Six mois après une intrusion présumée dans une villa de Bonapriso à Douala, l'affaire opposant deux figures du barreau camerounais révèle les dysfonctionnements du système judiciaire. Tandis que Me Aurélie Chazai, avocate de renommée internationale, accuse Me Serge Martin Zangue d'avoir organisé une opération d'expulsion illégale avec des hommes armés, l'instruction semble au point mort. Malgré les plaintes déposées, aucune audition officielle n'a eu lieu, soulevant des soupçons d'obstruction à la justice. Enquête sur une affaire qui interroge l'équité de la justice camerounaise face à ses membres les plus influents.
Douala: Un avocat influent est soupçonné d’obstruction à la justice
Au cœur du quartier huppé de Bonapriso, à Douala, une villa devient le théâtre d’un bras de fer judiciaire inédit entre deux figures du barreau camerounais. L’affaire oppose Me Aurélie Chazai, avocate de renommée internationale, à Me Serge Martin Zangue, membre influent du Conseil de l’ordre des avocats du Cameroun. Mais derrière ce qui pourrait sembler être un banal conflit locatif, se cache une affaire aux implications graves : intrusion illégale, usage de la force armée, et surtout, soupçons de manœuvres d’obstruction à la justice.
Les faits remontent au 15 janvier 2025. Ce jour-là, Me Aurélie Chazai, occupante légale de la Villa 96 au quartier Bonapriso, déclare avoir été victime d’une intrusion brutale. Selon ses déclarations, des individus armés, agissant sans aucun mandat ni décision judiciaire, auraient tenté de la déloger de force. Elle accuse formellement Me Serge Martin Zangue d’avoir organisé cette opération, avec le soutien de deux autres avocats. L’intervention, qui s’est déroulée dans un climat de grande tension, a été perçue comme une violation flagrante de la loi, au mépris des procédures judiciaires habituelles. Des témoins ont été identifiés, les faits ont été consignés, et une plainte en bonne et due forme a été déposée. Mais six mois plus tard, la procédure semble s’enliser dans un silence inquiétant.
D’après une source proche du dossier, le parquet et l’instance disciplinaire du Barreau ont été saisis dès mars 2025. Pourtant, aucune audition officielle de Me Zangue n’a eu lieu, aucune mesure conservatoire n’a été prise, et aucune suite judiciaire n’a été enclenchée. Le parquet n’a émis aucune convocation, et le Procureur Général, pourtant compétent en matière disciplinaire, demeure silencieux. La même source affirme que plusieurs magistrats auraient été discrètement approchés pour freiner l’évolution du dossier, et que la procédure semble volontairement figée.
L’avocat mis en cause n’est pas n’importe qui. Me Serge Martin Zangue est membre du Conseil de l’ordre des avocats du Cameroun, organe décisionnaire au sein de la profession. Il connaît les arcanes du système judiciaire, dispose de relations bien établies, et semble en tirer un avantage stratégique. En usant de son influence, il est soupçonné de neutraliser l’instruction, de faire pression sur certains acteurs judiciaires et de se protéger derrière le silence institutionnel. Pendant ce temps, la plaignante, Me Chazai, se retrouve dans une position paradoxale : victime présumée d’un acte de violence, mais privée de tout recours effectif, face à un système qui semble intimidé par le poids de son adversaire.
Cette affaire pose une question fondamentale : la justice camerounaise peut-elle fonctionner équitablement lorsqu’un de ses membres les plus influents est mis en cause ? La lenteur de la procédure, l’inaction du parquet, le mutisme du Conseil de l’ordre et l’absence de mesures conservatoires renvoient une image inquiétante d’un système vulnérable aux pressions internes. Nombre d’observateurs s’interrogent sur l’absence de réaction des autorités judiciaires, malgré l’écho médiatique de l’affaire et la stature de Me Chazai, récemment classée parmi les avocates les plus influentes d’Afrique par un réseau panafricain de juristes.
Alors que Me Zangue envisage de briguer un nouveau mandat au Conseil de l’ordre, la question de sa responsabilité disciplinaire se pose avec acuité. Peut-on prétendre représenter les valeurs d’éthique et de justice de la profession, tout en étant au cœur d’une affaire aussi troublante, toujours pendante, et visiblement entravée ?
L’issue de cette affaire sera scrutée à la loupe. Car au-delà des personnes en cause, c’est la capacité du système judiciaire à traiter équitablement tous les citoyens, y compris ses membres les plus puissants, qui est mise à l’épreuve. Tant que les autorités judiciaires refuseront d’agir avec fermeté et transparence, cette affaire restera le symbole d’une justice à deux vitesses. Et chaque jour de silence renforcera l’idée qu’au Cameroun, l’influence peut primer sur le droit.
Nous y reviendrons.
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