Vingt mois de détention, quatorze audiences et le tribunal a toujours autant de mal à constituer un dossier d'accusation solide dans l'affaire Ahmed Abba, le correspondant en langue haoussa de RFI contre État du Cameroun.
A l'audience de ce jour, au tribunal militaire de Yaoundé, les avocats de notre confrère, qui est poursuivi pour complicité et non dénonciation d'actes de terrorisme, sont parvenus à faire rejeter le deuxième rapport d'expertise, seule pièce à ce jour sur laquelle souhaite s'appuyer l'accusation.
Les avocats de la défense ont longuement démontré que le rapport d'expertise sur des équipements informatiques présentés comme appartenant à Ahmed Abba avait été réalisé en violation des règles de procédure pénale.
Ils ont dénoncé la démarche unilatérale des experts qui ont ignoré le principe du contradictoire, portant gravement atteinte aux droits de la défense. Ils ont ainsi fait observer qu'Ahmed Abba avait découvert ce rapport à l'audience, qu'il ne le lui avait pas été donné de certifier les scellés de cette expertise, encore moins l'état de ces scellés et leurs contenus. Toute chose formellement prescrite par la loi, dans l'optique de crédibiliser toute expertise éventuelle. En conséquence de quoi, la défense a demandé le rejet pur et simple de ce rapport et la déconstitution des experts l'ayant réalisé.
Ils ont, par ailleurs, demandé au tribunal d'autoriser une nouvelle expertise et appelé à une relaxe sous contrôle judiciaire d'Ahmed Abba, appuyant cette dernière requête par le fait d'un défaut de titre de détention depuis qu'Ahmed Abba est incarcéré. Le tribunal a partiellement accédé à ces demandes. Le rapport a ainsi été rejeté, d'autres experts désignés, et un nouveau rapport commandé. Quant à la relaxe, le tribunal a jugé cette demande infondée et a renvoyé l'affaire au 23 février 2017.
Le correspondant de RFI en langue haoussa à Maroua, au Cameroun, a été arrêté le 30 juillet 2015.
Communiqué de France Médias Monde :
Pour la douzième fois, le procès d'Ahmed Abba a donné lieu à un report au 23 février. Après 556 jours de détention, le correspondant de RFI en langue haoussa au Cameroun reste en prison sans qu'une fois de plus l'accusation n'ait pu apporter la moindre preuve de sa culpabilité.
Toutefois, comme le 19 octobre dernier, le tribunal militaire de Yaoundé a annulé ce mercredi le rapport d'expertise des effets saisis chez Ahmed Abba. Une fois encore, le tribunal n'a pas laissé passer l'unique document à charge brandi par l'accusation, élaboré sans la moindre consultation de l'accusé et de ses défenseurs et en dehors de toutes les règles légales de l'expertise contradictoire. Le nouveau collège d'experts assermentés a maintenant deux semaines pour réaliser son travail en conformité avec la loi camerounaise.
La direction de RFI se prend à espérer qu'enfin l'audience du 23 février prochain permettra d'entrer au fond d'un dossier vide, et de prononcer l'acquittement d'Ahmed Abba qui a décidément déjà passé bien trop de temps en prison alors qu'il est innocent !