L’opération bouscule le monde des moulins camerounais. L’un de ses acteurs de premier plan, Célestin Tawamba, fondateur de Cadyst Group et patron des patrons camerounais, vient de conclure un accord avec le groupe français Castel pour la reprise de sa filiale locale, la Société le Grand Moulin du Cameroun (SGMC), un autre opérateur de taille sur le marché.
Révélée par nos confrères d’Africa Business+, la transaction a été officialisée ce mercredi 16 octobre par les deux parties. Incluant aussi la reprise du moulin de Castel au Congo, à savoir la Société les Grands Moulins du Phare (SGMP), l’opération, bouclée après un appel d’offres et des discussions exclusives, se chiffrerait à 50 milliards de francs CFA (environ 75 millions d’euros). Sa finalisation reste « soumise à la réalisation des conditions suspensives usuelles et à l’approbation des autorités réglementaires compétentes », ont fait savoir les deux groupes.
Selon nos informations, la nouvelle a été annoncée aux équipes de la SGMC à Douala en début de semaine par Olivier Parent, le patron de Somdia, filiale de Castel chapeautant les moulins du groupe. Ce dernier, qui a amorcé son désengagement de la minoterie sur le continent début 2023, comme révélé par Jeune Afrique, boucle enfin la vente de deux des quatre moulins à céder.
Toujours selon nos informations, l’intervention d’Olivier Parent a été suivie d’une prise de parole du repreneur Célestin Tawamba, élu en avril à la tête du Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam), organisation patronale née de la fusion controversée de l’Ecam et du Gicam.
Avec cette double reprise, le dirigeant camerounais, qui a démarré dans l’agroalimentaire en 2002 en créant La Pasta, producteur de farine et de pâtes alimentaires, puis en rachetant en 2005 Panzani Cameroun, fait un beau coup.
Il met en effet la main sur deux actifs meuniers solides et surtout stratégiquement bien placés, au port de Douala au Cameroun et à celui de Pointe-Noire au Congo, localisations idéales pour faciliter les importations de blé qui constituent le nerf de la guerre dans le secteur de la minoterie.
Sur le plan symbolique, Célestin Tawamba, promoteur de la production nationale et de l’émergence de champions africains, fait passer dans le giron camerounais des moulins jusqu’ici intégrés au portefeuille d’un groupe, certes très implanté sur le continent, mais détenu par des capitaux étrangers, à savoir le Français Pierre Castel.
À l’échelle du Cameroun, où Cadyst est déjà le premier importateur de blé via sa filiale Cadyst Grain, ex-La Pasta, l’opération lui confère une nouvelle stature : celle de leader du secteur meunier, avec une part de marché de 40 %, loin devant les autres opérateurs, certes très nombreux (plus d’une douzaine) mais dont aucun ne dispose de plus de 20 % de part de marché.
Concrètement, la reprise de la SGMC permet à Cadyst Grain, qui affiche déjà la plus importante capacité d’écrasement du pays avec 900 tonnes par jour (t/j) sur deux sites à Douala et Kribi, de gagner quelque 750 t/j supplémentaires, soit un total de 1 700 t/j sur une capacité nationale de 5 000 t/j.
Avec le rachat annoncé, le groupe de Célestin Tawamba, connu des consommateurs pour sa farine La Camerounaise, récupère aussi la marque développée par la SGMC, Asso, très bien implantée dans le pays face aux compétiteurs que sont notamment la farine Mama Makala d’Afisa et la marque Bijou Mammy d’Olam.
En renforçant sa position sur la farine, Cadyst Group, par ailleurs actif dans le secteur de la santé et de la distribution, consolide son empreinte dans l’agroalimentaire : le minotier, également producteur de pâtes alimentaires et de biscuits, vient de se lancer, via Cadyst Farming, dans la provenderie, la production de maïs et celle de poussins d’un jour.
Saluées par certains, les grandes ambitions de Célestin Tawamba sont questionnées par d’autres. Au sein du monde meunier, la nouvelle du rachat a ainsi été accueillie froidement. « Les premiers échos des discussions ont créé l’effet d’une bombe », confie même un acteur.
Marqué par une très forte concurrence et une course à l’augmentation des capacités de production, le secteur est depuis plusieurs années dans une situation délicate : en surcapacité, la hausse de la demande de farine ne suivant pas les investissements faits pour augmenter l’offre. Résultat, la majorité des moulins ne tournent qu’à 75 % ou 80 % de leurs capacités.