Double nationalité: une mauvaise nouvelle tombe pour les Camerounais de la Diaspora

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Wed, 19 Mar 2025 Source: www.camerounweb.com

Selon des informations exclusives obtenues par notre rédaction, le projet d'attribution de la double nationalité aux ressortissants de la diaspora camerounaise, qui était en examen au Premier ministère, a définitivement été enterré. Cette décision met fin à quinze années d'attente et d'espoir pour des millions de Camerounais vivant à l'étranger.

C'est en juillet 2009 que le président Paul Biya avait pour la première fois évoqué la possibilité d'abroger la loi interdisant la double nationalité lors d'une rencontre avec la diaspora. Il s'était alors engagé à "apporter des solutions progressives" à cette question ainsi qu'à celle du droit de vote des Camerounais de l'étranger.

Si la question du vote a connu une avancée avec l'adoption en 2011 d'une loi permettant aux citoyens de la diaspora de participer aux élections présidentielles et aux référendums, le dossier de la double nationalité est resté dans les tiroirs malgré les multiples annonces.

À chaque session parlementaire où la question était soulevée, le gouvernement, par la voix du ministre des Relations extérieures Lejeune Mbella Mbella, répondait invariablement que "l'avant-projet de loi était en cours d'élaboration" ou que "le gouvernement y pensait sérieusement".

Encore récemment, fin juin 2024, interpellé par les députés Djeumeni Benilde et Cabral Libii sur l'avancement du dossier, le ministre affirmait que "le projet n'est pas oublié", sans pour autant donner de calendrier précis.

La décision d'enterrer définitivement ce projet intervient dans un contexte où la loi sur la nationalité fait l'objet de critiques pour son application jugée discriminatoire. Les parlementaires de l'opposition avaient notamment dénoncé un "double standard" dans son application.

"J'aimerais savoir pourquoi la double nationalité est à tête chercheuse dans notre pays ?", avait interrogé le député du Social Democratic Front (SDF), Djeumeni Benilde, citant le cas d'un aspirant député dont la candidature avait été invalidée en raison de sa double nationalité, alors que "certaines hautes personnalités" seraient nommées à des postes de sénateurs ou de ministres malgré leur statut de binationaux.

Selon plusieurs observateurs, la méfiance du régime envers une diaspora perçue comme frondeuse explique en grande partie cette décision. L'artiste Richard Bona, naturalisé américain, dénonce régulièrement les passe-droits accordés à certains, comme l'ancienne vedette du football Samuel Eto'o qui, malgré sa nationalité espagnole, pourrait selon lui se rendre au Cameroun sans visa.

L'augmentation des frais de visa à destination du Cameroun en 2022, passant de 115 à 172 euros, avait également été perçue comme une mesure hostile envers la diaspora, conduisant l'avocate Alice Nkom à engager une procédure judiciaire contre les pouvoirs publics pour "attaquer la loi interdisant la double nationalité au Cameroun".

Cette décision d'enterrer le projet intervient à un an de l'élection présidentielle à laquelle Paul Biya, 92 ans, devrait être candidat pour un huitième mandat. Certains analystes y voient une volonté délibérée d'écarter du scrutin une partie de l'électorat potentiellement hostile au président en place depuis 1982.

Hervé Emmanuel Nkom, membre du comité central du parti au pouvoir, avait lui-même qualifié cette loi de "discriminatoire" et "dépassée", estimant qu'elle "n'a servi qu'à éliminer les dissidents et ceux qui ne pensaient pas comme le régime à l'époque où elle a été adoptée".

L'abandon définitif de ce projet marque une nouvelle étape dans les relations déjà tendues entre le pouvoir de Yaoundé et sa diaspora, à l'heure où de nombreux pays africains cherchent au contraire à renforcer leurs liens avec leurs ressortissants à l'étranger en leur accordant plus de droits et de reconnaissance.

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