C’est une lettre du Pr Jean Emmanuel Pondi relayée par le lanceur d’alerte Boris Bortolt. L’auteur a fréquenté avec la défunte.
A l'école primaire du centre administratif, pour avoir partagé la même année de naissance que toi,1958, nous avons eu la joie de fréquenter les mêmes écoles, les mêmes salles de classe, animées par les mêmes maîtres et maîtresses.
Nous avons également connu ou subit les mêmes camarades de classe. Du haut de nos six ans, tu te démarquais déjà par ton tempérament calme, attentionné et ouvert aux autres enfants.
Bien qu'habitant à un jet de Pierre de notre école, pas un seul jour tu ne fis la moindre allusion à ta résidence qui était en fait, la première de la République. Jamais tu ne laissa échapper le moindre mot sur les habitants de cette somptueuse et grandiose demeure que tout le monde connaissait pourtant par la magie des médias de l'époque (Radio, presse écrite et dans les salles de cinéma surtout, « Cameroun Actualités »).
Après l'obtention de nos certificats d'études primaires réussis dans un même élan (personne n'échoua cette année 1969 dans notre classe du CM2) nous nous transportâmes fièrement vers le Lycée Général Leclerc, pour affronter d'autres réalités de notre pays et de notre époque. Ton arrivée dans ces lieux gigantesques fit sensation. Mais toujours égale à toi-même, tu fis semblant de ne pas t'en apercevoir.
Le destin nous plaça, une fois de plus, dans une même salle de classe de sixième en troisième. En ces temps là, aucune classe du LGL ne recevait plus de 25 élèves. Tu donnais toujours l'impression de tout faire pour ne pas te faire remarquer de quelque manière que ce soit : Quelle humilité dans le comportement.
Au Lycée à cette époque à Yaoundé, -cette abréviation renvoyait automatiquement au Lycée Leclerc, bien qu'il y eut d'autres établissements tels que le Lycée Bilingue ou le Lycée Technique des jeunes filles de Yaoundé, - beaucoup d'élèves et d'enseignants s'assignaient comme « mission » de croiser ton chemin, pour vérifier par eux-mêmes si ce qui se disait de ta ressemblance avec le Premier Magistrat Camerounais de l'époque était vrai.
Mais comme souvent, tu ne semblait accorder aucun crédit à ces jeux d'enfants pourtant parfois exécutés par des adultes.
Nos chemins d'élèves plutôt studieux se sont séparés quand j'ai dû rejoindre le Chef de ma famille, appelé à occuper un poste de Chef de Mission Diplomatique dans un grand pays d'Afrique de cette époque..., par Décret Présidentiel en 1972.
Nous nous sommes par la suite revus à Londres à plusieurs reprises quand, accompagnée de ton époux Boubakari, tu nous faisait rire en esquissant quelques imitations fort réussies de certaines personnalités.
Alors nous nous rappelions des temps heureux de notre enfance commune avec Caroline, ton inséparable « sœur jumelle » de l'Ecole du Centre et ensuite du Lycée.
Tu m'as dit par la suite que tu avais choisi de faire des études de médecine.
Mais contrairement à ce que l'on aurait pu s'attendre à voir (et malgré l'insistance de beaucoup de bien pensants), tu as opté pour des études supérieures à Yaoundé, au Cameroun.
Pour donner l'exemple ? Très certainement, parce que ton niveau intellectuel était très bon et pouvait te valoir une admission partout où tu l'aurais souhaité.
L'honnêteté intellectuelle m'amène à reconnaître que pendant nos années passées ensemble dans les salles de classe, les filles (que nous accompagnions finalement) avaient presque toujours de bien meilleures notes que nous les garçons. De grâce, ne me demandez surtout pas pourquoi.
Les vicissitudes de la vie t'ont amené à faire ta spécialité en pédiatrie à Dakar, au Sénégal, et à y résider de façon permanente. Malgré cet éloignement, à chaque événement important qui a marqué ta vie, je me suis efforcé de toujours me rappeler à ton bon souvenir.
Aujourd'hui, en 2023, qui l'eût crû, tu nous a précédé chez Dieu notre Père Céleste.Tu es partie comme tu as vécu : dans la discrétion, la rectitude morale et le respect des autres, en suscitant l'admiration de toute notre génération, dont tu fût, sans aucun doute, l'une des plus belles, des plus fines et des plus inoubliables fleurs. Va, ma sœur bien aimée, puisque Dieu en a décidé ainsi, précède nous dans la félicité.