Dans une affaire qui a suscité une vive émotion au Cameroun, le tribunal administratif de Douala a récemment rendu un verdict annulant la déclaration d'utilité publique qui avait entraîné l'expropriation de près de 90 familles dans le quartier de Dikolo à Douala. Cette décision offre un nouvel espoir aux habitants qui aspirent à retrouver les terres dont ils ont été brutalement privés en mai 2022 pour permettre la construction d'un hôtel cinq étoiles, note Jeune Afrique dans un article.
Paul Maï, l'un des anciens propriétaires de ces terrains de 300 m², exprime encore toute son émotion une semaine après le verdict. Dans une interview téléphonique accordée à Jeune Afrique, il déclare : "Notre joie est indescriptible. C'est la preuve qu'il existe encore des personnes capables de dire non à l'injustice.", précise le Magazine panafricain.
La cour du tribunal administratif de Douala a annulé le texte du ministre du Cadastre et des Affaires foncières, Henri Eyebe Ayissi, qui avait servi de base au préfet du Wouri, Benjamin Mboutou, pour procéder à la destruction du quartier contesté. Me Thierry Oum, qui représentait le collectif d'avocats des victimes, explique que l'expropriation des habitants de Dikolo, présentée comme une mesure d'utilité publique, a été révoquée par le tribunal administratif. Ce dernier s'est appuyé sur la loi n° 85-09 du 4 juillet 1985, qui stipule qu'une expropriation pour cause d'utilité publique ne peut être réalisée que dans l'intérêt général. Il s'agit d'un revers pour le gouvernement.
Le terrain avait été proposé par le ministère du Cadastre et des Affaires foncières à Olivier Chi Nouako, un avocat et entrepreneur canadien d'origine camerounaise qui souhaitait construire un hôtel Marriott. Selon Thierry Oum, cela relève d'un détournement de pouvoir dans le droit administratif, où une autorité administrative utilise l'un de ses pouvoirs à des fins autres que celles prévues par la loi. Il précise toutefois que seule "une partie de la bataille a été gagnée".
Pour le moment, les victimes "rentrent provisoirement dans leurs droits", déclare Thierry Oum, en attendant de voir si des recours seront exercés contre la décision du tribunal. Cependant, la question reste de savoir si l'État, clairement mis en cause par cette décision, se conformera au verdict de la justice. Cette décision atténuera-t-elle la colère des habitants qui ont également engagé des poursuites pénales contre des agents de l'État, tels que le préfet Mboutou et un délégué aux affaires foncières ?
L'affaire "Dikologate" a suscité de vives réactions dans l'opinion publique camerounaise et a mis en lumière de nombreuses zones d'ombre, laissant ainsi de nombreuses questions en suspens pour les habitants déterminés à retourner vivre sur les terres de leurs ancêtres. Pourquoi les indemnités ont-elles été versées par le promoteur plutôt que par l'État ? Pourquoi le titre foncier mentionné dans les documents administratifs faisait-il référence à un site situé à plusieurs kilomètres de Dikolo, où les habitations ont finalement été détruites ?, explique JA
Dans tous les cas, la décision du tribunal de Douala offre un premier signe d'apaisement, même si l'État pourrait éventuellement faire appel. Les déguerpis de Dikolo se préparent déjà à réclamer réparation. Paul Maï affirme : "Nous avons été victimes d'une injustice, et cela vient d'être confirmé par le tribunal. La première chose à faire est donc de nous restituer nos terres ; la deuxième, tout aussi importante, est de nous dédommager afin que nous puissions reconstruire nos maisons qui ont été détruites.", rapporte Jeune Afrique