Une nouvelle guerre intestine semble avoir éclaté au sein du cercle rapproché du président Paul Biya. Cette fois-ci, c'est la gestion calamiteuse des ordures ménagères à Yaoundé qui met le feu aux poudres entre deux figures importantes du régime : Célestine Ketcha Courtès, ministre de l'Habitat et du développement urbain, et Luc Messi Atangana, maire de la ville de Yaoundé.
Selon des correspondances, les deux responsables s'opposent frontalement sur les mesures à prendre pour résoudre la crise des déchets qui asphyxie la capitale camerounaise. Cette situation met en lumière les dysfonctionnements au sommet de l'État et l'incapacité à résoudre un problème qui empoisonne le quotidien des Yaoundéens.
D'un côté, la ministre Ketcha Courtès, connue pour sa proximité avec le couple présidentiel, a lancé en juillet dernier l'opération "Coup de poing, Yaoundé sans poubelles". Elle exige du maire des actions urgentes, notamment l'installation de panneaux d'interdiction de dépôts d'ordures et la révision des contrats avec les entreprises de collecte.
De l'autre, Luc Messi Atangana, maire de Yaoundé et figure historique du parti au pouvoir, le RDPC, répond par une fin de non-recevoir. Dans une lettre cinglante, il pointe du doigt le manque de financement et l'inefficacité des mesures proposées par la ministre. "Le seul budget de la mairie de Yaoundé, déjà faible, ne peut pas faire face aux charges d'enlèvement des ordures ménagères", écrit-il, réclamant un "déblocage spécial de fonds" par le gouvernement.
Cette passe d'armes entre deux personnalités censées œuvrer main dans la main pour le bien-être des citoyens révèle les failles d'un système où la guerre des ego semble prendre le pas sur l'intérêt général. Pendant ce temps, les rues de Yaoundé croulent sous les déchets, au mépris des instructions du président Biya qui avait ordonné une solution "rapide et durable" dans son discours du 31 décembre 2023.
L'enjeu dépasse largement la simple question de la propreté urbaine. Il s'agit d'un véritable test pour la capacité du régime à gérer les problèmes du quotidien, alors que la succession de Paul Biya, 91 ans, reste une question brûlante. Cette guerre des ordures pourrait bien être le prélude à des luttes de pouvoir plus larges au sein de l'appareil d'État camerounais.
En attendant, ce sont les habitants de Yaoundé qui paient le prix fort de ces querelles au sommet. "Pas un seul coin de la ville n'est épargné. L'insalubrité est visible partout", avait reconnu la ministre Ketcha Courtès en juillet. Une situation qui ne semble pas près de s'améliorer tant que les proches du président continueront à se faire la guerre plutôt que d'unir leurs efforts pour le bien commun.