Le psychologue clinicien et responsable de la santé mentale et du soutien psychosocial de l'Association camerounaise de prévention et de lutte contre le suicide décrit le phénomène qui tend à se vulgariser dans notre société.
Quel est l’état des lieux du suicide dans la société et quelles peuvent être les raisons pour lesquelles des personnes mettent fin à leur vie ?
Le suicide est l'acte par lequel une personne met prématurément fin à son existence ou se donne volontairement la mort. Chaque suicide est un drame et cela a des répercussions durables sur la vie des familles et des communautés. Chaque année, plus de 800 000 personnes se suicident dans le monde, soit une personne toutes les 40 secondes (OMS 2014). Le suicide est un problème de santé publique qui affecte des communautés, des régions et des pays du monde entier. Les jeunes figurent parmi les plus touchés, et le suicide est désormais la deuxième cause de mortalité chez les 15 à 29 ans à l'échelle mondiale. Les chiffres varient d'une région à une autre, mais c'est dans les pays à revenu faible et intermédiaire que le suicide pèse le plus lourdement. Ils enregistrent environ les trois quarts des suicides mondiaux. Dans une étude portant sur les « Conduites suicidaires chez l'adolescent et l'adulte jeune en milieu scolaire dans la ville de Douala (Cameroun) » parue dans Health Sci. Dis: Vol 24 (5) May 2023 pp 23-29, Eyoum et al sont parvenus à la conclusion selon laquelle la prévalence des conduites suicidaires serait estimée à 24,7%, celle des idéations suicidaires à 13,1%, tandis que les plans suicidaires quant à eux sont de 10% chez les adolescentes.
Qui est susceptible de se suicider et quels sont les facteurs de risque ?
sque ? Parmi les facteurs de risque, les auteurs associent le genre féminin et les fratries d'au moins 8 enfants comme caractéristiques sociodémographiques significativement associées aux conduites suicidaires. À cette liste non exhaustive, nous ajoutons les conflits familiaux, les problèmes affectifs, la proximité avec des produits chimiques toxiques, l'intoxication médicamenteuse, l'usage d'armes blanches et de plus en plus le rôle joué par les médias grâce au discours ou reportage inapproprié. Personne n'est à l'abri du suicide. C'est un acte directement lié à la dégradation de l'état de santé mentale de l'individu. Maintenant, on distingue plusieurs facteurs. Les facteurs de risque médiatique. Selon l'OMS (2014) dans un document portant sur "Prévention du suicide : L'état d'urgence mondial", les mauvaises pratiques en matière de couverture médiatique font du suicide un événement sensationnel et séduisant qui augmente le risque d'imitation chez les personnes vulnérables.
Vous parlez du suicide par imitation. De quoi s’agit-il exactement ?
Le suicide et la qualité de la communication : l'effet Werther. Son origine remonte à la fin du 18ème siècle, au moment de la publication en Allemagne d'un ouvrage de Goethe intitulé « Les souffrances du jeune Werther ». Suite à une déception amoureuse, le héros du roman met fin à ses jours à la fin du livre. Dans les mois qui suivent, l'Allemagne connaît une vague de suicides chez les jeunes hommes. Deux siècles plus tard, un sociologue américain constate de la même manière que le taux de suicide augmente significativement à chaque fois qu'un suicide fait la Une des journaux. Il désigne ce phénomène sous le nom d'effet Werther, en référence à l'ouvrage de Goethe.
Comment les médias peuventils devenir un facteur de risque du suicide ?
En effet, les pratiques médiatiques sont inappropriées lorsqu'elles couvrent, sans motif valable, le suicide de personnes célèbres, par exemple. Cette pratique ou ce type de reportage fait état de méthodes de suicides inhabituelles ou de vagues de suicides, montre des images ou fournit des informations sur les méthodes utilisées, ou normalise le suicide en tant que réponse acceptable à une crise ou une épreuve difficile. Il a été prouvé que l'exposition à des exemples de suicide augmente le risque de comportement suicidaire chez les personnes vulnérables. Par ailleurs, le rôle supplémentaire joué par Internet et les médias sociaux dans la communication sur le suicide soulève des inquiétudes croissantes. Internet représente dorénavant l'une des principales sources d'information concernant le suicide, avec des sites facilement accessibles susceptibles de véhiculer une image erronée du suicide. Des sites web et des médias sociaux ont été pointés du doigt pour avoir encouragé et favorisé des conduites suicidaires. Des particuliers peuvent également diffuser, sans aucun filtrage, des actes suicidaires et des informations connexes accessibles par ces médias.
Les médias sont un tout petit peu incriminés. Comment doivent-ils procéder pour informer et communiquer sainement ?
Il a été prouvé que la couverture responsable du suicide dans les médias contribue à réduire les taux de suicide (OMS 2014). Parmi les aspects importants de la couverture responsable, citons : la médiatisation des personnes ayant surmonté leur crise suicidaire s'avère protectrice, tandis que la médiatisation des suicides exerce l'effet contraire ; éviter de décrire en détail les actes suicidaires ; éviter toute dramatisation ou glorification ; employer un langage responsable ; minimiser l'importance des reportages consacrés au suicide ; éviter les simplifications excessives ; éduquer le public sur le suicide et les traitements disponibles ; indiquer où demander de l'aide (le numéro vert du Minsanté 1510 ou contacter directement l'association camerounaise de prévention et de lutte contre le suicide). La collaboration et la participation des médias à l'élaboration et à la généralisation de pratiques journalistiques responsables, ainsi qu'à la formation à ces pratiques, sont également essentielles pour réussir à améliorer la couverture médiatique du suicide et réduire les phénomènes d'imitation. L'utilisation d'internet et des médias sociaux pourrait constituer une stratégie universelle de prévention du suicide. Il faut promouvoir des sites de promotion de la santé mentale et les forums de discussion en ligne avec des professionnels consacrés aux personnes suicidaires est nécessaire.
Échecs, déceptions amoureuses, stress, problèmes sociaux sont généralement les raisons pour lesquelles les gens se suicident. Quels recours pour éviter de s’ôter la vie face à ces situations ?
Comme nous l'avons souligné, le suicide ou ses paramètres ne sont pas les meilleures options. À côté de la communication qui est fondamentale car elle ouvre la voie à l'exploration du vécu de la souffrance, on peut ajouter faire du sport, s'appuyer sur le soutien religieux, affronter le problème en question, accepter que le moment que je traverse est un moment difficile, accepter que nous sommes vulnérables et surtout que nous avons besoin d'aide, comprendre et accepter l'avis des autres.