Déstabilisation : voici les cadres du Rdpc qui transforment le Mayo-Banyo en une poudrière aux portes l’Adamaoua

Les conflits sont de plusieurs ordres

Thu, 31 Mar 2022 Source: L’OEIL DU SAHEL N°1633

Le confrère L’OEIL DU SAHEL dans sa livraison N°1633 du mercredi 30 mars 2022 est revenu sur les conflits qui minent le Mayo-Banyo. Dans l’article il est notamment question des agissements de certains cadres du Rdpc, le parti au pouvoir au Cameroun.



L’urgence d’une concertation pour trouver des solutions appropriées et durables aux risques d’affrontements perceptibles à la suite des conflits interethniques et intercommunautaires dans le département du Mayo-Banyo, s’est imposée le 26 mars dernier à Ngaoundéré. Ce, pour «arriver à juguler les démons qui ne sont pas encore sortis de la bouteille, mais qui sont sur le point de sortir. Imaginez alors ce que le démon, le diable, peut faire quand il sort de la bouteille où il était confiné», a expliqué le gouverneur de l’Adamaoua, Kildadi Taguiéké Boukar. Lequel a poursuivi en pointant du doigt «quelques écarts de comportements orduriers portant atteinte à l’ordre public, qui seraient ourdis par une frange de l’élite, chefs traditionnels et acteurs politiques tapis dans l’ombre, avec pour corollaire la détérioration du climat pacifique entre les principaux groupes autochtones et en perspective, des déclenchements d’affrontements tribaux». Le moins que l’on puisse dire est que cette rencontre a été fort animée.

Il y a d’abord eu de l’agacement, quand le préfet du Mayo-Banyo a déclaré que la majorité de la population de son département est analphabète. Clameur dans la salle. Désapprobation de l’élite présente. «Ne me contredisez pas ! Ils n’ont pas le droit de me contredire parce que c’est le préfet qui parle. On n’est pas ici pour le mensonge». Le ton du chef de terre monte à l’endroit de l’ex député Amassoumou. L’autorité administrative va lui intimer de taire toute velléité de contradiction à son encontre, rappelant à l’élu le rôle trouble qu’a joué dans la tentative d’éviction du maire de Bankim «Quand monsieur Amassoumou veut me contredire, je lui dis de faire attention parce que je n’aime pas qu’on me contredise. Vous soutenez votre fils, c’est lui qui a créé la destitution du maire. Et vous voulez me dire que je mens ?

Tout ce que les gens vont dire ici, monsieur le gouverneur, c’est du mensonge», a dit le préfet. Acculé et accusé par l’actuel président de section Rdpc de Bankim d’être l’un des acteurs du mal-être du Rdpc à Bankim, l’honorable Amassoumou va se défendre. Estimant avoir été à la limite déshonoré, il va menacer publiquement de démissionner du Rdpc avec son fils Tellessam. Abba Sadou intervient et finit par calmer les ardeurs. Et le maire Angelbert Mveing, qui passe pour être l’adversaire politique de Tellessam, va s’y mettre pour apaiser les esprits.

LEADERSHIP

Un cas qui a été posé sur la table est celui de la préparation de la visite du Cerac à Bankim. Le ministre secrétaire général adjoint de la présidence de la République avait joint le maire de Bankim par le biais du téléphone de son adversaire politique. «Par rapport au Cerac, ce n’était pas normal que cette élite appelle le maire de Bankim par le téléphone de son adversaire politique ; ils le font sciemment. Ce n’est pas bien d’agir de la sorte ; une fois que vous atteignez un niveau de responsabilité, vous cessez d’appartenir à votre tribu, vous êtes une institution. Quand le président de la République vous nomme, c’est par rapport à la République même si vous avez même une base politique», a regretté Abdoulkarimou Dewa, Dga d’Elecam. La réponse de Dadda Fadimatou, maire de MayoDarlé, ne s’est pas faite attendre. «J’étais à la réunion convoquée par la déléguée régionale et les femmes du Cerac chez le ministre. C’est elle qui la présidait. Le problème que j’ai dû percevoir, c’était celui de la communication. La réunion a été convoquée à la hâte. J’ai l’impression qu’on est en train d’indexer une élite, mais ce n’est pas elle qui a convoqué cette réunion. Il y avait des dispositions préalables à prendre et le ministre a pris la parole et a dit qu’il sait qu’il y a un problème entre Tellessam et le maire de Bankim. Le ministre a donc demandé à Tellessam d’appeler son frère, le maire, parce qu’il veut que leur problème soit arrangé. Il lui a demandé d’apprendre à parler avec le maire. Directement, Tellessam a composé le numéro du maire de Bankim, ils se sont parlés parce que tout le monde les entendait, le téléphone étant sur haut-parleur», a-t-elle expliqué.

Le geste du ministre SGA/PRC allait donc, pour la maire de MayoDarlé, dans le sens de l’apaisement. Pourtant, pour de nombreux proches du maire de Bankim, c’était une manière de le mépriser, et une manière pour son adversaire politique de lui montrer qu’il est dans les bonnes grâces du SGA/PRC. Le maire Angelbert Mveing, lui-même, de déclarer que : «je ne sais pas quand il y a eu fuite d’information. Mais quand le président de section Rdpc de Bankim m’en a parlé, j’ai compris qu’un président a ses réseaux d’informations. C’est vrai que ç’aura été un appel direct du ministre que je me serais aussi vanté. Mais, je n’ai pas pris le fait qu’il ne m’appelle par personne interposée pour un problème». Un autre conflit qui a déchainé les passions à Banyo, c’est celui bien récent entre les Wawa et des Peulhs. Abdou Karim, président de l’Association des Wawa du Cameroun, dans une correspondance adressée au gouverneur et lue séance tenante, écrit : «notre association prône la paix et refuse la domination et la maltraitance du pauvre par le riche». A la suite de l’intervention d’Halirou Garba, représentant Abdou Karim absent, le préfet du Mayo-Banyo a tenu à apporter les clarifications suivantes. « Il fait partie du noyau dur, ce sont eux les meneurs de tout le désordre. Pour eux, il faut éliminer tous les Peulhs. Ils sont complexés. Mais je voudrais lui dire que la prochaine fois qu’ils mettent leurs pieds au palais de justice dans le cadre de la procédure qui oppose monsieur Abdou Karim à un Peulh, je vais vous arrêter tous parce vous troublez l’ordre public», at-il averti.

CONFLITS AGRICULTEURSÉLEVEURS

Parlant des conflits agropastoraux, l’une des causes décelées serait l’arrogance des éleveurs. Ceux-ci n’ont que du mépris pour les cultivateurs, en ce que l’argent qu’ils engrangent en vendant par exemple un seul bœuf, est parfois le capital d’un agriculteur sur toute une année. Du coup, ils sont très souvent animés de mauvaise foi, et refusent de payer les dommages causés par leurs bêtes aux cultivateurs. Mais, le problème aussi, a cru savoir le préfet du Mayo-Banyo, c’est qu’il y a des agriculteurs qui créent des «champs pièges», le long des couloirs de transhumance. Il y a donc une sorte de provocation mutuelle entre éleveurs et agriculteurs, une situation qui doit cesser, a prescrit le gouverneur. Pour finir, les élites intérieures et extérieures du MayoBanyo ont pris la résolution de réactiver les comités de développement et de se rencontrer le plus souvent pour parler de leurs problèmes. D’ailleurs, pour ce qui est spécifiquement du cas du Rdpc à Bankim, une rencontre est prévue en avril prochain, question de refaire parler tous les cadres du parti d’une même voix et se dire des vérités en face. Aussi, des résolutions ont été prises pour endiguer les conflits agropastoraux, le rôle trouble des associations dans la propagation de la haine tribale, les manipulations pernicieuses de certaines élites, les problèmes au niveau des chefferies, la défiance de l’autorité de l’Etat, la nomination des jeunes du département du Mayo-Banyo à des postes de responsabilités dans la République.

Source: L’OEIL DU SAHEL N°1633