Selon la coutume sahélienne, les femmes jouent un rôle secondaire sur tous les plans. La barrière a été brisée au Lamidat de Banyo dans la Région de l'Adamaoua.
Pour la première fois dans l'histoire des Lamidats (chefferies traditionnelles de 1er degré) du Nord Cameroun, des femmes ont été intronisées comme notables pour jouer un rôle décisif aux cotes de leurs collègues hommes. Et c’est le lamidat de Banyo, située dans la Commune de Banyo, dans le Département du Mayo-Banyo, une localité de la Région de l'Adamaoua qui vient d’entrer dans l’histoire.
«J'ai essayé de comprendre pourquoi nos ancêtres n'associaient pas beaucoup les femmes à leurs activités. On pensait que les femmes devaient s'occuper de la nourriture et des enfants uniquement, de faire les enfants, de les élever. Mais de nos jours, quand on voit le monde, on voit que sans femme dans tout ce que tu fais, tu n'obtiens que la moitié. Donc pour obtenir 100% il faut que les femmes participent à l'action. Même dans les élections, quand c'est rien que les hommes qui votent, vous avez moins de 50%. Mais quand les femmes sont là, on atteint 80 à 90%. C'est pour ça qu'il faut associer les femmes», explique à BBC, le lamido de Banyo, Sa majesté Mohaman Gabdo Yaya.
Dans l’interview publiée vendredi 10 février sur le site internet de la radio britannique, le chef traditionnel explique ses motivations: «Moi, Lamido, je ne peux pas aller dans la concession de quelqu'un pour expliquer à sa femme ce qu'il faut faire. Même s'il est à côté, je ne pourrai pas entrer. Mais les notables femmes que nous avons installées, tout le monde a accepté, peuvent aller de maison en maison expliquer ce qu'il faut, expliquer le social, genre "il faut amener les enfants à l'école", "il faut soigner les enfants et les amener à l'hôpital", "il faut soigner de telle façon telle maladie qui attaque les enfants"».
Pour Sa Majesté Mohaman Gabdo Yaya, «même pour les réunions, vous ne voyez que les hommes. Il faut que nous introduisions les femmes dans tout ce que nous faisons et nous gagnerions. Les ONG autres ne veulent plus passer par les gouvernements pour aider les populations. Pour que l'aide soit directe, il faut que nous organisions les jeunes, les femmes, les pauvres, etc. Ainsi quand un pays veut aider directement une catégorie sociale, cela va arriver directement et non par procuration ou via la représentation du mari, de l'homme ou du gouvernement».
La lamido dit n’avoir pas reçu d’objection dans sa démarche de la part de ses populations. Et ceux qui ont adopté l’idée ont spontanément adhéré. Le choix des premières femmes notables était basé sur le volontariat de chacune. Quant aux valeurs traditionnelles à préserver, Pour Sa Majesté Mohaman Gabdo Yaya répond: «Vous savez nous vivons la mondialisation. La mondialisation c'est des idées qui viennent pour la plupart d'un peu partout. Des idées et des habitudes qui nous viennent étouffent nos propres idées, nos propres valeurs, nos propres activités. S'il n'y a pas de chefs traditionnels qui essaient un peu de faire valoir nos propres valeurs traditionnelles, vous savez que nous allons devenir plus blancs que les blancs».