Eloundou Essomba Gaston, Ministre camerounais de l'Energie et de l'Eau a eu chaud au parlement. En pleine assemblée plénière de la session en cours et précisément le 25 Mars dernier le député FSNC Du Diamaré a soumis le membre du gouvernement à un entretien à bâton rompu.
L'extrait de cet échange en intégralité
Question - H. Salmana Amadou : pourquoi le Gouvernement ne déploie t- il pas les mêmes efforts que ceux déployés pendant la CAN Total énergies 2021 pour résorber définitivement ce problème d’électricité dans notre pays ?
Réponse 1
Ministre Gaston Eloundou Essomba : Monsieur le Député, merci pour cette occasion que vous m’offrez, une fois de plus, pour parler de la problématique de l’approvisionnement en énergie électrique de notre pays, qui vous le savez, préoccupe au plus haut point le Gouvernement.
Merci également pour l’appréciation que vous faites des efforts consentis par le Gouvernement afin d’assurer le bon déroulement dans notre pays de la CAN TOTAL Energies 2021, notamment en ce qui concerne le secteur de l’énergie.
Ceci étant et si vous en avez convenance, je voudrais à présent, apporter des éléments de réponse aux questions qui m’ont été posées.
Eh bien, permettez-moi tout d’abord de préciser que les problématiques se présentent différemment selon qu’on se trouve dans le Réseau Interconnecté Sud ou dans le Réseau Interconnecté Nord.
Le RIS
Dans le Réseau Interconnecté Sud (RIS) qui abrite les Régions du Centre, du Sud, du Littoral, de l’Ouest, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, il faut dire que pendant la période de la CAN, l’ensemble des ouvrages de production de l’énergie à l’instar de Songloulou, d’Edéa, de Kribi, et Memve’ele produisaient au maximum de leur capacité.
Par ailleurs, pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande pendant cette période particulière, nous avons exceptionnellement sollicité un effacement de certains industriels.
Cependant, au lendemain de la CAN, qui coïncide avec la période d’étiage, qui intervient généralement entre le 15 février et le 31 mars de chaque année dans le bassin du Ntem où se trouve le barrage de Memve’ele. Il n’est pas inutile de rappeler que l’étiage de cette année sur le fleuve Ntem a été particulièrement sévère du fait des changements climatiques. La conséquence a donc été l’observation d’une dégradation du service public de l’électricité, caractérisée par des délestages une dizaine de jours après la CAN.
En effet, ces perturbations, principalement dues à la crise hydrologique, ont entrainé un déficit conjoncturel de la production d’électricité de la centrale de Memve’ele.
A la différence des centrales hydroélectriques de Songloulou et d’Edéa qui bénéficient de l’eau stockée dans les barrages réservoirs du bassin de la Sanaga, la centrale de Memve’ele ne bénéficie pas encore des mêmes capacités de régulation sur le fleuve Ntem.
C’est dans ce contexte que l’on a observé une baisse drastique de la production de Memve’ele qui est passée de 90 MW disponible 24h/24 durant toute à la période la CAN à une puissance de 30 MW seulement en soirée entre 18h et 22h. La centrale étant en arrêt en dehors de ces heures.
Ainsi, la conséquence de cette baisse de l’hydrologie est l’apparition d’un déficit de 60 MW dans le RIS. Cette puissance représente environ 30% de la consommation d’électricité de la ville de Yaoundé, dont la consommation à la pointe est de 225 MW. Ce déficit de production à Memve’ele qui est circonscrit dans le temps, a donc été la cause majeure des délestages observés dans le RIS au cours des dernières semaines.
Le RIN
S’agissant des actions entreprises pour le bon déroulement de la CAN dans cette partie du pays, elles ont consisté à augmenter exceptionnellement le volume d’eau turbiné au barrage de Lagdo pour atteindre une puissance de 24 MW, contre une puissance de 11 MW avant la CAN.
Aussi, il avait également été demandé aux industriels de maintenir leur effacement entamé depuis le mois d’octobre 2021, pour permettre aux populations de vivre pleinement la CAN.
En marge de ces actions techniques, le Gouvernement a procédé à des paiements substantiels au profit d’Eneo pour soutenir les coûts liés à l’approvisionnement en combustibles des centrales thermiques qui nécessitent un montant de 1 milliard de FCFA/semaine.
Ces actions couplées aux activités menées aussi bien dans le domaine du transport que de la distribution ont permis d’assurer une continuité du service public dans les Régions septentrionales pendant la CAN.
Question 2- qu’est ce qui est fait jusqu’à ce jour pour remédier aux perturbations observées dans la fourniture de l’énergie électrique ainsi que la stratégie adoptée dans l’urgence pour sensibiliser les populations de l’Extrême-Nord et celle du Diamaré en particulier ?
Réponse 2
Avec le retour de la saison des pluies qui induit une meilleure hydrologie, nous observons depuis le 19 mars 2022, un retour progressif à la normale dans le RIS. Le réservoir du barrage de Memve’ele est désormais plein, soit un volume de 83 millions de m3, qui permet à nouveau de produire 90 MW 24h/24.
Toutefois, il convient de préciser que des interruptions pourraient subsister. Car, les réseaux de distribution et de transport connaissent encore quelques défauts notamment avec les chutes de poteaux bois pourris et la surcharge de certains transformateurs de puissance.
C’est dans ce sens que j’ai instruit les Directeurs Généraux d’Eneo et de la Sonatrel de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour réduire les délais d’intervention à l’instar du dispositif expérimenté pendant la CAN 2021.
En perspective, et pour atténuer les impacts de la variation de l’hydrologie du fleuve Ntem, le CHEF DE L’ETAT a prescrit l’accélération de la maturation du projet de construction d’un barrage réservoir sur ce fleuve.
Par ailleurs, la dynamique de l’accroissement de l’offre de production se poursuit à travers la mise en service définitive de la centrale de Memve’ele prévue à la fin du mois de mai 2022 qui fera passée sa production de 90 MW à 211 MW.
Pour ce qui est de la centrale de Nachtigal d’une puissance de 420 MW, qui viendra également renforcer l’offre de production, le taux d’exécution des travaux est de 60% et sa mise en service sur une période de 12 mois est prévue entre 2023 et 2024.
Pour ce qui est du Réseau Interconnecté Nord(RIN) qui alimente les Régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord, il convient de rappeler que le barrage de Lagdo, principal ouvrage de production est confronté depuis 2 années consécutives à une baisse hydrologique jamais enregistrée au cours des 30 dernières années.
S’il est vrai que le barrage de Lagdo, compte tenu de sa vétusté a besoin d’une réhabilitation, il s’agit ici d’une réhabilitation électro mécanique pour mettre à jour certains équipements. C’est dans ce sens, que je voudrais me permettre d’insister sur le fait qu’en l’état actuel, les turbines dudit barrage sont toutes opérationnelles et le niveau d’ensablement actuel n’affecte aucunement leur performance. J’ai d’ailleurs pu le constater lors de mes différentes missions d’évaluation sur le site.
En effet, le niveau d’ensablement de la retenue qui est de 20% ne saurait être la cause du déficit de production actuellement observé au barrage de Lagdo, dans la mesure où la capacité de stockage actuelle dudit barrage est de plus de 5,6 milliards de m3. Or, la centrale a besoin d’un volume de 4 milliards de m3 pour un fonctionnement normal.
En définitive, la seule cause à retenir pour le déficit de production du barrage de Lagdo reste la faible pluviométrie due aux changements climatiques qui du reste, sont un phénomène naturel.
Cependant, le niveau de production du barrage de Lagdo ne pouvait pas être maintenu aux alentours de 24 MW de peur d’assécher le stock d’eau résiduel et de ce fait provoquer un arrêt définitif de la centrale de façon anticipée.
Ce scénario aurait été encore plus difficile à vivre pour les populations. Raison pour laquelle, le volume d’eau turbiné est passé de 7.5 millions de m3/jour à 4,5 millions à la fin de la CAN. Soit une baisse de la production de 24 MW pendant la CAN à 9 MW après la CAN.
Face à cette crise hydrologique sans précédent, le Gouvernement a pris en urgence quelques actions qui permettront de résorber progressivement le déficit de production dans la partie septentrionale du pays.
Il s’agit :
- du transfert de la centrale d’Ahala vers Garoua et Ngaoundéré qui a apporté une capacité supplémentaire de 20MW ;
- de la mise en service depuis le 23 mars 2022, d’une nouvelle centrale thermique d’une capacité additionnelle de 10 MW à Guider ;
- de l’installation de deux (02) centrales solaires modulaires avec batteries de stockage, d’une capacité cumulée de 30 MWC + 20 MWh à Maroua et Guider ; Actuellement, les travaux qui ont débuté à la centrale de Guider se poursuivent avec l’installation progressive des modules sur une superficie de 54 hectares, étant entendu que les premiers mégawatts de ladite centrale sont déjà injectés dans ledit réseau ; le début des travaux de construction de la centrale solaire de Maroua est prévu pour le mois de juin 2022 ;
- de l’installation projetée d’ici la première semaine du mois de mai 2022 de deux nouvelles centrales thermiques dont l’une de 10 MW à Maroua et l’autre de 05 MW à Kousséri ;
- de la construction de grandes centrales solaires dans les villes de N’Gaoundéré, Garoua, Maroua et Guider, qui à terme, permettront d’injecter 120 MWc dans le Réseau Interconnecté Nord. L’ensemble des études de ces projets ont déjà été réalisées et les négociations se poursuivent entre le MINFI et les sociétés qui développent ces projets sur le type de garantie à leur accorder.
A moyen terme, d’autres actions verront également le jour pour davantage sécuriser l’offre de production dans le RIN. Il s’agit notamment du barrage de Bini à Warack pour lequel le partenaire financier ICBC qui avait suspendu en novembre 2019 le financement de ce projet a repris langue avec l’Etat.
Je ne saurais terminer mon propos sans évoquer le projet d’interconnexion RIS-RIN qui bénéficie d’un financement de la Banque Mondiale depuis le mois de décembre 2021 et le processus de lancement d’appel d’offres est en cours.
Voilà, présentés,
Très Honorable Président de l’Assemblée Nationale ;
Mesdames et Messieurs les Députés ;
Mesdames et Messieurs,
Quelques éléments de réponse du Gouvernement, aux questions, que l’honorable SALMANA AMADOU ALI a bien voulu nous poser.
En espérant avoir apporté plus d’éclairage sur ces préoccupations, je voudrais vous réitérer ma disponibilité à œuvrer pour un service public de de l’électricité plus satisfaisant et compétitif, conformément aux Très Hautes Instructions du Chef de l’Etat, Son Excellence Paul BIYA.
Je vous remercie.
Source Assemblée Nationale
Session de Mars 2022