Emouvante lettre adressée à David Eboutou et Patrick Sapack

DAVID EBOUTOU ET PATRICK SAPACK Ils doivent comparaitre aujourd'hui

Fri, 1 Dec 2017 Source: www.camerounweb.com

Alorsqu'ils doivent comparaitre au tribunal pour être jugé, une lettre aux alluresd'adieux leur a été adressé.

Mes chers jeunes compatriotes,

Demain, à votre audience, je ne serai pas là.

J'ai préféré vous écrire cette lettre ouverte au lieu d'une visite à la prison centrale parce que je suis actuellement hors du Cameroun. Je ne violerais pas le secret professionnel parce qu'elle sera aussi une mise au point à l'intention de tous nos compatriotes qui nous soutiennent dans ce procès et à ceux qui viennent souvent très nombreux à vos audiences et qui me chercheront des yeux à l'audience de demain vendredi 1er décembre 2017, si elle aura effectivement lieu.

Mes chers David et Patrick, vous le constaterez, je ne serai effectivement pas à vos côtés demain, pour continuer à dénoncer la honteuse injustice dont vous êtes victimes de la part de la justice de mon pays.

J'avais accepté d'assurer votre défense dans cette affaire parce que je croyais au fond de moi à la justice du Cameroun. Je croyais que devant cette justice, on pouvait se défendre avec le droit. Mais hélas ! Aujourd'hui, j'ai compris que c'est un risque inutile de croire en elle. Pourtant, J’avais appris que la justice c'est 1 plus 1 égal 2.

Je suis arrivé au Cameroun au mois de juin 2017 à la veille des vacances judiciaires en France. C'était une bonne occasion pour moi de me consacrer entièrement à votre défense. J'y suis resté 05 mois dans l'espoir que je participerais et vivrais aux côtés d'autres confrères à votre libération.

Car il faut bien que les camerounais le sachent d’emblée, vous êtes détenus à la prison de Kondengui à Yaoundé sans un titre de détention comme l'exige la loi camerounaise.

Cette loi camerounaise dit que pour être détenu à la prison et dans l'attente du jugement, il faut UN MANDAT DE DETENTION PROVISOIRE. Curieusement, dans votre cas, il n’y a pas de mandat de détention provisoire, car, celui qui vous avait été décerné et qui doit autoriser le régisseur à vous garder en prison en attendant d'être jugé est arrivé à expiration depuis le 23 décembre 2016.

Depuis pratiquement une année, chers jeunes compatriotes, vous êtes détenus illégalement à prison centrale de kondengui à Yaoundé. Dans ce cas, on parle de SEQUESTRATION. Vous êtes séquestrés sans que cela n'émeuve pas nos juges. Vous êtes devenus la propriété de cette justice qui fait de vous ce qu'elle veut au mépris de la loi qu'elle est censée appliquer. Pourtant cette justice sait bien que la constitution du Cameroun et les accords et traités ratifiés par le Cameroun notamment les Articles 9 du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques, disposent que :

Article 9

" Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs, et conformément à la procédure prévus par la loi."

Vous êtes, chers petits-frères, détenus arbitrairement aux yeux de tous et à la barbe de la république et des camerounais qui ont beau dénoncé cette scabreuse situation.

Malgré la requête écrite adressée à Monsieur le procureur général de la Cour d'appel du Centre , que j'ai en sus, rencontré personnellement , et bien qu'il reconnaissait la pertinence de cette demande de levée d'écrou du fait de la fin légale et judiciaire de votre détention provisoire, montrera beaucoup de peine à vous libérer.

Par la suite, mes confrères et moi avions introduit une procédure en habeas corpus en français libération immédiate prévue par le législateur qui permet de libérer des personnes sans un titre de détention comme c'est votre cas. Madame la juge du tribunal de grande Instance en charge de cette procédure, nous déboutera. Je vous passe de tout commentaire. Ce que je sais, jusqu’à mon départ du Cameroun, elle n'avait toujours pas signé la décision pour nous permettre de relever appel pour manque de base légale de sa décision. Or, la loi prévoit l'urgence en matière d'appel en matière d'habeas corpus. Je me rappelle que vous avez même décidé de ne plus vous présenter devant cette juge parce que sa décision était déjà connue.

Devant le tribunal de première instance qui juge du fond de l'affaire, après plus de 13 mois sans ouverture des débats, nous avons pu obtenir un semblant de début de procès pour retomber sur ces renvois comme celui de la dernière audience qui a fait exploser en pleurs la grand-mère de David. Les lamentations accompagnées de grosses larmes de cette femme âgée on fendu le cœur de l'assistance quand elle s'est écriée en sa langue : " Mon petit-fils va-t-il mourir dans cette prison ? Qu’a-t-il fait pour mériter ça “. Il faut rappeler que cette femme âgée quitte à chaque procès son village enclavé dans le sud profond pour venir assister son petit-fils. Quand j'avais vu les larmes de cette personne âgée sur ce tribunal, je me suis rappelé les larmes de Jésus sur Jérusalem qui opprimait ses enfants. Et la suite on la connaît. Jérusalem fût dévasté en l'an 70 après Jésus-Christ par l'empereur Titus de Rome.

En 5 mois, c’est-à-dire du mois de juin au début du mois de novembre 2017, nous avons assisté à 2 changements de juges et à la désignation de 2 collégialités !!!!!! Soit 4 compositions différentes de tribunal. Du jamais vu depuis plus de 21 ans d'exercice professionnel. Et tout ça pour une affaire de délit et non de crime.

A l'audience du mois d'octobre 2017, alors que la partie civile Amougou Belinga représentée par ses Avocats reconnaissait publiquement n'avoir jamais produit une fausse facture, laquelle d'ailleurs était le fondement de sa plainte en faux en écriture privé et de tentative d'escroquerie contre vous ; et que la loi prévoit dans ce cas d'absence de preuves, que vous soyez relaxés purement et simplement, le tribunal trouvera néanmoins qu'il y avait encore des charges suffisantes contre vous!!!!!! Lesquelles ? Dieu seul sait qu'elles n'existent plus dans ce dossier devenu vide. Je dis bien vide.

Le procès devait s'arrêter ce jour-là.

Les Camerounais doivent savoir qu'il n’y a plus aucune preuve contre David Eboutou et Patrick SAPACK dans ce dossier. Le dossier est vide, je dis vide. Amougou Belinga le plaignant s'était appuyé sur une fausse facture pour accuser David et Patrick de faux et tentative d'escroquerie. Lui-même par ses Avocats a dit au tribunal qu'il ne reconnaissait pas avoir produit cette pièce. Elle a donc été écartée du dossier.

Et là c'était la main de Dieu, car la justice c'est Dieu.

Curiosité des curiosités, faute de preuves contre eux, à cette audience du mois d'octobre et alors que Monsieur Amougou Belinga avait rejeté son élément de preuve, le tribunal décidera de demander à David EBOUTOU de rapporter maintenant la preuve de son innocence!!!!!!!

C'est le motif de renvoi de cette affaire jusqu'à ce jour. C'est terrible .Or le code de procédure pénale du Cameroun est clair . C'est à la personne qui porte plainte de produire les preuves de la culpabilité des personnes qu'il accuse. Mais dans mon pays, on demande à David EBOUTOU qui est poursuivi par une partie civile de produire les preuves pour être relaxé. J'avais failli cesser ma participation à cette audience ce jour-là.

Chers compatriotes, devant une justice sourde à mes multiples rappels au respect de la loi dont tous les acteurs judiciaires sont esclaves, à quoi servirait donc un Avocat? Serions-nous encore à mesure d'exercer librement notre mission de défense si la loi n'est pas la règle du jeu ?

Je refuse de jouer les comédiens. Je ne suis pas venu participer à un procès où la règle de droit n'est pas au cœur de la procédure. En quoi consisteront donc les plaidoiries d'Avocat si les oreilles des juges sont réfractaires à leur demande d'application de la loi ?

Je refuse d'être une couverture pour ce procès que je juge de kafkaïen.

Assisterais -je à cette condamnation de 02 ans de prison qui ne me surprendrait plus pour des personnes qui n'ont rien fait et sur lesquelles ne pèsent plus de charges après le rejet de la fausse facture? Non, JE REFUSE. JUGEZ CES INNOCENTS SANS MOI. JE M'en remets au tribunal de DIEU. J'ai fait mon travail. J'ai démontré aux côtés d'autres confrères que David et Patrick sont innocents. J'ai plaidé. Ce n'est pas à moi de rendre justice, mais aux juges. C'est maintenant de leur responsabilité de libérer ces innocents.

Mes chers David et Patrick à la veille de cette audience, je vous remets entre les mains de ce Dieu que je proclame aux hommes. Si loin de vous, je n'ai plus que mes prières tout en rappelant à ceux qui vous jugent que Dieu a horreur de la balance fausse et qu'ils sont avant tout des serviteurs de Dieu et non des hommes. Les hommes passeront, les forts et les puissants passeront, les patrons passeront, les ministres et les Directeurs passeront, les instructions passeront, les tribunaux noirs passeront, mais nous resterons tous devant le tribunal de Dieu avec nos œuvres.

IL EST ECRIT :

" Le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains; car ce n'est pas en vain qu'il porte l'épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal. Les magistrats sont des ministres de Dieu entièrement appliqués à cette fonction. " Romains 13 : 4

"Tu ne porteras point atteinte au droit du pauvre dans son procès. Tu ne prononceras point de sentence inique, et tu ne feras point mourir l'innocent et le juste; car je n'absoudrai point le coupable." Exode 23:7.

"Tu ne commettras point d'iniquité dans tes jugements: tu n'auras point égard à la personne du pauvre, et tu ne favoriseras point la personne du grand, mais tu jugeras ton prochain selon la justice." Lévitique 19 : 15.

"Il n'est pas bon d'avoir égard à la personne du méchant, Pour faire tort au juste dans le jugement." Proverbes 18:5.

" Malheur à ceux qui prononcent des ordonnances iniques" Esaie 10:1.

David, Patrick, je ne serai pas là demain , mais Dieu sera avec vous.

Votre Bien dévoué.

Source: www.camerounweb.com