L’écrivain camerounais Arol Ketch s’inquiète de la super puissance de la DGRE au Cameroun. L’auteur du livre « Rivière de sang : Enquêtes sur les morts non élucidées qui ont marqué le Cameroun », raconte dans cette tribune, comment ce service de contre-espionnage est devenu une machine à tuer qui échappe à tout contrôle y compris celui du président de la République.
Le procès de Martinez ZOGO doit aussi être celui de la DGRE.
L’affaire Martinez ZOGO a eu le mérite de montrer clairement en mondovision qu’il existe des services parallèles dont la mission est de traquer et d’éliminer les camerounais qui sortent du rang. De tout temps les services de contre-espionnage au Cameroun ont outrepassé leurs préroga-tives pour se transformer en tueurs de la République. De véritables tueurs à gages désormais au service du plus offrant.
Il est donc clairement impératif de réformer la DST ( Direction de surveillance du territoire) et la DGRE (Direction Générale de la Recherche Extérieure). Les périmètres d’action de ces deux agences qui se marchent clairement sur les pieds doivent être clairement définis et ces deux agences ne doivent pas échapper au contrôle du parlement.
Actuellement, la DGRE échappe à tout contrôle. Elle ne dépend d’aucun ministère et fonctionne de manière autonome. Quoique sous la tutelle administrative Secrétariat général de la Présidence de la République, elle ne rend des comptes qu’au Président de la République. Échappant au con-trôle d’un Président de la République épuisé par le poids de l'âge, la DGRE est devenue une ma-chine à tuer échangeant ses services contre de l’argent.
Cette agence se croit tout permis au nom de la raison d’Etat et ne rend compte à personne. C’est donc ainsi qu’ils multiplient des opérations pour exécuter des camerounais et les enquêtes qui s'ensuivent ne livrent jamais leurs conclusions au nom de la raison d’Etat. En 2013, le Capitaine Guerandi Mbara est enlevé à Sofia en Bulgarie et transporté au Cameroun où il sera impunément torturé et exécuté par cette agence. On n'entendra plus jamais parler de lui. On ne sait toujours pas où se trouve son corps. Raison d’Etat.
Plusieurs cas de morts non élucidées au Cameroun portent la signature de cette agence.
Lorsqu’on convoque l'histoire, on peut malheureusement constater que cette situation ne date pas d’aujourd’hui. Depuis le CENER (ancêtre de la DGRE), ces agences ont toujours été des ma-chines à neutraliser les opposants politiques. Pius Njawé, Djeukam Tchameni et le Cardinal Chris-tian Tumi on failli en être victime comme le raconte Jean Fochivé dans le livre” les révélations de Jean Fochivé” :
“J'avais auparavant, pendant que j'étais au Secrétariat d'Etat à la Sécurité Intérieure, remarqué qu'il y avait au Cameroun des services parallèles de sécurité. Au début, j'avais pensé que j'étais victime d'un zèle excessif du Général Angouang, du Général Mambou ou des éléments du Secréta-riat d'Etat à la Défense mais j'eus très vite la certitude que ceux qui avaient traqué et voulaient éliminer Djeukam Tchameni et plus tard Pius Njawe, n'étaient pas des gendarmes. Le Chef de l'Etat n'avait jamais commandé de telles actions. Suite à certaines activités du G.S.O, le Groupe Spécial Opérationnel qui, en principe, était une des structures de mon ministère que le commis-saire principal de police Bia Meka utilisait et gérait comme il voulait. Je commençais à avoir des doutes.
Le GSO était doté d'un énorme budget et sa mission n'était pas définie clairement. J'avais soup-çonné ce groupe d'appartenir à mes adversaires politiques et militaires après que le Cardinal Christian Tumi fût inquiété. On avait tenté de l'impliquer dans un trafic d'armes qui n'était qu'un grossier montage dont le Président n'était même pas informé.”
Notons que ce même Fochivé qui se plaint ici des services parallèles utilisait lui même le CENER pour neutraliser les opposants politiques.
L’affaire Martinez Zogo nous montre clairement que la DGRE, agence à la réputation écornée, ternie doit être réformée ou dissoute. C’est avec beaucoup de honte que nous constatons désor-mais que nos services secrets sont utilisés et instrumentalisés comme des mercenaires dans des affaires privées.
Pire, nos espions sont presque devenus des mendiants tenus par le tube digestif et prêts à livrer les secrets d’Etat en échange de l’argent. N’a t-on pas appris que Justin DANWE, chef des opéra-tions de la DGRE donnait des informations sensibles à l’homme d’affaires sulfureux Jean-Pierre AMOUGOU BELINGA sur la situation sécuritaire du pays, notamment sur la situation à la fron-tière en République Centrafricaine et en Guinée Équatoriale; recevant en contrepartie des “dé-pannages”?
Pour la première fois dans l’histoire du renseignement, un patron du contre-espionnage ( en oc-currence Maxime EKO EKO) a été arrêté comme un vulgaire brigand. Une honte pour nos ser-vices.
Le procès de Martinez ZOGO doit aussi être celui de la DGRE qui doit être dissoute ou à minima être profondément réformée de manière à rendre compte aux représentants du peuple.
Quand on y pense bien, ces services (DST et DGRE) ne sont que de pâles copies de leurs homo-logues françaises DST et DGSI. L’époque coloniale est révolue. Il est donc impératif de bâtir un contre-espionnage adapté à nos besoins réels et aux grands défis de notre temps. Le rôle du contre-espionnage, ce n'est pas de neutraliser les opposants politiques.
Son rôle est de contrer les tentatives d’ingérence menées par des organisations et puissances étrangères sur le territoire camerounais, protéger nos concitoyens, nos savoir-faire et notre sou-veraineté .