L’affaire en elle-même commence lorsqu’au mois de mars 2022, un redressement fiscal de 18 milliards Fcfa sur un mois est signifié dans un premier temps au Pdg du groupe l’Anecdote. Quelques jours après, un autre redressement de 12 milliards est à nouveau notifié à Jean Pierre Amougou Belinga, soit un total de 30 milliards Fcfa que le groupe l’Anecdote doit au fisc.
Si le montant semble ahurissant à première vue, il ne fait pas de doute que c’est l’Agence nationale d’investigation financière (Anif) qui a mis la puce à l’oreille des agents du fisc, au regard des mouvements de fonds dans les comptes du groupe. Selon des sources proches du Pdg du groupe l’Anecdote, ce dernier est étonné et n’en revient pas.
Il pense tout de suite qu’une main noire se cache derrière ce coup de tête des impôts. Spécialiste des manœuvres obliques, Jean Pierre Amougou Belinga ne désarme pas. Il sait sur quel levier appuyer pour se sortir d’affaire. Une rencontre est vite organisée avec les agents des Impôts dont Emeline Mvogo, cheffe de centre des Impôts de Yaoundé I.
La version du Pdg voudrait que cette dame soit l’envoyée même du Dg des Impôts et porteur d’un message du Dg en personne qui souhaite un pot de vin pour stopper l’affaire. Coût de l’opération : 500 millions de Fcfa. Toujours selon la version du proche entourage de Jean Pierre Amougou Belinga, la proposition de la cheffe de Centre des Impôts suscite quelques appréhensions de la part de Jean Amougou Belinga qui engage tout de même des pourparlers.
C’est sur ces entrefaites que madame Mvogo et son équipe vont décharger une somme de 50 millions Fcfa pour le premier versement pour l’effacement de cette dette fiscale, ne sachant pas qu’ils sont filmés discrètement par les caméras de vidéosurveillance. Le traquenard tendu se referme sur eux. Suffisant pour établir une intention de corruption. C’est au soutien de cette version largement répandue à dessein qu’une plainte est déposée contre ces fonctionnaires qui seront inculpés le 19 avril 2022 par le juge d’instruction, Aïssatou Adamou, pour des faits de corruption, d’incitation à la corruption, de concussion et d’escroquerie en bande organisée. Le levier de la justice est ainsi actionné.
Emeline Mvogo va être rapidement placée en détention provisoire à la prison centrale de Kondengui. Elle y passera quelques jours, malgré les hautes instructions du président de la République de libérer cette brave agente du fisc. Rien n’y fait puisque les hautes instructions sont répercutées par le Sg/Pr, Ferdinand Ngoh Ngoh. L’autre levier, celui du ministre des Finances ne tardera pas à se mettre en branle. Louis Paul Motaze va diantrement ainsi entrer en jeu en ramenant dans un premier temps, ce redressement fiscal à 11 milliards de Fcfa après un recours gracieux.
Dans la foulée, le ministre des Finances dont la proximité avec le Pdg du groupe l’Anecdote sont de notoriété publique, va demander à son « ami » de payer quand même 1,7 milliard de Fcfa au fisc. Le masque est définitivement tombé.
Apparence de justice
Sauf que dans sa soif de voir la justice broyer les 9 agents des impôts, le procès opposant la direction générale des Impôts (Dgi) à la chaîne de télévision Vision 4 va s’ouvrir le 4 novembre 2022, au Tribunal de première instance de Yaoundé-centre administratif.
Face à face, Jean Pierre Amougou Belinga, président directeur général du groupe l’Anecdote et des hauts responsables de la Dgi dont Gérard Amia Mounamba, chef de la cellule du contentieux du Centre régional des Impôts Centre 1 (Cric1) ; Emeline Mvogo épouse Biyina, chef du Cric 1 ; Langue II et de Mohamadou Tidjani, tous les 2 inspecteurs vérificateurs au Centre spécialisé des impôts des professions libérales et de l’immobilier de Yaoundé (Csipli), Dai Awe épouse Tabouli, chef du Csipli et de Marguerite Edwige Ngono, chef vérificateur au Csipli.
Devant la barre, Jean Pierre Amougou Belinga rame à contrecourant, alors que le nœud de ce dossier tourne autour d’une prétendue corruption. Il était incapable d’apporter les éléments de preuves relativement à toutes les déclarations qu’il a faites dans les médias pour enfoncer les agents des impôts. Le Pdg du groupe l’Anecdote avait prétendu avoir beaucoup d'éléments de preuves dont la production n’a jamais été faite.
Aucune preuve, ni vidéos, ni enregistrements sonores, avait confié l’avocat des fonctionnaires des Impôts. Pourtant, le Pdg reconnaît devant la barre que les locaux de son entreprise sont parsemés de caméras de surveillance, qui pouvaient aider la partie plaignante à prouver le délit ou la présence des responsables du Centre spécialisé des Impôts des professions libérales et de l’immobilier de Yaoundé.
Mais, aussi curieux que cela puisse paraître, aucune vidéo montrant la présence des accusés à la tour de Nsam n’a été diffusée. L’avocat des fonctionnaires des Impôts va finir par conclure qu’il s’agit d’un dossier de non droit. « On veut la justice et ils veulent nous offrir une apparence de justice et nous disons non. Ça ne peut jamais passer puisque nous sommes dans un Etat de droit. Nous n’allons pas à pas démontrer l'inanité de cette procédure et de ces accusations », conclut Me Pierre-Alexis Bayebec, l’avocat des fonctionnaires des Impôts.
Voilà comment une affaire que le Pdg du groupe l’Anecdote qui voulait couper les têtes des agents du fisc est tombée dans son propre piège. Comme pour dire que si vous vous attaquez à lui, la justice va vous réduire à néant. Pour des raisons évidentes que tout le monde sait. Son stratagème-là n’a que trop duré.