Désinformation russe en Afrique : le Cameroun dans le viseur du projet Lakhta

Biya Poutine Image illustrative

Wed, 12 Mar 2025 Source: www.camerounweb.com

Une enquête exclusive de Jeune Afrique révèle les stratégies de désinformation russe en Afrique, avec un focus particulier sur le Cameroun. Alors que la nouvelle structure sécuritaire russe, Africa Corps, prend progressivement le relais de Wagner sur le continent, le projet Lakhta, l’appareil informationnel créé par Evgueni Prigojine, continue de semer la désinformation, notamment dans les pays francophones comme le Cameroun.

Le projet Lakhta, connu pour ses opérations de manipulation de l’information, a récemment lancé une campagne de désinformation ciblant spécifiquement le Cameroun. Une fausse offre d’emploi, repérée par le service français Viginum, prétendait rechercher des « analystes de bases de données et des ingénieurs en explosifs au Cameroun ». Cette annonce, accompagnée d’une vidéo d’un Camerounais au visage flouté, accusait la France de recruter des combattants pour l’Ukraine, une affirmation totalement infondée.

Cette campagne s’inscrit dans une stratégie plus large visant à discréditer la France et à influencer l’opinion publique africaine en faveur de la Russie. Le Cameroun, comme d’autres pays francophones, est devenu un terrain de jeu pour ces opérations de désinformation, qui exploitent les tensions locales et les sentiments anti-français.

Malgré la mort d’Evgueni Prigojine, fondateur de Wagner, en août 2023, et la reprise en main de ses actifs par l’Africa Corps, le projet Lakhta continue de fonctionner. Les « usines à trolls » basées à Saint-Pétersbourg produisent des contenus qui sont relayés par des influenceurs locaux dans plusieurs pays africains, dont le Cameroun. Ces influenceurs, souvent payés au lance-pierre, diffusent des narratifs anti-occidentaux et pro-russes, contribuant à la désinformation sur les réseaux sociaux et dans les médias locaux.

Selon une source de Viginum, « le projet Lakhta survit, c’est évident. Les mêmes avatars, comme les experts militaires factices Grégoire Cyrille Dongobada ou Sylvain Nguema, continuent de publier des articles dans des médias africains contre rémunération. » Ces opérations visent à maintenir une influence russe sur le continent, en particulier dans les pays où la France a réduit sa présence.

Le Cameroun, avec son contexte politique et social complexe, est particulièrement vulnérable à ces campagnes de désinformation. Les récits propagés par le projet Lakhta exploitent les divisions internes et les frustrations économiques pour semer la méfiance envers les institutions locales et les partenaires internationaux, notamment la France.

La présence russe au Cameroun, bien que moins visible que dans d’autres pays comme le Mali ou la Centrafrique, s’inscrit dans une stratégie de long terme visant à influencer l’opinion publique et à renforcer les liens avec Moscou. Les opérations de désinformation font partie d’une approche plus large de soft power, incluant des initiatives culturelles, éducatives et diplomatiques.

Alors que les opérations militaires de Wagner sont progressivement intégrées dans l’Africa Corps, la branche informationnelle du groupe reste active. Le projet Lakhta, désormais aligné sur les objectifs diplomatiques et sécuritaires de la Russie, continue de cibler les pays africains, y compris le Cameroun, avec des campagnes de désinformation sophistiquées.

Maxime Audinet, chercheur en stratégies d’influence à l’Irsem, explique que « les opérations informationnelles très offensives contre la France semblent s’atténuer au Sahel. Les acteurs russes ont atteint leurs objectifs. La phase actuelle est celle d’une stabilisation et d’une diversification de leur présence. » Cette diversification inclut des initiatives culturelles et éducatives, comme les cours de russe et les projections de films patriotiques, visant à renforcer l’influence russe sur le continent.

Le Cameroun, comme d’autres pays africains, est confronté à une nouvelle forme de guerre informationnelle menée par la Russie. Les campagnes de désinformation du projet Lakhta exploitent les vulnérabilités locales pour influencer l’opinion publique et renforcer la présence russe sur le continent. Face à cette menace, les autorités camerounaises et les partenaires internationaux doivent rester vigilants et renforcer leurs capacités à contrer ces opérations de manipulation.

Source: www.camerounweb.com