Des fonctionnaires estiment que la suspension de solde ne suffit pas. Il faut récupérer les sommes indûment perçues.
Les fonctionnaires ne sont pas du tout énervés par la mesure disciplinaire qui frappe certains d’entre eux. Pour beaucoup, le flou n’avait que trop durer.
En dehors de ceux qui sont au poste et dont les salaires ont été malencontreusement coupés, l’opération est plutôt la bienvenue : elle facilitera l’épuration du système corrompu mis en place par les gestionnaires des ressources humaines de l’Etat.
En effet, ils soutiennent que parmi les agents dont les salaires ont été suspendus, certains séjournent depuis de nombreuses années hors du pays, au su de leur hiérarchie directe.
Lors des récents recensements, affirment-ils, certains supérieurs hiérarchiques les appelaient pour qu’ils viennent remplir les formalités nécessaires pour continuer à conserver un matricule qui n’avait jusque-là permis qu’à accumuler de l’argent utile à l’exil.
En contrepartie d’une portion bien définie du salaire indu. Un enseignant évoque avec ironie le cas de ses deux promotionnaires, recrutés au Gabon et au Canada et partis depuis des années mais dont les avancements évoluaient normalement.
« Nous travaillons et on nous paie mal. Pendant ce temps, des gens qui ne font rien émargent au budget de l’Etat », apprécie François Asse.
Il suggère que les sommes économisées grâce à cette opération soient réinvesties dans l’amélioration des conditions de vie et de travail des personnels actifs.
Cependant, de nombreux fonctionnaires pensent que les mesures répressives actuelles sont inefficaces.
Car elles n’attaquent pas la racine du mal. « Tout cela arrive parce que le système l’a voulu.
Tous les agents de l’Etat n’ont pas accès aux machines qui traitent les carrières.
C’est auprès des informaticiens des ministères qu’il faut chercher la clé du mal ». H. D. N. témoigne des puissants réseaux maffieux existant au ministère des Finances (Minfi) et au ministère de la Fonction Publique (Minfopra), qui permettent d’échapper au filtre de l’assainissement.
« Quand on coupe le salaire des indélicats, certains réussissent à le rétablir en dehors des procédures normales. Des gens qui ont fait des recours vous signaleront qu’ils ont déjà vu une connaissance pour arranger la situation », précise- t-il.
« C’est bien de sanctionner les agents. Mais sans les complicités des cadres haut placés, ils n’auraient pas réussi à jongler avec l’administration », renchérit un autre.
Les plus pessimistes pensent que la gestion du fichier solde de l’Etat est une hydre dont les tentacules sont profondes.
Selon des sources du Jour, des grenouillages permettent à de simples agents de toucher des primes ou indemnités d’un sous-directeur, en virant moins de 50.000F à un responsable du Minfi.
Sur les bons de caisse, ils portent des titres pompeux, comme « conseiller en gestion des ressources humaines ».
Une fonction incompatible avec le lieu où ils sont effectivement postés mais qui suscite des émules. Des réseaux se créent alors pour gérer la manne.