophone selon des analystes -, l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (Minatd), René Emmanuel Sadi, se défendait en 2017 : « Les événements malheureux survenus ces derniers temps dans les régions du Nord-Ouest et du Sud- Ouest ont nourri un débat sur la mise en œuvre du processus de décentralisation dans notre pays. Un débat qui a montré une connaissance approximative, voire une ignorance manifeste des acquis et des enjeux de ce processus. Un débat qui, parfois, a donné lieu à des affirmations de toutes sortes, parfois aussi spécieuses et erronées qu’insensées ».

Aujourd’hui, en attendant l’organigramme du nouveau ministère de la Décentralisation et du Développement local, né du réaménagement ministériel du 02 mars dernier, les responsables de l’ex-Minatd affirment que le processus entamé depuis 2010 est pratiquement à son terme. Plus de 70 compétences de 20 ministères ont été transférées aux collectivités territoriales décentralisées et il s’agira pour le nouveau ministère de mettre en œuvre le « transfert des compétences de seconde génération ». Celle-ci pourrait voir encore plus de pouvoirs centraux dévolus au niveau local, notamment des pouvoirs plus étendus sur l’administration des affaires tels que ceux relevant jusqu’ici de la fonction publique et autres.

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Mais avant, ce département ministériel ne rougit pas de son bilan : « L’année 2010 marque le début effectif des premiers transferts de compétences et de ressources de l’Etat vers les collectivités territoriales décentralisées. Depuis cette date, les communes ont bénéficié d’importants financements issus outre de l’exploitation de leur patrimoine (forêts communales, revenus des marchés, gares routières, etc.), des transferts de fiscalité, des dotations, des subventions, ainsi que des produits des impôts soumis à péréquation », ex- plique-t-on dans cette administration. 20 ministères ont transféré quelques-unes de leurs compétences aux communes, pour environ 71 compétences transférées.

La dernière en date est le cantonnage des routes. « Les ressources allouées au cantonnage routier seront reversées aux collectivités territoriales décentralisées dès le premier trimestre de l’année 2018 », affirme-t-on au ministère de l’Administration territoriale (Minat). Pour ce qui est justement de l’entretien routier, un haut responsable du Minat déclare que « chaque commune va recevoir entre 25 et 30 millions Fcfa dans ce segment. Le montant de l’enveloppe varie en fonction de l’importance de la commune ».

Durant la période allant du premier trimestre 2010 au troisième trimestre 2017, les impôts soumis à péréquation, à savoir les droits du timbre automobile, la redevance forestière, les centimes additionnels et la taxe de développe- ment, ont été repartis aux Cdt pour plus de 460 milliards Fcfa. Ce montant ne tient pas compte, d’après le gouvernement, de la retenue différée de 20%, prélevée directe- ment par la commune génératrice de l’impôt et la taxe concernée. Dans le même temps, la dotation générale de la décentralisation (Dgd) répartie aux communes est d’une dizaine de milliards Fcfa par an depuis sept ans.

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Cependant, dans les faits, les élus locaux continuent de ré- clamer « une décentralisation effective ». « On parle de transfert de compétences, mais cela ne se voit pas », commente un adjoint au maire de la commune de Yaoundé VI. Et de poursuivre : « Nous ne passons pas de marchés publics au niveau de la commune, nous ne pouvons pas recruter des enseignants dans les écoles et encore moins les payer. En fait, nous servons seulement de transit entre ce qui s’est décidé au plus haut niveau et les populations. C’est le cas par exemple avec les paquets minimum qui nous sont remis juste pour qu’on les transfère ».

Cet élu se montre d’ailleurs sceptique. Pour lui, le nouveau ministère de la Décentralisation et du Développement local est un artifice de plus, car, analyse- t-il, « ceux qui ont pensé la décentralisation ne sont pas ceux qui la mettent en œuvre. Et ceux qui la mettent en œuvre n’y comprennent rien ».

Source: Le Sahel No 1061