Don d’organe après la mort au Burkina Faso : comment un mort peut sauver une vie

Don d’organe après la mort au Burkina Faso : comment un mort peut sauver une vie

Tue, 10 May 2022 Source: www.bbc.com

Prélever des tissus, organes ou cellules d'un mort pour sauver un être vivant. Marina Linea Ouédraogo est une étudiante en fin de cycle qui a soutenu sa thèse sur le don de matériel biologique au Burkina Faso. Elle a d'ailleurs obtenu une excellente note.

Elle s intéresse à un sujet tabou de la société, plus particulièrement celle de son pays, le Burkina Faso : la mort.

'' Durant tout mon stage j'ai fait des services d'urgences, durant ces services d'urgence, j'ai vu beaucoup de personnes mourir par carence d'organe (insuffisance rénale, cardiaque)'', explique Marina Ouédraogo

Les morts aussi peuvent sauver des vies

Elle se remémore encore des cas de décès dont elle a été témoin dans sa très jeune carrière de médecin. '' J'ai vu des enfants en pédiatrie qui, mouraient de leucémie. '', affirme-t-elle avec regrets.

''J'ai partagé la souffrance des parents et aussi j'ai connu beaucoup de gens qui souffraient de drépanocytose, qui en souffraient beaucoup et qui en sont morts même'', ajoute-t-elle.

''J'ai fait également le service de réanimation où on a vu des gens en état de mort encéphalique, comme on dit, ils sont morts, ils ne pourront plus se relever, mais leurs organes pourront être utiles à celui-là qui n'est pas encore mort et qui pourrait se relever.''

Dans certains cas, il ne s'agit même pas selon elle d'organes d'un corps après la mort, mais de prélèvement de cellules souches.

''Le don des cellules du placenta ne coûte rien à personne, puisqu'on ne touche pas à la mère ni à l'enfant. On prélève juste un peu de sang et on peut leur remettre le placenta. S'ils veulent, ils peuvent aller l'enterrer. Et ça aurait pu sauver des vies.''

Préserver la stabilité des familles

Pour Marina Ouédraogo le don de ce qu'elle appelle le matériel biologique peut également sauver des vies, voire préserver la stabilité de familles entières.

''J'ai vu des familles de patients atteints d'insuffisance rénale chronique s'appauvrir en raison du coût élevé des dialyses. Des vies brisées, des familles effondrées.''

Selon l'Organisation mondiale de la santé, ''La transplantation d'organes est l'un des traitements les plus précieux qu'offre la médecine, car elle est généralement la seule option qui permet de sauver la vie de patients souffrant d'une défaillance organique terminale.''

L'organisation estime que ''La transplantation d'organes est aussi une intervention très économique d'un point de vue financier, pour les patients comme pour les systèmes de santé.''

Selon un rapport de l'OMS publié en 2020, les transplantations d'organes et de tissus effectués dans le monde ne représente que 10% des besoins.

L'organisation ne dispose pas d'assez de données en matière de transplantation d'organe en Afrique subsaharienne. Néanmoins, cette partie du contiennent n'a enregistré que 643 transplantations d'organes en 2016, ''un chiffre inférieur à celui enregistré dans les autres régions du monde'', révèle le rapport.

Révolutionner la formation des chirurgiens

Marina Ouédraogo s'intéresse également à un autre domaine auquel le don de matériel biologique peut être bénéfique. Il s'agit de la formation en chirurgie.

Elle regrette que la formation ne soit trop théorique faute de cadavre sur qui les étudiants peuvent s'exercer.

''Tous ces chirurgiens, leurs premières incisions se font sur un être vivant. Déjà, je n'imagine pas le sentiment qu'ils ont d'ouvrir la peau'' se désole-t-elle.

Pour elle, ce tabou doit juste être brisé. Cela permet de mettre en situation réelle les futurs chirurgiens.

''Si on avait des corps qui étaient donnés au laboratoire d'anatomie, la première fois n'aurait pas été sur un être vivant. Ils auraient pu essayer les incisions sur un cadavre même s'ils ratent, ils ont le temps de le faire et d'avoir la main'', affirme l'étudiante en fin de cycle.

Briser le tabou, pour casser les barrières

''Les gens posent des barrières culturelles, idéologiques. Parce que souvent ce sont des idées reçues, des barrières religieuses'', affirme la Mme Ouédraogo.

Toutes ces barrières érigées par la société sont, selon elle, en réalité liées à des préjugés mais aussi à de l'ignorance.

Marina Ouédraogo plaide pour un véritable travail de sensibilisation des populations afin de changer les mentalités.

''Que ça soit dans la culture ou dans la religion, la plus grande valeur prônée c'est l'être humain. On doit tout faire pour sauver l'être humain'', affirme-t-elle d'un ton plein d'espoir.

Source: www.bbc.com