Ambiance lourde sur les réseaux sociaux`
Trop présents sur la toile, praticiens des médias et ceux de la politique pointent un doigt accusateur sur leurs habitudes pernicieuses.
Réfléchir sur les pratiques professionnelles des journalistes et celles des hommes politiques; réfléchir sur les enjeux que charrie cet ensemble… Il fallait y penser. En organisant, du 14 au 16 décembre 2023 à Yaoundé, la 5e édition des Journées citoyennes de la presse (JCP), l’Association Médias, Médiations et Citoyenneté (2MC) a créé un espace de réflexions sur la violence dont la toile devient de plus en plus le théâtre. «Et dans ce contexte, la presse et les médias audiovisuels ne parviennent pas, ou ne sont pas parvenus à empêcher la diffusion de la propagande partisane et de la rhétorique violente de nombreux dirigeants politiques», constate Alain Belibi. Selon l’ancien journaliste de la CRTV, «il y a eu beaucoup de discours haineux, parfois à peine déguisé; certains médias ont clairement conformé leurs références et leurs contenus à ces priorités, et promu un discours partial, dérogeant aux principes clairs d’objectivité, d’équilibre et de journalisme responsable». Pour Valentin Siméon Zinga, président de 2MC, il faut remonter en amont du processus en examinant la manière dont les discours de haine transfigurent des affects réels en leur impulsant une trajectoire spécifique par la fabrication d’un objet de haine. Sur la base d’un corpus de discours d’entrepreneurs politiques officiant sur la toile, l’analyse de Valentin Siméon Zinga montre que ces postures procèdent à une excitation des affects, aux antipodes de l’agir démocratique. Célestin Bedzigui parle d’«instrumentalisations cyniques et des réactions excessives des politiciens et des hommes de médias».
Contours
Et pour une leçon inaugurale sur le thème «Médias, entrepreneurs politiques et discours de haine: Quelles responsabilités», il faut bien s’appeler Lucien Ayissi. Professeur titulaire de philosophie à l’Université de Yaoundé I, il choisit de mettre en évidence la frontière entre «discours de haine directe, affichée et véhémente» et l’ «expression discursive d’une haine indirecte, dissimulée voire masquée». Selon l’universitaire, il faut prendre une position tranchante dans le débat sur la spécificité du discours de haine dans l’espace virtuel au Cameroun. «La violence verbale, qu’elle soit proférée dans le cadre du “en ligne“ ou du “horsligne“ a sûrement les mêmes effets: blesser, humilier, rabaisser, intimider, en bref, toucher l’autre», énonce Pr Lucien Ayissi. Bien que l’espace virtuel prive les interactants d’un faceà-face physique, il n’en est pas moins générateur d’impasse en raison de son architecture, des images fixes ou animées, du son, mais également des émoticônes». Harcèlement, intimidation, revendications irrédentistes, violences sur le genre, la désinformation… Voilà le lot dramatique auquel le Cameroun est confronté», démontre Mme Minette Libom Li Likeng, ministre des Postes et Télécommunications (Minpostel). En s’attardant sur la désinformation, le membre du gouvernement fait remarquer que son alliage avec les réseaux sociaux fait quotidiennement le lit des fake news. «Toutes choses que ne sau- rait tolérer les pouvoirs publics», avise Suzanne Zogo, directeur de la Communication publique et intérieure au ministère de la Communication.