Dans une correspondance, James Mouangué Kobila, actuel Vice-président de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés du Cameroun estime que la candidature de Maurice Kamto pour la Présidentielle 2018 est vouée à l’échec. Ci-dessous l’opinion de James Mouangué Kobila.
« Au lendemain de la seconde convention du parti politique qui porte sa candidature à l’élection présidentielle attendue en octobre de cette année, et à six mois, presque jour pour jour de cette échéance politique capitale au Cameroun, la presse thuriféraire s’est fendue en plusieurs titres : « Kamto se pose en rassembleur des forces du changement » (Le Messager) ; « Kamto veut former le front de l’opposition » (Le Jour) ou encore « Kamto fait les yeux doux à Joshua Osih » (Ouest Echos).
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S’il est clair que le candidat unique à l’investiture du MRC pour la présidentielle de 2018 a effectivement fait des ronds de jambes à plusieurs leaders de l’opposition, nommément cités, dans son discours reproduit dans Le Messager du 16 courant et abondamment relayé par une presse dévouée pendant le Congrès de Yaoundé, l’information affichée est partielle et… partiale, car le même Maurice Kamto a également fait une cour assidue aux dirigeants et militants du RDPC, de l’UNDP, aux richissimes prisonniers de l’opération dite « Epervier », sans oublier les sécessionnistes qui, non contents de brûler les écoles et de tabasser les enseignants, égorgent des militaires et gendarmes dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
On retrouve en effet dans son discours les noms du candidat du SDF à la présidentielle, ainsi que ceux des présidents de l’UDC, du Manidem et du Purs, enrobés de louanges frisant flagornerie pour tenter de les rallier à sa candidature. Les mêmes qu’il avoue avoir « saisi par écrit » depuis sept ans, au lendemain de son départ du Gouvernement en novembre 2011, « afin qu’une action commune soit menée […] Mais curieusement, ces partis n’ont même pas jugé utile d’accuser réception ».
La vérité est là : depuis qu’il s’est lancé en politique pour tenter d’assouvir une vieille ambition personnelle, aucune effervescence transpartisane ou transethnique n’a été observée autour du parti politique qu’il a récupéré à la hâte, en dehors du canular délectable, admirablement mis en scène, qu’a constitué le vrai-faux ralliement du Commandant Kissamba, de son vrai nom Woungly Massaga.
En leur léchant publiquement et égoïstement les bottes, dans son seul intérêt, il espère ainsi convaincre ceux qui n’ont même pas daigné faire le déplacement pour le congrès du MRC où ils ont pourtant été invités de renoncer à la ligne politique qu’ils ont définie de longue date. Le tout sur la base d’un discours dans lequel il les a par ailleurs copieusement couverts d’injures. Il les a en effet traités d’adeptes « de la politique des petits arrangements », qui se lancent dans des élections « dans le seul but de percevoir le financement public ou de mendier la charité politique du RDPC », en se gaussant de leur « nouvelle logique mathématique », sous les youyous des militants de son parti politique.
Sa démarche n’est guère différente avec le RDPC dont il courtise les cadres en disant haut et fort : « je sais combien ils aiment leur pays. J’ai eu à apprécier leurs compétences », avant de pourfendre la même « élite RDPC qui [se serait] spécialisée dans la fabrication des résultats électoraux sans rapport avec la réalité politique locale, use et abuse de diverses formes de terreur pour soumettre les populations ».
Si on assimile bien la « logique mathématique » du cru 2018 de Maurice Kamto, louanges + insultes = union + politique des grands arrangements ! Normal donc qu’il déclare lui-même que la mission de rassemblement des forces politiques qu’il s’assigne ainsi est « titanesque ». Nous dirions plutôt… désespérée et vouée à l’échec.
C’est la même « logique mathématique » qui le noie dans cette autre contradiction. Alors qu’il reconnaît implicitement qu’en démocratie, le leadership s’apprécie à l’aune des résultats électoraux et que les élections à pluralité de circonscriptions pourraient servir d’« excellente base de négociation » pour dégager le candidat que d’autres formations pourraient soutenir pour la présidentielle, il écarte les élections sénatoriales où son parti n’a pas fait acte de candidature car ce scrutin était « largement perdu d’avance […] même sans fraude » pour un parti comme le MRC qui ne compte que 19 conseillers municipaux sur un total de 10 626 à l’échelle nationale.
Comme « base de négociation », il propose donc uniquement les élections qui ne sont pas « largement perdues d’avance », à l’instar des municipales et des législatives. Mais très curieusement, il ne s’agit pas des dernières municipales ni des dernières législatives ; mais des futurs scrutins : « Après les municipales et les législatives, on verra qui est qui », a-t-il fanfaronné en tordant le cou aux fondamentaux de la démocratie pluraliste. Les éminents politologues nous expliqueront peut être un jour comment on peut mesurer le poids politique d’un pari politique sur la base des élections qui pourraient se tenir dans deux ou trois ans.
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Se souvenant qu’aux dernières municipales, son parti politique n’a pas pu conquérir une seule mairie sur 360, et s’est retrouvé avec un député isolé dans un hémicycle peuplé de 180 députés, il prône ouvertement le tripatouillage du calendrier électoral dans un sens (l’anticipation) à des fins politiciennes tout en se braquant comme d’habitude contre toute idée de report des municipales et des législatives, alors même que ce scénario semble de plus en plus s’imposer dans le contexte actuel : « le pouvoir aurait dû […] anticiper de quelques mois les élections municipales et législatives et organiser les élections régionales avant d’organiser les sénatoriales », s’est-il lamenté. Dans un rare accès de sincérité non moins pathétique, il confesse enfin que la défaite cuisante du MRC aux municipales de 2013 s’explique parce que « le MRC […] n’avait pu présenter des listes que dans un petit nombre de circonscriptions en raison de son très jeune âge ».
On est loin des cris d’orfraie à la fraude qu’il poussait à pleins poumons au lendemain des municipales et législatives de 2013, en imputant ses échecs répétés aux manœuvres du pouvoir.
« La vérité finit toujours par triompher » disait Shakespeare… A titre de rappel, en 2013, le MRC n’a pu se présenter que dans 17 circonscriptions sur 360 pour les municipales, soit 4,72% de présence et dans 7 circonscriptions sur 85 pour les législatives, soit une présence dans 8,23% des circonscriptions, les candidatures aux législatives étant plus faciles à monter que celles des municipales pour lesquelles il faut d’abord être capable de rassembler entre 25 et 61 candidats par commune.
Il se fonde certainement sur les mensonges de ses délégués régionaux et départementaux qui gonflent artificiellement les chiffres des adhésions pour lui soutirer une partie de l’argent accumulé grâce aux marchés publics du ministère de la Justice (du temps où il y officiait comme ministre délégué) et une partie de l’argent gagné en défendant le fils du président Obiang Nguema pour se rêver obstinément challenger du RDPC dans toutes les circonscriptions des municipales et des législatives, moins pour gagner que pour supplanter le SDF.
Le commentateur d’un journal proche du MRC ne s’y est pas trompé, en relevant que « [p]our nous, le MRC est en passe de devenir la deuxième force politique du Cameroun, devant le SDF. Voilà pourquoi les prochaines échéances seront déterminantes dans la redistribution des cartes au sein de l’opposition camerounaise ».
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En clair, en invitant le « député de la Nation » Joshua Osih à se rallier à son cheval blanc, Maurice kamto invite le candidat du SDF à l’aider à saborder la gigantesque machine électorale du SDF qui porte sa candidature. Réussira ? Réussira pas ? Pas besoin de sortir de la cuisse de Jupiter pour deviner l’issue.
Après avoir affirmé que la guerre contre Boko Haram « n’était pas celle du Cameroun ».
Quand Boko Haram enlève des Occidentaux à l’Extrême Nord, est-ce le tourisme du Nigéria qui est attaqué ? Lorsque Boko Haram enlève des chinois qui travaillent dans les grands chantiers, est-ce l’économie asiatique qui est attaquée ? Porté par l’ivresse d’une ambition présidentielle dont il perçoit de plus en plus clairement qu’elle ne sera pas assouvie en 2018 et que beaucoup savent illusion, il ne cache pas sa sympathie active pour ceux qui, au Nord-Ouest et Sud-Ouest, utilisent les mêmes méthodes que Boko Haram qu’il qualifie pourtant de « barbares des temps modernes ». Il qualifie ainsi de « paisibles populations » ceux qui terrorisent les habitants des deux Régions anglophones en incendiant marchés, commerces et domiciles, en attaquant commissariats de police, brigades de gendarmerie et casernes de militaires, les armes à la main.
Puisqu’il ne cesse de dénoncer ce qu’il considère – à tort – comme « la militarisation des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest », ce qui signifie que les forces de sécurité qui y sont déployées ne sont pas nécessaires, il aurait assurément été plus cohérent s’il prouvait aux uns et aux autres qu’il est lui-même convaincu de ses dires en organisant le congrès de son parti politique dans l’une de ces Régions, de préférence à Batibo.
Mais tout n’est pas perdu. Ses thuriféraires et lui-même affirment que le MRC n’est pas un parti tribal, et qu’il est « véritablement implanté » dans les dix Régions.
D’où le titre « Deuxième convention du MRC : mobilisation générale », lu dans un autre quotidien, qui s’abstient toutefois de préciser qui Maurice Kamto a véritablement mobilisé à Yaoundé. On a aussi lu ici ou là que « l’un des plus grands contingents de cette convention venait du septentrion ». Or, le « septentrion » correspond à trois Régions. Ce qui signifie que les trois Régions du « septentrion réunies » (L’Adamaoua, le Nord et l’Extrême-Nord) n’ont pas réussi à former le plus grand contingent. Cet ensemble formait seulement « l’un des plus grands contingents de cette convention ». Quel était donc le plus grand contingent ? Dès lors qu’en sociologie, on raisonne par typicalité et par dominance, il serait honnête de nous dire qui formait le plus grand contingent des 2700 participants (délégués, militants, sympathisants, invités et curieux) aperçus au Congrès du MRC des 13-15 avril.
Plusieurs observateurs qui n’ont pas la mémoire courte se souviennent parfaitement que candidature de Maurice kamto à la présidentielle de 2018, pompeusement présentée ces derniers jours comme une décision démocratique du congrès de Yaoundé, n’est qu’une manière de pomponner ce qui a été décidé « au village », à Bafoussam. Le président du MRC s’était en effet fait annoncer comme candidat à la présidentielle de 2018 depuis deux ans et demi, c’est-à-dire trois bonnes années avant l’échéance, par le chef de son parti à l’Ouest, sa Région d’origine. Ce qui est présenté par la presse thuriféraire comme une révélation est donc un non-événement absolu.
Ce non-événement renseigne toutefois sur la Manière dont le Cameroun dont rêve Maurice Kamto sera géré…
Quoi qu’il en soit, puisque Maurice Kamto considère par ailleurs qu’un vrai dirigeant n’a pas besoin de protection dans son pays et qu’« il est vain de recourir à l’armée » au Nord-Ouest ou du Sud-Ouest, il serait plus cohérent s’il décide d’organiser le prochain meeting de son parti politique dans l’une de ces deux Régions, sans escorte et sans dispositif de sécurité, au milieu de ceux dont il semble si bien comprendre le recours aux armes contre la République.
En déclarant que « la résolution de cette crise sera l’une de [ses] premières actions » au cas hautement improbable où il deviendrait le troisième président du Cameroun, il atteste son espoir de la voir perdurer jusqu’à la présidentielle, dévoilant son visage de « pêcheur en eaux troubles ».
L’on voit bien que, dans ses discours prononcés et dans les interviews accordées au cours du Congrès de son parti politique, Maurice Kamto a surtout sombré dans les marécages de l’outrance verbale gratuite, à la manière d’un certain Célestin Monga des années de braise, en lieu et place de l’argumentation méthodique et du projet politique clair et précis que certains espéraient d’un universitaire de son rang ».