Le spectacle est inédit à l’Est. Sur le toit de chaque domicile, du matin au soir, des lampes reliées à des plaques solaires pour les charger à partir de l’énergie fournie par le soleil.
« Il faut le faire pour pallier les délestages que nous subissons depuis plusieurs mois », rapporte Marie Soulé, une ménagère au quartier Mokolo I qui veille sur ses lampes. Ce spectacle n’est pas le propre de Bertoua. Mais de toutes les localités connectées à la centrale thermique de Bertoua (Dimako, Doumé, Diang, Nguélémendouka, Mboma, Angossas, Abong-Mbang, Batouri et bien d’autres).
« Depuis le début de l’année scolaire, Eneo ne nous vend que de l’obscurité », confie un élu local de la Kadéy. « Quand nous sommes à l’école, et que les établissements scolaires en sont privés, Eneo envoie l’énergie électrique dans les domiciles », exposent des élèves du lycée technique de Bertoua-Kano. Du coup, ces élèves en classes d’examen restent jusqu’à tard au lycée pour étudier « parce que l’énergie y revient dès 18 heures quand on coupe dans nos quartiers ».
Leurs camarades d’autres établissements scolaires se réunissent dans les domiciles des parents qui habitent des quartiers « chanceux » où la lumière revient de 18 heures à 23 heures. « Même les quartiers souvent épargnés sont désormais sevrés d’énergie électrique », soutient Marc Emama, un responsable politique du quartier Mokolo I. Le même indique que « la situation est tellement préoccupante qu’elle nous interpelle notamment sur les résultats scolaires des enfants de cette Région ». En effet, des responsables d’établissements approchés dans le cadre de cette enquête observent que « les résultats de nos élèves prennent un coup depuis le début de ces délestages ».
Et on annonce « une hécatombe » lors des examens de fin d’année : « Dans les salles de classe, les taux de réussite ont baissé parfois de plus de la moitié. Toutes les stratégies mises en place pour y remédier butent sur l’absence de suivi à la maison. » Et ce n’est pas la faute des parents qui avouent que « les délestages qui nous empêchent d’effectuer ce suivi ».
A Eneo, on évoquait au début de ces périodes de sevrage « une dette de carburant vis-à-vis des fournisseurs qui ont décidé de suspendre toute livraison ». A ce jour, la raison de ces délestages est désormais « technique » si l’on s’en tient aux déclarations faites par le délégué régional de cette entreprise à l’Est à la station régionale de la Cameroon Radio and Television (CRTV) de l’Est. Dans un sujet diffusé le 24 mars 2018 au journal de 20 h 30, ce dernier affirmait que « ces délestages sont dus à la vétusté des groupes électrogènes qui ont pour la plupart plus de dix ans d’âge ».
A la centrale thermique de Bertoua qui alimente les villes plongées dans le noir, des sources soufflent que « la production totale est de 16 mégawatts (MW) lorsque tous dix ces groupes sont en bon état. Or, la consommation optimale des villes connectées est de 12 MW. Ce qui veut dire que nous sommes souvent en surproduction. » Seulement, et selon les mêmes sources, les groupes en état de fonctionner ne produisent que 5 MW sur les 8 attendus.
« La perte d’énergie est due à la vétusté invoquée par Eneo », avance, avec une pointe d’ironie, un fonctionnaire à Batouri. Qui estime que « ces explications ne nous convainquent pas. Elles ne nous rassurent pas quant à la fin d’année scolaire de nos enfants. »