Les drames se multiplient dans les villes camerounaises, du fait de la non-mise en application des textes d’urbanismes existant. A chaque fois un ballet gouvernemental rassure et promet, toujours sans suite. Et les drames reviennent toujours.
Le ministre du Développement urbain et de l’habitat, Célestine Ketcha Courtes s’est rendue à Douala le 24 juillet 2023, au lendemain du double effondrement d’immeubles dont le bilan se chiffrait à 34 morts et une vingtaine de blessés. En gros, le ministre a tenu une séance de travail avec les autorités de la ville, avant de se rendre sur le lieu du drame, question de réconforter les familles, au même moment où elle devait constater de visu les faits. Ce qui lui a donné à voir « une situation catastrophique qui interpelle quant à la mise en œuvre des documents de planification de nos villes modernes, mieux planifiées, mieux construites telles que voulu par le président de la république…je tiens à appeler les maires d’arrondissement, le maire de la communauté urbaine ainsi que les autres maires des communautés urbaines, à l’urgence de la mise en œuvre des documents de planification et bien sûr des textes sur l’urbanisme. » En d’autres termes, le ministre du développement urbain et de l’habitat reconnaissait que les autorités municipales ne font le travail qui est le leur, notamment dans la mise en œuvre des plans d’occupations des sols. Cette visite rappelle celle qu’elle avait effectuée à Bafoussam le 31 octobre 2019 en compagnie du ministre de l’Administration territoriale notamment, au lendemain d’un éboulement de terrain au quartier Ngouaché qui avait enseveli 43 personnes. Les mêmes discours de compassion avaient été entendus, les mêmes recommandations faites, étant donné que la catastrophe avait été, comme celle de Douala, attribuée à l’occupation anarchique des sols par les populations qui ne distinguent pas les zones non constructibles, pourtant délimités dans les plans d’occupation des sols. 4 après, le gouvernement en est encore à parler de l’urgence de la mise en œuvre des documents de planification.
Laxisme
Pourtant, la catastrophe de Ngouache, au-delà de susciter de l’émoi, rappelait déjà cette urgence dont le contraire ne s’expliquait et ne s’explique pas. C’est ce qui transparait dans le communiqué signé par Edith Kah Wallah le 31 octobre 2021. La présidente du Cameroon peoples party demandait déjà que toutes les leçons de cette catastrophe soient tirées, question d’éviter un tel drame les jours avenirs. Dans cette lancée, elle proposait alors la mise à jour des études sur les différentes zones à risque sur le territoire national, zones à forte densité de population, l’identification et la réinstallation des populations déplacées dans des espaces sécures, le développement et la mise en application d’un plan d’évacuation des populations vivant dans les zones à risque, la dotation des organismes en charge de la prévention et de la gestion des catastrophes de ressources humaines, matérielles et financières leur permettant de se déployer sur l’ensemble des sites jugés dangereux ou à risque, et le développement des systèmes de gestion de nos villes plus efficaces pour empêcher et / ou mettre fin au phénomène d’installation anarchique des populations dans des zones à risques. Dans l’ensemble, Edith Kah Wallah, comme tous les autres compatriotes demandait ni plus ni moins, que les pouvoirs publics, aux niveaux central et local fassent leur travail.
Les différents ballets gouvernementaux organisés autour des drames dans les villes camerounaises, cachent mal les balbutiements et l’incapacité à mettre en œuvre des idées prévues dans des documents dont l’élaboration a englouti des centaines de millions, et les services régaliens de l’Etat semblent confortables dans la posture de ceux qui courent après les évènements, condamnés à mener dans la précipitation des politiques réparatrices, alors que même le novice dans le domaine sait que gouverner, c’est prévoir.
Les plans d’occupation du sol
Parlant des Plans, pour la ville de Douala, comme il n’y a jamais des moyens financiers pour des investissements prévisionnels, l’Agence française de développement et le Contrat désendettement développement C2D ont déjà financé à coups des centaines de millions et participé à des études visant à anticiper sur des drames par une occupation rationnelle des sols. Le rapport final du « Plan Directeur d’Urbanisme de Douala à l’horizon 2025 » par exemple a été préparé par le groupement Groupe Huit / AS Consultants en synergie avec l’équipe de la Direction des Études, de la Planification Urbaine et du Développement Durable (DEPUDD) de la Communauté Urbaine de Douala. Les diagnostics, orientations et recommandations ont nécessité plusieurs missions sur le terrain, organisées entre novembre 2010 et février 2012 et la revue de nombreuses études déjà faites, comme les Documents Stratégiques du Gouvernement, la Stratégie de développement de la Ville de Douala et de son aire métropolitaine, le Schéma directeur d’assainissement, le Plan directeur des déplacements, l’Etude sur la valorisation du patrimoine culturel, le Schéma directeur portuaire, le Schéma directeur ferroviaire , le Schéma d’aménagement et d’urbanisme datant de 1983. En février 2012, à l’occasion d’une visite du ministre Jean Claude Mbwentchou, prédécesseur de Célestine Ketcha Courtes au Minduh, le délégué du gouvernement de l’époque Fritz Ntone Ntone dévoilait enfin le Plan directeur d’urbanisme et le Plan d’occupation du sol, supposés faire de Douala une ville rayonnante et attrayante, où l’on ne meut plus en habitant une maison. La mise en œuvre nécessitait un milliard 400 millions de francs cfa. En 2022, le successeur de Ntone Ntone, le maire Mbassa Ndine disait que ce plan directeur était déjà dépassé et qu’il fallait le réadapter à la réalité, en 2023 Célestine Ketcha Courtes appelle à l’urgence de la mise en application. Dans l’intervalle, entre stratégies, schémas, plans et études, rien ne manque, la ville est passée par là, avec autant d’argent laissé derrière, pour une ville toujours plus anarchique et désormais dramatique. Les différents ballets gouvernementaux organisés autour des drames dans les villes camerounaises, cachent mal les balbutiements et l’incapacité à mettre en œuvre des idées prévues dans des documents dont l’élaboration a englouti des centaines de millions, et les services régaliens de l’Etat semblent confortables dans la posture de ceux qui courent après les évènements, condamnés à mener dans la précipitation des politiques réparatrices, alors que même le novice dans le domaine sait que gouverner, c’est prévoir.
Roland TSAPI