Une enquête révélée par le lanceur d'alerte Boris Bertolt fait cas les dessous de la nomination d’André Essiane au poste de secrétaire général de l’Assemblée nationale. Cette affaire, qui a secoué les couloirs du pouvoir camerounais, est marquée par des manœuvres politiques et des manipulations surprenantes.
En février 2022, Cavaye Yeguie Djibril, le président de l’Assemblée nationale, s’est débarrassé de son précédent secrétaire général, Gaston KOMBA, avec lequel il ne s’entendait plus. Gaston KOMBA a été remplacé par Abdoulaye Douada, qui a assuré l’intérim en attendant la nomination d’un nouveau secrétaire général. Cavaye Yeguie Djibril souhaitait la confirmation de Douada, qu’il connaissait bien. Originaire de la région du Nord, Douada est également le beau-père de Cavaye.
Pendant cette période de tergiversation, les appétits s’aiguisent et les influences s’opposent et se neutralisent. Un événement avec de lourdes conséquences va se produire : le 28 août 2023, le directeur de cabinet de l’Assemblée nationale, Boukar Ibrahim, déclare à Tokombere dans l’Extrême-Nord : « J’ai dit à notre Père, pendant plus de vingt ans tu as donné les gros postes de l’Assemblée aux gens d’ailleurs, maintenant c’est le tour des enfants de Tokombere… nous avons arraché des mains d’un Anglophone de Mbengwi dans le Nord-Ouest… le poste de Conseiller Technique ». Tollé dans la République, les députés anglophones exigent son départ. Ils sont soutenus jusqu’à la présidence de la République.
C’est dans ce contexte que le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, reçoit une délégation des députés parmi lesquels le vice-président de l’Assemblée nationale Baoro Theophile et les questeurs Josua Oshi et Kamssouloum Abba Kabir. Il leur signifie les inquiétudes du chef de l’État et leur demande de transmettre à Cavaye Yeguie la demande du chef de l’État de limoger son directeur de cabinet, Boukar Abdourahim. Le président de l’Assemblée nationale est entre le marteau et l’enclume, car au même moment, il a demandé une rallonge budgétaire de deux milliards de FCFA et Ferdinand Ngoh Ngoh pose cela comme condition. Il faut trancher.
Boukar Abdourahim tente donc le tout pour le tout. Contre le secrétaire général de la présidence de la République, il recherche une profondeur auprès de son homologue du cabinet civil, Samuel Mvondo Ayolo. Les intérêts des deux convergent autour de la nomination d’Essiane comme secrétaire général de l’Assemblée nationale. André Noël Essiane, ancien maire de la commune de Sangmelima, est un intime du directeur du cabinet civil qui le propose alors au président de la République comme secrétaire général de l’Assemblée nationale.
En vertu de la séparation des pouvoirs, Mvondo Ayolo fait savoir au président de l’Assemblée nationale que le chef de l’État n’a aucune objection à la nomination d’André Noël Essiane comme secrétaire général de l’Assemblée nationale. Sauf que le premier opposant à Essiane est le président de l’Assemblée nationale lui-même, qui lance à l’un de ses visiteurs : « Je ne connais pas ce type dont on dit qu’il a détourné des milliards quand il était président du comité de gestion du grand hôpital de Sangmelima. Le président de la République ne fonctionne pas comme ça, ce Essiane est un voleur ». La situation est bloquée pendant des semaines.
C’est à ce moment qu’intervient le « Faux contre-amiral ». En effet, Boukar Abdourahim, le directeur de cabinet de Cavaye Yeguie, est convaincu depuis des années qu’il est en contact avec le contre-amiral, Joseph Fouda, à travers le fameux numéro : 695790141. Lui et la députée du Logone et Chari, Mariam Goni, utilisent le « Contre-amiral » pour sévir et surtout « manœuvrer » Cavaye Yeguie. Le directeur de cabinet demande au « Contre-amiral » d’intervenir. C’est ainsi que ce numéro appelle Boukar Abdourahim, qui prend le téléphone et va le donner au président de l’Assemblée nationale. Boukar Abdourahim fait savoir à Cavaye Yeguie Djibril qu’il s’agit du contre-amiral, Joseph Fouda, conseiller spécial du président de la République au téléphone. Ce « Conseiller spécial » du chef de l’État va faire savoir à Cavaye Yeguie Djibril que le président de la République s’agace de la non-confirmation d’André Noël Essiane au poste de secrétaire général de la présidence de la République.
Convaincu qu’il s’agit du contre-amiral Joseph Fouda, craignant les représailles de Paul Biya, Cavaye Yeguie Djibril, qui depuis des semaines avait refusé de signer la nomination d’André Noël Essiane au poste de secrétaire général de la présidence de la République, va convoquer en novembre 2023 le bureau de l’Assemblée nationale et entériner la nomination du protégé de Mvondo Ayolo. Boukar Abdourahim, qui était sur un siège éjectable, recevra l’appui du directeur du cabinet civil, Samuel Mvondo Ayolo, ainsi que du fameux « Contre-amiral » Joseph Fouda.