Le 27 octobre 2022, Elon Musk a pris le contrôle de Twitter pour 44 milliards de dollars US, avec l'objectif de faire de l'application "une place publique numérique".
Depuis, M. Musk a dissous les équipes chargées de la confiance et de la sécurité, annulé les interdictions imposées à des titulaires de comptes controversés, supprimé les étiquettes informant les utilisateurs que des comptes étaient associés à des gouvernements étrangers ou à des organes de propagande, et censuré des journalistes avant de les réintégrer à la suite de critiques publiques.
En septembre, l'UE a adressé un avertissement à Elon Musk pour qu'il prenne des mesures contre la propagande russe, les discours haineux et d'autres formes de désinformation sur sa plateforme, après qu'un rapport a révélé que X présentait le taux le plus élevé de messages de désinformation parmi toutes les grandes plateformes de médias sociaux.
Trois jours après le déclenchement de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre, l'équipe de sécurité de X a déclaré qu'il y avait environ 50 millions de messages sur le sujet, les vérificateurs de faits de l'application se sont empressés de signaler les messages avançant des informations fausses ou non fondées sur le conflit.
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BBC Verify a identifié de nombreux messages sur l'application, qui promeuvent des affirmations fausses ou trompeuses sur le conflit.
X fait désormais l'objet d'une surveillance accrue de la part des régulateurs européens et des annonceurs mondiaux, qui s'inquiètent des conséquences potentielles sur le monde réel d'une mauvaise gestion des fausses informations par une plateforme influente.
Avant d'acquérir Twitter, M. Musk avait reproché à la plateforme de limiter la liberté d'expression en supprimant certains contenus et d'avoir un parti pris politiquement libéral. Le magnat originaire d'Afrique du Sud a maintenu sa position d'"absolutiste de la liberté d'expression", promettant d'améliorer les produits de X pour lutter contre la désinformation.
Voici quelques-uns des changements les plus importants apportés à X depuis son rachat, ainsi qu'un aperçu de la manière dont l'application démantèle la désinformation.
Twitter devient X
En juillet 2023, Twitter est devenu X. Avec ce changement de nom, Elon Musk a ouvertement déclaré son ambition de transformer la plateforme en une "application pour tout". Devenir une plateforme unique fonctionnant comme WeChat en Chine : permettre aux utilisateurs d'accéder à de multiples services tels que les paiements mobiles, la livraison de nourriture, les transports et les offres d'emploi, le tout sur une seule et même plateforme.
Dans une interview accordée à la BBC, le 12 avril, Elon Musk a déclaré que l'exploitation de X se déroulait "raisonnablement bien". Le site avait atteint un taux d'utilisation record de plus de 540 millions en juillet 2023, contre 229 millions d'utilisateurs actifs mensuels en mai 2022, a-t-il indiqué par la suite.
Mais lors d'une conférence technologique en Californie en septembre, l'actuelle PDG de X, Linda Yaccarino, a déclaré que l'entreprise comptait 225 millions d'utilisateurs actifs quotidiens, soit une baisse de plusieurs dizaines de millions ou de 11,6 % par rapport à la période précédant l'acquisition de l'entreprise par M. Musk.
Auparavant, les ventes de publicité représentaient près de 90 % des revenus de l'entreprise. Mais après avoir modifié les règles de modération des contenus, les annonceurs ont été effrayés par la montée des discours haineux, de la pornographie et des contenus incendiaires, et ont réduit leurs dépenses.
X enregistrant désormais une perte de près de la moitié de ses recettes publicitaires, le rêve d'Elon Musk d'une super-application semble bien loin.
X Premium
Les coches bleues "vérifié" de l'application, autrefois très convoitées, qui signifiaient auparavant qu'un compte était authentique, sont désormais accessibles à tous moyennant un abonnement mensuel de 8 dollars (environ 4 964 francs CFA). Les messages des utilisateurs de X Premium sont traités en priorité par l'algorithme de la plateforme, de sorte qu'ils apparaissent de manière plus visible dans les fils d'actualité des utilisateurs. En conséquence, les gens sont exposés à la désinformation partagée par des comptes gérés par de mauvais acteurs qu'ils ne suivent pas et qu'ils n'auraient peut-être pas vus auparavant.
Après qu'Elon Musk a mis en place la nouvelle fonction de coche payante, des dizaines de comptes ont été suspendus pour avoir diffusé des informations erronées et s'être fait passer pour des utilisateurs officiels, des athlètes et des journalistes. Désormais, le seul moyen de faire la différence entre les comptes vérifiés réels et les comptes vérifiés payants est de cliquer ou de tapoter sur la coche bleue d'un utilisateur. Sur les pages des comptes officiels, on peut lire : "Ce compte est vérifié parce qu'il est remarquable dans les domaines du gouvernement, de l'actualité, du divertissement ou d'une autre catégorie désignée", tandis que sur les pages des comptes payés par des utilisateurs réguliers, on peut lire : "Ce compte est vérifié parce qu'il est abonné à X Premium".
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Peu de temps après, Musk a également annoncé un partage des revenus permettant aux créateurs de X Premium d'être rémunérés pour les publicités affichées dans leur fil de discussion. En août 2023, X a déployé le premier bloc de paiement d'environ 5 millions de dollars à des créateurs en Afrique. Mais dans un monde où les mauvaises informations ont un attrait de clic conçu pour déclencher une réponse émotionnelle, cela pourrait conduire à une augmentation des messages nuisibles.
Bien qu'il y ait une incitation financière évidente pour X à faire payer ses utilisateurs, Elon Musk a insisté sur le fait que faire payer les gens pour le service visait à réduire le spam, la manipulation de la plateforme et l'activité des robots.
Mais selon une nouvelle étude de Newsguard, une société qui évalue la crédibilité des sites d'information et de nouvelles, environ 74 % des messages les plus viraux véhiculant des informations erronées sur la guerre entre Israël et le Hamas au cours de la première semaine du conflit ont été partagés par des comptes vérifiés à la coche bleue.
Modération du contenue
Avant de quitter son poste de PDG, M. Musk a licencié plus de la moitié des 7 500 salariés de Twitter, y compris les employés chargés de retirer les contenus nuisibles.
Près d'un an plus tard, les employés licenciés sans ménagement du bureau africain de l'entreprise au Ghana n'ont toujours pas reçu d'indemnités de départ. Cette situation a laissé un vide dans la modération des messages, en particulier pour les contenus en langue étrangère, mieux compris par la main-d'œuvre africaine.
Depuis que l'entreprise a été privatisée, Elon Musk a eu du mal à dire avec précision comment il comptait modérer efficacement la plateforme, mais il a déclaré que sa nouvelle entreprise d'intelligence artificielle, xAI, utiliserait les tweets publics comme un ensemble de données pour former son algorithme.
À l'approche des élections nigérianes de février dernier, l'unité Verify de la BBC s'est entretenue avec de nombreux influenceurs qui ont révélé la pratique répandue consistant à recevoir des paiements de la part de partis politiques pour diffuser de la désinformation sur X et d'autres plateformes de médias sociaux. L'enquête a également révélé comment des sujets de discorde tels que les différences religieuses, ethniques et régionales ont été exploités pour diffuser de faux récits sur certains candidats.
À la suite du coup d'État perpétré au Niger à la fin du mois de juillet, des informations erronées semblant promouvoir des sentiments anti-français et pro-russes ont été largement partagées sur la plateforme, ce qui a aggravé les tensions. Il y a également eu plusieurs cas d'affirmations sans fondement sur la présence de mercenaires du groupe russe Wagner au Niger.
Notes de la communauté
Presque immédiatement après avoir pris le contrôle de Twitter à la fin du mois d'octobre 2022, Elon Musk a rebaptisé la fonction de vérification des faits par la communauté (lancée à l'origine sous le nom de Birdwatch) en "Community Notes", affirmant que le système avait "un potentiel incroyable pour améliorer l'exactitude de l'information".
Cette fonction permet aux contributeurs approuvés d'ajouter des notes qui fournissent un contexte plus approfondi aux messages viraux potentiellement trompeurs. Si un nombre suffisant de contributeurs jugent la note utile, elle sera affichée publiquement sur le message. Les contributeurs n'ont pas besoin d'être des experts vérifiés, et tout utilisateur qui postule et est approuvé en tant que contributeur peut écrire une note.
Les critiques soutiennent que cette approche pourrait être manipulée par des groupes extérieurs qui pourraient coordonner les notes qui sont évaluées à la hausse ou à la baisse. Des sources affirment également que la fonction est remplie de luttes intestines et de désinformation, et qu'il ne semble pas y avoir de réelle surveillance de la part de l'entreprise elle-même.
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Selon Newsguard, si les notes de la communauté sont apparues sur la majorité des messages de désinformation concernant la guerre entre Israël et le Hamas, elles ont été "appliquées de manière incohérente aux principaux mythes liés au conflit" au cours de la première semaine et n'ont pas été appliquées aux messages contenant des informations erronées dans 68 % des cas.
Dans un message évalué par BBC Verify, une vidéo identifie faussement un nouveau gisement de pétrole au Niger ; elle est accompagnée d'une note de la communauté qui indique à tort que le gisement de pétrole se trouve en fait en Arabie Saoudite et renvoie à une vidéo postée sur YouTube Shorts, le 5 août. Un utilisateur X qui consulterait la note de la communauté croirait innocemment que le champ pétrolifère se trouve en Arabie Saoudite, et que la fausse affirmation selon laquelle il se trouve au Niger a été démentie avec succès. Cependant, il existe des preuves solides que la vidéo a été publiée à l'origine sur TikTok, le 1er août, et qu'elle montre en fait un champ pétrolifère en Libye.
Conclusion
L'Union européenne (UE) a récemment adressé une "demande formelle d'informations" à X afin de vérifier si elle respecte les lois visant à protéger les utilisateurs, en déclarant que la plateforme n'avait toujours pas supprimé les "contenus violents et terroristes" publiés depuis le début de la guerre entre Israël et Gaza.
M. Musk a répondu en disant : "Notre politique est que tout soit ouvert et transparent, je sais que c'est une approche que l'UE soutient."
Le vieil adage selon lequel un mensonge peut parcourir la moitié du monde avant même que la vérité n'ait fait ses lacets est tout à fait approprié ici. Bien que les notes puissent corriger les messages trompeurs en fournissant un contexte supplémentaire, c'est un processus qui peut prendre du temps, et le message original aura eu un impact négatif bien avant qu'il ne puisse être vérifié. Malheureusement, les vidéos fausses ou trompeuses deviennent souvent virales plus rapidement que les vérificateurs de faits ne peuvent les démystifier ou que les plateformes ne peuvent les supprimer.
Un public vacciné contre les fausses nouvelles
L'un des principaux défis posés par les fonctions de notes réside dans le temps nécessaire pour créer des communautés de contributeurs de confiance issus d'horizons divers, parlant couramment plusieurs langues et possédant une expertise spécifique ou ethnographique. Bien que les notes ne remplacent pas une modération correcte du contenu, si le système améliore ses processus de vérification, elles pourraient constituer un élément d'une approche multidimensionnelle de la lutte contre la désinformation. Il s'agit d'une tâche qui nécessite non seulement de supprimer les pages et les messages trompeurs, mais aussi de les devancer, en fournissant au public un contexte important et susceptible de l'éduquer et de le vacciner à l'avance contre les fausses nouvelles - un processus parfois appelé "prebunking" par les vérificateurs de faits.