L'eau, bien essentiel ou marchandise ? Camwater illustre aujourd'hui les limites d'un modèle de service public à bout de souffle. La société nationale de distribution d'eau potable incarne les contradictions d'un système où les impératifs économiques semblent avoir pris le pas sur la mission de service public.
Les infrastructures de Camwater dessinent le portrait d'un système à bout de souffle. À Douala et Yaoundé, les deux grandes métropoles qui concentrent l'essentiel de l'activité, le réseau de distribution apparaît comme un assemblage de systèmes obsolètes, constamment exposés aux fraudes et aux actes de vandalisme. La réalité est aussi brutale que chiffrée : plus de la moitié de la production d'eau disparaît avant même d'atteindre les consommateurs, révélant l'ampleur du délabrement.
Le prix du mètre cube d'eau, figé depuis 2006 à 344 francs CFA, est devenu un symbole de l'inadaptation du système. Ce tarif, qui n'a pas bougé durant près de deux décennies, contraste violemment avec le coût réel de production, désormais estimé à 705 francs CFA. Cette différence abyssale traduit l'impossible équation économique à laquelle Camwater est confrontée : maintenir un service public tout en préservant les équilibres financiers.
Malgré ces difficultés, Camwater conserve des ambitions à la hauteur des enjeux. L'entreprise vise à tripler son parc d'abonnés d'ici 2029, passant de 566 564 à près de 3 millions de clients potentiels. Ce projet titanesque implique une transformation complète des infrastructures, une modernisation technologique et une refonte de la stratégie de distribution.
La survie de Camwater conditionne l'accès à l'eau potable pour des millions de Camerounais. Au-delà des chiffres et des stratégies financières, c'est une question de dignité humaine qui se pose. Comment garantir un bien essentiel quand les modèles économiques traditionnels montrent leurs limites ?