L'avenir d'Energy of Cameroon (Eneo) reste en suspens alors que les négociations pour le rachat des parts du fonds britannique Actis s'éternisent. Un an et demi après la création d'un comité interministériel par le président Paul Biya, la situation du principal producteur et distributeur d'électricité camerounais demeure incertaine.
Les performances financières d'Eneo témoignent d'une fragilité croissante. En 2023, l'entreprise a enregistré un chiffre d'affaires de 468 milliards de FCFA, en légère baisse par rapport aux 470 milliards de 2022, pour un résultat net de 8,4 milliards FCFA. Cette précarité financière s'est manifestée concrètement par deux périodes majeures de restrictions énergétiques en 2023, affectant l'ensemble de la clientèle. Les résultats de l'exercice 2024 sont encore en cours d'examen, en préparation de l'assemblée générale qui approuvera les comptes.
## Des négociations complexes et multidimensionnelles
L'évaluation des 51% de parts détenues par Actis constitue le nœud central des discussions en cours. Pour mener à bien cette estimation cruciale, deux cabinets d'expertise ont été mandatés. Le fonds britannique Actis a confié cette mission au cabinet camerounais Financia Capital, tandis que le gouvernement camerounais s'est tourné vers KPMG pour défendre ses intérêts.
La question des dettes de l'État envers Eneo représente un autre point de friction majeur dans les négociations. Selon le rapport annuel 2023 de l'entreprise, diverses actions et négociations avec la partie gouvernementale ont permis de recouvrer 427,30 milliards de FCFA fin 2023. Sur ce montant, 57 milliards proviennent de l'État, de ses démembrements et des sociétés à capitaux publics. Malgré ces recouvrements significatifs, le déséquilibre financier du secteur persiste, fragilisant la position d'Eneo.
## Une réforme ambitieuse du secteur électrique
Face à ces défis structurels, le gouvernement camerounais a entrepris une démarche de réforme globale du secteur électrique. Bénéficiant du soutien financier de l'Association internationale de développement (IDA), filiale de la Banque mondiale, Yaoundé a lancé en septembre 2024 un processus de recrutement d'un bureau d'études. Ce dernier sera chargé d'effectuer un diagnostic général et d'élaborer un plan de redressement interne pour Eneo.
Le mandat de ce bureau d'études sera particulièrement étendu, incluant l'analyse approfondie des dimensions techniques, commerciales, opérationnelles, informatiques, financières, organisationnelles et managériales de la société. Une attention particulière sera portée à la comparaison de ces éléments avec les termes du contrat liant Actis à la République du Cameroun. L'examen des performances techniques et financières, ainsi que l'étude détaillée de la situation des dettes, permettront d'élaborer différents scénarios de reprise et de restructuration.
Contrôlant 55% de la puissance électrique installée au Cameroun, soit 1 018 mégawatts dont 963 MW en gestion propre, Eneo demeure un acteur stratégique incontournable. La stabilisation de sa situation financière et opérationnelle s'avère donc cruciale pour l'avenir énergétique du pays. L'issue des négociations en cours et la mise en œuvre des réformes envisagées détermineront la capacité de l'entreprise à assurer durablement sa mission de service public.