L’intégration à la Fonction publique pour ceux qui ne le sont pas encore, le paiement de l’intégralité des salaires et avancements, l’automatisation des actes de carrières, la mise sur pied du Statut spécial de l’enseignant etc. Voilà l’essentiel des revendications du collectif dénommé ‘’On a trop supporté’’ (OTS) ou encore ‘’On a trop attendu’’ (OTA).
La rentrée scolaire 2023-2024 s’est faite au rythme de la précédente : le boycott des cours. Les lignes n’ont donc pas bougé cette année encore. «En réalité le gouvernement n’a pas pris de mesures concrètes puisque depuis la dernière fois que nous avons lancé le mouvement OTS en 2021, il a promis réagir, mais il ne l’a pas fait malgré les hautes instructions du Chef de l’Etat (…) jusqu’ici rien n’a été fait, on est au point zéro», peste Jean Paul Bourfane secrétaire régional du Syndicat des enseignants du Cameroun pour l’Afrique (Seca), pour la région de l’Ouest.
Au plus fort de la crise au courant de l’année scolaire 2021-2022, le gouvernement avait manié le bâton et la carotte, pour à la fin prendre un certain nombre d’engagements, jugées insuffisantes. Le 9 mars 2022, le Secrétaire général de la présidence de la République (Sgpr) instruisait le Premier ministre du «haut accord du président de la République pour la mise en œuvre urgente des mesures financières et administratives ci-après, afin de répondre aux revendications formulées par les enseignants : procéder au paiement, à partir de mars 2022du complément salarial mensuel à verser aux enseignants titulaires ou non du décret d’intégration, qui ne percevaient actuellement que les 2/3 de leur salaire et de l’indemnité de non logement due aux enseignants qui n’en percevaient pas ; d’apurer à compter du mois de mai 2022 et de manière progressive … du complément salarial dû aux enseignants, de procéder au paiement échelonné, à compter du mois de juin 2022, des rappels relatifs aux avancements et reclassements des enseignants,…»
Si les grévistes n’avaient déjà pas accepté la formule choisie par l’Etat, notamment les paiements échelonnés, ils dénonceront plus tard le nonrespect des engagements pris par l’Etat. «En principe en août 2023, tout devrait être résolu mais c’est à la fin du mois que des documents ont commencé à circuler, prétextant le paiement de ces dettes», fulmine Jean Paul Bourfane qui réclame le salaire de dix années de service. Entre temps, l’Etat a décidé de jouer au sourd-muet, et même d’engager la guerre de tranchées avec les grévistes, faute d’avoir pu faire comprendre le discours du «patriotisme». En effet, depuis le lancement de cette seconde phase le 4 septembre 2023, les enseignants essuient des menaces et intimidations de la part de leur employeur. Dans la région de l’Ouest par exemple, le gouverneur Awa Fonka Augustine, a instruit tous les préfets de «mettre fin à cette grève dans de brefs délais afin d’éviter l’effet de contagion». Dans l’Extrême-Nord, le sous-préfet de Meri, département du Diamaré, a adressé une lettre le 11 septembre dernier à tous les proviseurs de son unité de commandement dans laquelle il demande d’adresser des demandes d’explication à tous les enseignants ayant repris le service sans réellement dispenser les cours et aussi à ceux n’ayant pas encore repris le service. Toujours dans l’ExtrêmeNord, le Délégué régional des Enseignements secondaires a rendu publique une note dans laquelle il instruisait les responsables d’établissements de lui faire parvenir les noms de tous les enseignants qui vont suivre le mot d’ordre de grève et que certaines mesures seront prises à leur égard.
Dans le Centre, le délégué départemental du Minesec pour le Nyong-et-Kelle a requis la destitution d’André Ghislain Bayiha de ses fonctions de président de l’Amicale du personnel du lycée de MomGare dans l’arrondissement de Makak. Par ailleurs, des agents de services de renseignement sont annoncés dans certains établissements. Pas de quoi faire fléchir le mouvement qui s’illustre de plus en plus en sourdine. Mais déterminé à ne pas céder. «Pour une fois nous voulons aller jusqu’au bout, nous voulons que l’Etat trouve une solution définitive aux problèmes des enseignants», exige Jean Paul Bourfane. Regrettant que les élèves soient les premiers à payer les pots cassés. Deux années déjà que le bras de fer se poursuit.