Le jeune homme d'une vingtaine d'années, ancien "Cops" de l'Université de Yaoundé l, est désormais la coqueluche des patients et garde-malades de l’hôpital Laquintinie.
Ce dernier se distingue notamment par une honnêteté qui se rarifie de nos jours. Le jeune s'est récemment illustré par la restitution complète d'une rondelette somme perdue par une garde-malade dont le patient était dans un état critique. Récit.
Au service du "Petit payant", il ne passe plus inaperçu. C'était certes déjà le cas au regard du poste qu'il occupe. Mais le geste que Paul David Nomo a posé l'a rendu davantage populaire et continue d’animer les conversations au sein de l’hôpital Laquintinie de Douala. Pourtant, cela fait déjà plus d'un mois. Et Paul David Nomo continue de recevoir les félicitations de certains de ses collègues et les railleries d'autres. Il nous relate les faits «Il y a trois semaines, je me suis déplacé de mon poste de travail pour appeler un garde-malade, vers 8h30. À mon retour, je suis interpellé par une personne qui me dit, ‘‘Commando, qu’est-ce que je vois là-bas ?’’. Du doigt, il montre un paquet qui traine à même le sol et s’en va. Je me dirige vers le paquet. Je découvre que c’est une liasse d’argent. Je pense que c’est un piège. Je suis perplexe. Mais, j’essaie de garder mon calme. Je me retire dans une pièce et compte l’argent: 270 000 FCFA. Je n’ai jamais ramassé pareil montant. Mais, je veux être honnête. J’appelle celui qui m’a montré le paquet et on a fait ensemble les comptes. Je ne voulais pas que, une fois que les caméras de surveillance auraient révélé les images, que mon geste soit mal analysé et prenne une autre tournure», raconte-t-il, intelligemment.
David s’en va rencontrer le Major du Service "Petit Payant" qui lui dit d’abord de garder l’argent par devers lui. Ce qu’il fait. Peu après, la Coordonnatrice des soins arrivera. David demande à la rencontrer. Elle le reçoit dans son bureau. Le jeune homme lui relate les faits et présente l’argent. Elle le félicite, appelle la supervision et retient l’argent. «Pour la suite, je sais juste que des enquêtes ont été menées et l’argent a été remis à la concernée. J’ai également reçu les remerciements de la propriétaire de l’argent, qui m’a appelé», révèle l'agent de sécurité. Mais, malgré son geste humaniste, la réaction du jeune homme a surpris plus d’un.
Bonne moralité
«Dans l’enceinte de l’hôpital, cela a beaucoup bavardé. Certains m’ont pris pour un fou et n’ont pas compris qu’un vigile qui a besoin d’argent ramasse une pareille somme et qu’il la remette. Plusieurs se sont moqués de moi. Mais, je ne regrette pas mon geste. Ma maman m’a toujours dit d’être honnête, de faire du bien autour de moi. J’ai reçu une bonne éducation», lance-t-il. Et de poursuivre. «Je suis venu ici travailler, contribuer à sauver des vies. Alors, les actes, gestes que je pose ne devraient pas plutôt contribuer à nuire aux malades, que je suis supposé protéger et assurer la sécurité. Si j’avais gardé cet argent, la personne à qui l’argent était destiné aurait pu perdre sa vie faute de soins. Et ma maman m’a toujours dit que le karma existe », note le jeune homme, qui tente tant bien que mal de reprendre son train-train quotidien à l’hopital.
Mais, cette nouvelle réputation qu’il a, lui colle désormais à la peau. Les garde-malades avec qui l’agent de sécurité échangent ce 21 juin 2024 au "Petit Payant" se disent plutôt confiants et fièrs de l’acte qu’il a posé. «C’est un homme au grand cœur. C’est rassurant de savoir qu’il y a encore des gens comme-ça autour de nous. Plusieurs n’auraient pas remis cet argent. C’est également la preuve que l’hôpital met l'accent sur la moralité des personnes qu’il recrute. Nous nous sentons désormais encore plus en sécurité avec lui », félicite une garde-malade.
Rigueur professionnelle
Cette rigueur, David l’a également lorsqu’il faut faire respecter les consignes du travail. Il n’hésite pas à rappeler à l’ordre poliment et avec courtoisie, les visiteurs et garde-malades qui ne veulent pas respecter les heures de visite, les heures de repas des malades, ou les heures de nettoyage des malades. «Plusieurs ne sont pas du tout compréhensifs quand on leur parle calmement. Mais, c’est notre travail. Ils sont en situation de stress, d’inquiétude, sous pression. C’est donc à nous de leur parler avec sérénité, et de les ramener au calme», indique celui qui se retrouve à l’hopital Laquintinie par un concours de circonstances.
Lorsqu’en 2022, il perd son travail dans une structure de chaudronnerie basée au lieu-dit "Ancien 3ème" à Douala, où il était Chef du personnel, ce papa d’une petite fille se retrouve au chômage. Peu après, son frère tombe malade et est conduit à l’hôpital Laquintinie, notamment au Centre des maladies respiratoires (CMR), où il décède finalement en février 2023. Mais, à l’hopital Laquintinie où David a passé plusieurs semaines, comme garde-malade, il s’est lié d’amitié avec plusieurs membres du personnel. Connaissant sa situation professionnelle, on le conseille de déposer ses dossiers au service du courrier à la Direction de l’hôpital. Ce qu’il fait, sans savoir exactement ce qu’il devait faire dans un hôpital. Un mois plus tard, on l’appelle pour le poste d'agent de sécurité. David accepte, non sans dire toute sa gratitude au Directeur de l’hopital Laquintinie.
Une vie scolaire stoppée par le manque de moyens financiers
Pourtant, tout petit, David avait d’autres rêves. Après son parcours à l’école primaire d’Obala sanctionné par un Certificat d'Études Primaires et Élémentaires (CEPE) en 2009, son Brevet d'Études du Premier Cycle (BEPC), obtenu en 2014, au lycée d’Obala, son Probatoire A4 et son Baccalauréat, décrochés en 2016 et 2018 au lycée de Saa, David s’inscrit à l’Université de Yaoundé I, filière, Sciences économiques. Financièrement, ce n’est pas facile. Le jeune bachelier doit se débrouiller tout seul pour s’en sortir et subvenir à ses besoins. Il abandonnera contre son gré les Amphis de Ngoa-Ekelle, pour se lancer dans la vie active. Son premier travail, est ce poste de Chef du personnel dans l’entreprise de son oncle à Ancien 3ème, qui le remercie peu après.
Paul David ne verra pas son rêve de devenir footballeur ou homme d’affaires se réaliser. Mais, rassure-t-il, l’espoir n’est pas perdu. «Je continue de rêver grand. Tout n’est pas fini, bien que certains, de par leur regard, nous chosifient et nous font croire que nous ne valons rien», regrette-t-il.
D’ailleurs, les week-ends, lorsqu’il ne travaille pas, David se rend dans les stades de football de Douala, afin de regarder les matchs du championnat de football. Ce jeune célibataire, la vingtaine entamée s’occupe à faire sa lessive, la cuisine et le ménage, lorsqu’il est de repos.