Le commerce très rentable des ossements ‘ humains, et le trafic des êtres humains, font de la ville un grand marché noir dans la sous-région Afrique centrale.
1- Un cimetière, toutes les tombes profanés.
Le trafic des ossements humains est aussi vieux que le monde. Mais c’est «en 2019 qu’on a les premières informations concernant le commerce des ossements humains à Kyé – Ossi», révèle un habitant de la ville de la Vallée du Ntem dans la région du Sud au Cameroun.
Eric N. informe également que c’est en 2020, lors de la survenue du Covid-19, que les populations se rendent compte que le trafic des ossements humains avait déjà bien pris de l’ampleur et s’était fortement développé. «On a découvert qu’un corps avait été désossé huit semaines à peine après avoir été mis sous terre», raconte-t-il.
A l’en croire, la personne décédée avait été inhumée dans les délais prévus par les contraintes de la religion musulmane. Certains membres de la famille du défunt sont venus du grand Nord du Cameroun quelques semaines plus tard après son inhumation. N’ayant pas pu prendre part aux obsèques de leur proche, la famille a décidé de se recueillir sur la tombe du défunt.
Arrivés au cimetière municipal de Kyé-Ossi, les membres de la famille du disparu découvrent malheureusement que la tombe de leur proche a été profanée. «La façon dont les lambeaux de chair étaient disposés au sol montre que les gars n’ont même pas attendu quêta dépouille soit complètement en décomposition.
Ils ont arraché toutes les chairs de son squelette et sont partis avec les os au malheureux», indique une habitante. «C’est quand les autorités sont descendues sur le terrain qu’on constate et découvre que toutes les tombes du cimetière municipal sont vides!!!», s’écrie Éric N.
Sophie A., quant à elle, affirme que «cet acte a incité et motivé des familles éprouvées à inviter des imams, des marabouts, des charlatans… au cimetière de Kyé-Ossi. Ceux-ci procédaient à des rites de toutes sortes en guise de vengeance et de malédiction… à l’endroit des profanateurs».
Depuis l’ouverture des enquêtes policières sur la profanation des tombes du cimetière municipal de Kyé-Ossi, la ville aux trois frontières (Cameroun-Gabon-Guinée Équatoriale) fait partie à’«un vaste réseau de trafic des ossements humains dans la sous-région».
Business
Kyé-Ossi, «ville de business», devenue le marché noir des ossements humains, a attiré beaucoup de trafiquants. D’après des indiscrétions, plusieurs personnes, surtout des jeunes, se sont lancées dans cette activité. «Douala, Yaoundé, Foumban…» sont les villes d’approvisionnement ou de livrai-’ son de ces marchandises d’un autre genre.
D’après certains habitants de Kyé-Ossi, les jeunes, en majorité, sont devenus très «entreprenants» dans cette activité. La ville n’était plus seulement le lieu où s’approvisionnaient les trafiquants. Eric N. dévoile qu’«ife allaient désormais se ravitailler dans des villages voisins, également dans d’autres villes du Cameroun et ont infiltré les villes du Gabon et de la Guinée Équatoriale».
Un «businessman» vivant à Kyé-Ossi dévoile que : «une fois qu’une activité devient rentable, tout le monde, c’est-à-dire les personnes en quête d’argent facile, s’y jette». Quelqu’un d’autre déclare que «le trafic des ossements humains s’est retrouvé si prisé et si évalué à cause de la chute des activités du «calling-calling», paralysées en partie par le Covid-19».
Il explique que cette pandémie a freiné des mouvements physiques à cause du confinement imposé par les gouvernements des pays. De fait, il était devenu difficile pour les «Calling-cal-ling» de commander des marchandises. «Repliés dans leurs maisons, leurs contacts coupés, ces arnaqueurs par téléphones mobiles se sont reconvertis dans le trafic des ossements humains», témoigne Éric N.
Outre la crise des «Callingcalling», l’informateur avoue que ce trafic des ossements humains s’est également développé du fait de l’offre d’achat hautement élevée au Gabon et en Guinée Équatoriale. Au Cameroun, l’offre d’achat est faible, Sinclair B., un ex-«Calling-calling», confie : «ce que je sais, dans des indiscrétions, un corps entier, donc le tas d’os d’une personne, c’est-à-dire le crâne et les autres parties du squelette, est évalué à près de 30 millions de francs CFA… sur le marché noir camerounais». Suivant ses certitudes, «puisque ce tas d’os doit traverser les frontières, alors imaginez le prix au Gabon ou en Guinee Équatoriale… 40 à 50 millions de francs CFA !!!»
Complicité
«A Kyé-Ossi, on a constaté que des tombes ont été profanées mais personne n ‘a jamais été arrêté officiellement», accuse Éric N. Selon lui, si cela n’a pas été fait, c’est parce qu’il y a une complicité entre ces trafiquants et les pouvoirs publics. «Certainement, à cause au fait que les barbes sont mouillées de temps en temps, ce commerce illégal passe inaperçu. Pourtant, ce trafic est connu et su par tous dans cette ville.
La corruption est présente ici, sinon, cette affaire serait signalée et médiatisée», suppose-t-il. Il déplore 1e fait que les gens de tous bords $e font du beurre à Kyé-Ossi, peu importe l’activité. Pourvu qu’elle soit économiquement rentable. «Quand ils arrivent ici, ils veulent se faire de l’argent à tous prix. C’est la raison pour laquelle les pouvoirs sécuritaires préfèrent manger et s’essuyer la bouche».
2- Trafic des personnes
Les hors-la-loi de Kyé-Ossi versent dans un autre trafic parallèle : celui des êtres humains, particulièrement des enfants. En effet, Le trafic d’enfants est monnaie courante dans la ville des trois frontières. «On ne peut pas passer deux mois sans qu’un enfant disparaisse», confie Éric N. Sujet difficile à aborder, mais il est nécessaire d’écouter ce qu’en disent unanimement les habitants de cette partie du Cameroun.
Des parents ou des familles du Gabon et de la Guinée Équatoriale, en impossibilité de procréer, alimentent le trafic denfants à Kye-Ossi. «Ce n’est pas seulement au Gabon ou en Guinée Équatoriale. Il y a certaines villes du Cameroun qui viennent s’approvisionner à Kyé-Ossi ou c’est Kyé-Ossi qui va approvisionner ces villes», informe une coiffeuse.
Notre informateur confirme qu’«il y a eu des arrestations à Ebolowa et même jusqu’à Yaoundé. Il y a des enfants qui ont été kidnappés à Kye-Ossi et ont été retrouvés à Yaoundé. Il y a eu également des enfants venus de Yaoundé à Ebolowa qui ont été vendus au Gabon». Des gens affirment qu’une histoire similaire a été étouffée parce qu’un commissaire de la ville s’est retrouvé impliqué. Semblerait-il, «il serait toujours en poste U!»
Sécurité oblige
Même les enfants du secondaire ne sont pas épargnés par ces enlèvements. «H arrivé que les parents viennent se plaindre de la disparition de leurs enfants au lycée. Et après des heures de recherche, on retrouve soit une élève ou un élève quelque part», confie un enseignant. Des personnes adultes sont également victimes de kidnapping: «si une valise peut contenir quatre enfants, combien défais un adulte?», nous met en garde une vendeuse dans un bar au quartier administratif de Kyé-Ossi.
Des parents sont obligés d’emmener avec eux leurs enfants dans leurs lieux de travail. Deux enseignants par exemple avouent emmener leurs petits enfants au lycée et faire cours avec eux dans les salles de classe. «Mon frère! L’heure est grave! Tu vas prendre une nounou qui traverse la frontière avec ton enfant en moins de trente minutes.
Et tu perdras ton enfant pour toute une vie». Ils sont tous d’accord que les crèches à Kyé-Ossi ne peuvent pas être sollicitées. Les écoles du primaire sont avisées sur ce sujet. Ici, on s’intéresse à l’arrivée et au départ des écoliers au quotidien. «On doit avoir toutes les informations possibles : qui laisse les enfants ‘à l’arrivée à l’école? Qui vient les récupérer à la sortie?», renseigne un instituteur.
Un pasteur de l’église apostolique rencontré sur place avait déjà payé les frais de cette «disposition sécuritaire» par les écoles. Une de ses motos mise en service pour le transport des usagers l’avait fait écrouer dans une cellule pendant au moins une semaine. De fait, l’un des employés du pasteur, conducteur de moto, est allé chercher une petite fille à l’école.
Sur le chemin de retour à la maison de la fillette, une forte pluie s’annonce. Le conducteur d’engin à deux roues s’abrite en chemin avec l’enfant. Les parents de l’enfant n’ont pas attendu la fin de la pluie. À la recherche de leur petite fille, ils se rendent à l’école. Les responsables de l’école identifient la moto et son propriétaire. Malgré que le «motoman» a accompagné la petite fille saine et sauve chez ses parents après la pluie, le pasteur a subi toute sorte d’humiliation.
Les faits
Une histoire de kidnapping d’enfants reste encore fraîche dans la mémoire des habitants de la ville. Une infirmière relate. «Je suis jusqu’à présent surprise que ce soit une femme qui puisse faire ce genre de choses. En plus, elle maîtrisait bien ces enfants et entretenait de bonnes relations avec les parents de ceux-ci».
A en croire la jeune infirmière, la kidnappeuse «avait ramassé les enfants sur le chemin de retour de la maison à la sortie de l’école. Puis, elle est allée cacher les enfants dans un motel de la place et attendre patiemment l’heure de la livraison pour le Gabon».
Les quatre familles des enfants ont lancé les recherches. L’alerte a été donnée dans toute la ville. Une fouille systématique des véhicules, des maisons a été imposée par les forces de maintien de tordre. Les populations, aux aguets, se suspectaient et se surveillaient mutuellement.
«Quand elle sortait du motel avec les enfants dans une voiture pour aller à sa livraison, elle ne savait pas que la police contrôlait tous les véhicules. C’est ainsi qu’elle a été prise la main dans le sac, avec quatre enfants dans une valise. Trois des quatre enfants avaient déjà été étouffés», relate la jeune dame. Scène ahurissante, les populations n’ont pas laissé les policiers embarquer la «voleuse d’enfants». Elle a été sauvagement lynchée publiquement. Le motel qui abritait les enfants enlevés a été saccagé et brûlé à son tour.