Si Cimencam et Dangote règnent chacun sur 25 % du marché camerounais, c'est parce qu'ils ont d'abord remporté une bataille invisible : celle de la conquête régionale. Une enquête exclusive de Jeune Afrique révèle comment ces géants se sont littéralement partagé l'Afrique centrale, créant une situation de quasi-monopole régional qui leur permet de survivre à la saturation du marché local.
Le scénario est presque trop bien organisé pour être honnête. Selon les révélations de Jeune Afrique, Dangote a verrouillé le Congo. Cimaf domine le Gabon. Cimencam alimente le Tchad via son usine de Figuil. La Guinée équatoriale, elle, a simplement fermé ses portes à tout le monde.
Ce qui ressemble à une tragédie de la concurrence n'en est en réalité qu'une : le Cameroun n'est qu'une base de production pour des opérateurs dont la vraie bataille se joue ailleurs. « Les débouchés régionaux s'amenuisent », explique un patron à Jeune Afrique, mais ce n'est qu'une demi-vérité. Ils ne s'amenuisent que pour ceux qui n'ont pas négocié leurs positions avant la saturation.
Dangote représente le modèle panafricain réussi. En contrôlant le Congo, le géant nigérian s'assure un débouché régional stable sans dépendre uniquement du marché camerounais surpeuplé. C'est stratégiquement pertinent : pourquoi se battre à mort au Cameroun quand on peut écouler ses excédents au Congo sans concurrence ?
Cette asymétrie est une des révélations clés de Jeune Afrique. Tandis que les nouveaux entrants chinois et le projet de Dossongui tentent de percer, les deux dominants jouent déjà au niveau continental, transformant le Cameroun en simple centre de production régional.
LafargeHolcim, groupe suisse contrôlant Cimencam, a presque triplé ses capacités en une décennie selon les données compilées par Jeune Afrique. Une escalade impressionnante de Cimencam, qui démontre une stratégie claire : devenir irremplaçable. Mais face à Dangote qui joue le jeu régional et à une armée de nouveaux entrants, cette croissance quantitative ne suffit plus.
Les révélations de Jeune Afrique montrent que même le leader historique du marché connaît des difficultés à défendre ses parts. La raison ? Il ne suffit plus de dominer le Cameroun. Il faut dominer l'Afrique centrale.
Il n'existe qu'un endroit où cette géopolitique du ciment transparaît vraiment : la Centrafrique. Dépourvue de cimenterie, ce pays devient le dernier terrain où « une bataille féroce se déroule entre les cimentiers camerounais », révèle Jeune Afrique.
Pourquoi ? Parce que la Centrafrique n'a pas encore été colonisée par les stratégies régionales des géants. C'est un marché vierge. Or, avec la saturation du Cameroun et l'imperméabilité des marchés voisins, la Centrafrique devient une enjeu crucial pour les cimentiers qui n'ont pas sécurisé leurs arrières-pays.
La Société internationale de ciments (SIC) du businessman ivoirien Bernard Koné Dossongui, révèle Jeune Afrique, n'a pas pour ambition de dominer le Cameroun. Ses « marchés au-delà de la zone Cemac » sont clairement en ligne de mire.
C'est l'aveu implicite que la vraie compétition ne se joue pas à Yaoundé, mais à l'échelle du continent. Et c'est aussi l'explication de pourquoi tous ces investissements massifs dans une région qui s'appauvrit : chacun prépare sa sortie du Cameroun vers d'autres horizons.