"Il faut le laisser finir, après on verra", pense Denis. "Non, il faut qu'il parte!", rétorque Bernardin. "Il", c'est Paul Biya, président du Cameroun depuis 1982, le seul que ces deux jeunes de Yaoundé ont connu à la tête du pays.
Assis sur un muret dans une rue pavée du quartier Nkol Eton de Yaoundé, Denis et Bernardin débattent DE l'avenir de leur pays et de leur président, candidat dimanche à un 7ème mandat consécutif.
Au Cameroun, comme eux, 75% de la population n'a connu que Paul Biya, 85 ans, comme président. Après Teodoro Obiang Nguema en Guinée équatoriale, il est le président d'Afrique à la plus longue longévité au pouvoir.
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"Il lui faut le temps pour finir les projets qu'il a lancés, sinon ils vont s'écrouler", pense Denis.
Depuis son arrivée au pouvoir en 1982, Paul Biya a lancé de grands projets, dont certains n'ont pas encore vu le jour.
"S'il n'a pas pu faire quelque chose pour moi tout ce temps, il ne le fera pas plus tard", note Bernardin.
Il a pourtant voté Biya en 2011 à la dernière présidentielle. "J'ai été déçu", soupire-t-il. "J'ai déjà 30 ans. En 2011 j'avais 23 ans et j'y croyais. Mais là, s'il est encore réélu? J'aurai 37 ans à la prochaine élection et je n'aurais connu que lui, oh!".
En cette fin d'après-midi, une cigarette à la main, la discussion ne tourne qu'autour de Paul Biya, pourtant invisible lors de la campagne hormis un meeting à Maroua il y a une semaine.
- "C'est le père" -
Partout dans le pays, des dizaines de milliers d'affiches à son effigie ont été collées. avec un slogan: "la force de l'expérience".
"C'est le père, il faut lui faire confiance", souffle Denis en s'adossant au capot d'une voiture garée là.
"Non non! Ce n'est pas comme ça qu'il faut penser!": à quelques mètres, Hugues écoutait la conversation et intervient. Il a 44 ans et enchaine les petits boulots.
"Mon fils vient de passer son baccalauréat. Mais moi, je ne suis pas dans le +système+, je fais comment maintenant pour qu'il ait des opportunités? Je n'ai pas l'argent pour les lui offrir".
"Ce n'est pas lui le problème, c'est son entourage. Lui, je ne pense même pas qu'il est au courant, la corruption et tout ça, ce n'est pas lui", veut se convaincre Denis.
"C'est à vous de vous prendre en main, les jeunes", lance Hugues.
"Quels jeunes? Tu imagines donner le pouvoir à un jeune toi? Vu l'état de la jeunesse, ca va être un désastre. Lui il a l'expérience, au moins", répond du tac au tac Denis.
Malgré son soutien au président Biya, il indique qu'il ne votera pas dimanche, et n'a même pas récupérer sa carte d'électeur. "Ca va changer quoi, il va être élu sans moi, et c'est bien. Je n'ai pas besoin de voter".
- "Il faut manger" -
De ces deux jeunes et Hugues, aucun ne pense que l'élection présidentielle aura un impact sur leur quotidien. Pour eux, l'engagement politique d'aujourd'hui est souvent motivé au Cameroun par l’appât d'un gain espéré, plus que par des valeurs.
Les jeunes qui militent pour Paul Biya "n'ont même pas de réflexion politique, mais il faut boire, il faut manger, alors les gens prennent l'argent, c'est comme ca", affirme Bernardin.
Depuis le début de la campagne, les sections jeunes du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) sillonnent les villes et villages pour distribuer maillots, casquettes, porte-clés et autres babioles à l'effigie de Biya et mobiliser les électeurs.
"Mais moi, même si on me donne 10.000 francs (CFA, 15 euros) cette année je ne voterai pas Biya!", rit Bernardin. Des huit opposants candidats, Cabral Libii lui plaît bien, car "c'est le candidat des jeunes!"
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M. Libii, analyste politique à la télévision novice en politique, est le benjamin de l'élection à 38 ans. Lui même n'avait que 3 ans quand Paul Biya est arrivé au pouvoir en 1982.
Bernardin ne veut pas penser à une victoire du président-candidat. "Dans le système, ceux qui n'ont rien n'auront rien, ceux qui ont quelque chose auront quelque chose", râle-t-il.