L’écrivain camerounais Mongo Beti de son vrai nom Alexandre Biyidi-Awala n’a jamais caché sa haine pour les dictatures. Un extrait d’une de ses interviews refait surface sur les réseaux sociaux. L’auteur de l’œuvre « Ville cruelle » explique pourquoi les dictateurs ne rendent pas compte au peuple. Il dénonce la culture de l’impunité qui leur donne un plein pouvoir.
« C'est une culture d'irresponsabilité parce que des gens qui sont au pouvoir sont assurés d'une totale impunité et donc pourquoi voulez-vous qu'ils se décarcassent ? Ils s'en fichent complètement. C'est propre à toutes les dictatures. Partout où les gens sont dans une situation telle qu'ils savent qu'ils ne seront jugés par personne, ils sont irresponsables. Dans un pays civilisé, la sanction, c'est le vote des électeurs », dénonce-t-il.
Écoutez ces paroles de Mongo Beti, qui décrivent avec exactitude de système de gouvernance malfaisant de @PR_Paul_BIYA.
— Douter, toujours et encore (@Reasonabl_Doubt) August 15, 2022
La culture de l'irresponsabilité, l'impunité totale. Puisque personne n'a de comptes à rendre au peuple, le satisfaire n'est clairement pas une priorité. pic.twitter.com/ZKTsUDe2RQ
En 1954, il écrit son premier roman, Ville Cruelle, sous le nom d'emprunt d'Eza Boto, sur l'exploitation de la paysannerie, mais deux ans plus tard, sous un autre pseudonyme, Mongo Beti, est devenu « Le Pauvre Christ De Bomba », que beaucoup estiment être son chef-d'œuvre. Traduit plus tard en anglais sous le titre The Poor Christ Of Bomba, il s'agit d'une critique humoristique mais dévastatrice des folies et des brutalités des fonctionnaires coloniaux, ainsi que de l'Église catholique. Il a été salué par la critique et l'a placé parmi les auteurs vedettes de Présence Africaine, la maison d'édition parisienne qui a tant fait pour promouvoir l'écriture créative africaine.
Ses deux livres suivants, le prix Mission Terminée (1957) et Le Roi Miraculé (1958), étaient dans la même veine. Les trois livres ont été traduits en anglais et dans de nombreuses autres langues, ce qui a donné à Beti une réputation internationale durable.
Le Cameroun, à la fin des années 50, n'était pas seulement sur le point d'accéder à l'indépendance, il était également ravagé par la violente rébellion de tendance marxiste de l'Union des Peuples Camerounais (UPC); les dissidents n'étaient pas en ordre, surtout celui dont la plume était aussi acérée que celle de Beti. Recherché au Cameroun pour ses relations avec l'UPC, il choisit l'exil à Rouen comme professeur de lettres au Lycée Corneille, où il restera pendant les 30 prochaines années. Il a également arrêté d'écrire pendant toute la décennie suivante.
Son prochain roman, Main Basse Sur Le Cameroun (1971), est peut-être né de la frustration et de la rage face à l'effondrement final de la rébellion de l'UPC et à l'exécution publique de son dernier dirigeant, Ernest Ouandie, en 1970. Une critique dévastatrice du régime autoritaire en Cameroun, le livre a acquis une notoriété supplémentaire d'avoir été interdit et saisi en France. Les années 1970 ont vu deux de ses romans les plus passionnément politiques, ‘’Remember Ruben’’ et ‘’Perpetua et l'Habitude De Malheur’’, tous deux publiés en 1974.
En 1978, lui et sa femme française, Odile Tobner, également professeur de littérature, qu'il avait épousée à la fin des années 50, ont lancé ‘’Peuples Noirs, Peuples Africains’’, une revue bimensuelle à forte tendance politique. A cette époque, c'était l'un des rares organes à avoir articulé certaines des critiques profondes des politiques néocoloniales françaises en Afrique. Les romans et les polémiques ont continué. En 1986, Beti a écrit une Lettre ouverte aux Camerounais et, en 1993, une critique générale de la politique française africaine avec La France Contre l'Afrique.
Au début des années 1990, avec la vague de démocratie de l'après-guerre froide qui balayait l'Afrique, il est retourné au Cameroun alors que le régime se libéralisait progressivement et a ouvert une librairie pour les Noirs. Il a même tenté de se présenter aux élections législatives en 1993 dans sa ville natale de Mbalmayo.
Petit homme de grand charme, il était incorrigiblement argumentateur mais toujours intellectuellement rigoureux. Son dernier morceau a été publié en 1999, intitulé ‘’Trop De Soleil Tue l'Amour’’. La même année, il a également dénoncé amèrement les capitalistes occidentaux derrière le projet d'oléoduc Tchad-Cameroun. Il a été l'éternel dissident jusqu'à la fin.
« Si nous voulons que cesse la violence qui frappe notre pays, il faut aller le dire haut et fort dans les rues, en priant, en dansant, enfin, n'importe comment, mais en faisant quelque chose(…) ; À chaque fois qu'il t'arrive un malheur, cherches-en la cause en toi-même, d'abord en toi-même. » disait-il.
Œuvres :
*Sans haine et sans amour, 1953 *Ville cruelle (publié sous le pseudonyme Eza Boto), 1954 6 *Le Pauvre Christ de Bomba, 1956. *Mission terminée, 1957. *Le Roi miraculé : chronique des Essazam, 1958. *Main basse sur le Cameroun : autopsie d’une décolonisation, 1972 (ISBN 2-7071-4172-0). *Perpétue et Biographie du malheur, 1974. *Remember Ruben, 1974. *Peuples noirs, peuples africains, 1978 - 1991 *La Ruine presque cocasse d’un polichinelle : Remember Ruben 2, 1979. *Les Deux Mères de Guillaume Ismaël Dzewatama, futur camionneur, 1983. *La Revanche de Guillaume Ismael Dzewatama, 1984. *Lettre ouverte aux Camerounais, ou, La deuxième mort de Ruben Um Nyobé, 1986 (ISBN 9782864410065) *Dictionnaire de la négritude avec Odile Tobner et la participation de collab. de la revue Peuples noirs - Peuples africains, 1989 (ISBN 2738404944) *La France contre l’Afrique : retour au Cameroun, 1993 (ISBN 2707149780) *L’Histoire du fou, 1994. *Trop de soleil tue l’amour, 1999 (ISBN 2266101919) *Branle-bas en noir et blanc, 2000. *Mongo Beti à Yaoundé, textes réunis et présentés par Philippe Bissek, 2005 (ISBN 9782864410041) *Africains si vous parliez, 2005 (ISBN 2-915129-08-8) *Mongo Beti parle : Testament d'un esprit rebelle, 2006 (ISBN 2915129169