Enquête sur Kilimandjaro Capital, la firme canadienne qui finance les Ambazoniens

Firme Canadienne.png Des contrats ont été signé entre la firme canadienne et le gouvernement intérimaire de l'Ambazonie

Fri, 15 Jun 2018 Source: investiraucameroun.com

Les revendications indépendantistes, qui ont plongé les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun dans l’insécurité depuis 2017, au terme de simples revendications corporatistes initiées dès octobre 2016 par des avocats et des enseignants, semblent tirer leur source bien loin du territoire camerounais.

En effet, plusieurs années avant le déclenchement de ce qui est communément appelé au Cameroun «la crise anglophone», le «Government of the Southern Cameroons», groupuscule de Camerounais de la partie anglophone du pays, dont les membres se recrutent essentiellement au sein de la diaspora, ont signé, en novembre 2012, des accords d’exploitation pétrolière avec la société de droit du Belize et domiciliée au Canada, Kilimanjaro Capital Ltd, qui revendique l’initiative. Le 30 janvier 2013, cette entreprise annonçait avoir cédé, à son tour, à Forest Gate Energy Inc, 20% de ses actifs relatifs à de futurs projets d’exploitation de pétrole dans le «Southern Cameroons», qui, apprend-on dans le communiqué, recèle également « des opportunités sur le diamant, l’or, l’uranium, le fer et la bauxite ».

A travers ces accords, le gouvernement autoproclamé de l’Etat fantoche de «l’Ambazonie», nom que prendraient les territoires couvrant les régions actuelles du Sud-Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun, en cas de succès des revendications indépendantistes en cours ; le «Government of the Southern Cameroons» cède à Kilimanjaro Capital et son partenaire Forest Gate Energy Inc, 80% des droits d’exploration sur les gisements pétroliers de la partie anglophone du Cameroun, notamment ceux de la péninsule de Bakassi.

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Située dans la région du Sud-Ouest, Bakassi, territoire réputé ultra riche en ressources pétrolières et halieutiques, a été autrefois au centre d’un conflit avec le Nigéria, litige frontalier finalement tranché en faveur du Cameroun par la Cour internationale de la Haye. Après plusieurs années de procédures.

Qui a concrètement signé ces contrats, du côté du «Government of the Southern Cameroons» ? Interrogé à ce sujet par la plateforme panafricanvisions.com, Jonathan Harris Levy, conseiller juridique de Zulfikar Rashid, CEO de Kilimanjaro Capital Plc, garde le mystère entier. Zulfikar Rashid est un Ougandais, installé à Calgary, au Canada.

«Ceux qui ont signé au nom du Southern Cameroons sont des figures bien connues dans sa lutte, et le public les connaîtra au bon moment», a répondu Zulfikar Rashid, un Ougandais, installé à Calgary, au Canada. Six ans plus tard, les noms des signataires de ces contrats pétroliers demeurent secrets.

Toutefois, l’on a pu découvrir, dans un communiqué rendu public par Kilimanjaro Capital Plc en 2013, qu’Ebenezer Akwanga, présenté comme avocat du mouvement sécessionniste camerounais, a été coopté au sein de l'Advisory Board de cette firme d’investissements canadienne. Reconnaissance pour services rendus, en apportant à la boîte un contrat potentiellement juteux ; ou alors simple relation professionnelle ?

Contrats secrets

Par ailleurs, combien a versé Kilimanjaro Capital au gouvernement des sécessionnistes camerounais, afin de s’adjuger ces contrats pétroliers, qui entreraient en vigueur, dans l’hypothèse où les revendications séparatistes aboutiraient à la proclamation de l’indépendance du Cameroun anglophone ?

«Cette information est partiellement confidentielle. En ce qui concerne la partie camerounaise, l'information est sous embargo jusqu'à ce que le gouvernement du Southern Cameroons la rende publique, en raison de certains problèmes avec le régime de Biya et des représailles qui se poursuivent contre leurs membres», répond le CEO de Kilimanjaro Capital, qui souligne cependant que «le montant est significatif».

La portion du territoire camerounais que devrait exploiter Kilimanjaro Capital Ltd couvre une superficie de 43 000 km2, selon les propres estimations de la firme canadienne, devenue spécialiste dans la signature de contrats pétroliers avec des rébellions en Afrique (lire plus de détails plus bas dans ce dossier). Tout en œuvrant, en sous-main, pour l’accession au pouvoir de leurs partenaires. En effet, en août 2014, dans une interview accordée à la plateforme Marketwired, Zulfikar Rashid, le CEO de Kilimanjaro Capital, a subtilement glissé que la société qu’il dirige finance des «actions de défense des Droits de l’homme» dans la région de Bakassi, et qu’il apporte son soutien au «Government of the Southern Cameroons».

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En tout cas, Zulfikar Rashid semble plutôt confiant quant à l’implémentation, sous peu, des projets pétroliers dans la partie anglophone du Cameroun. Ce d’autant plus que, soutient Kilimanjaro Capital, dans l’un de ses nombreux communiqués officiels, «le régime du président vieillissant, Paul Biya, montre des signes de stress avec les incursions de Boko Haram dans le Nord (notamment la région de l’Extrême-Nord, Ndlr) ». Ainsi se réjouit l’auteur, qui songe déjà à signer, en plus des contrats pétroliers, des licences télécom et d’exploitation forestière.

En novembre 2015, l’Ong Global Witness, spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles des pays en développement, n’avertissait-elle pas déjà que «dans le cas du Cameroun, l'exigence de l'accord (signé avec les sécessionnistes anglophones), visant à obtenir une indépendance totale, incitera le mouvement à ignorer les alternatives pacifiques recommandées par la communauté internationale.» ?

La face cachée de cet «ami» canadien, qui aime un peu trop les indépendantistes africains

«Kilimanjaro Capital Ltd. est une société privée de portefeuille, établie à Calgary, au Canada. Elle investit dans des ressources africaines contestées et en détresse. Elle soutient également les mouvements légitimes d'autodétermination, en tant que partie prenante financière dans l'avenir de ces pays émergents.» C’est ainsi que Zulfikar Rashid présente lui-même l’entreprise qu’il dirige. Mais, comment cette société d’investissements, dont les rapports financiers révélaient des avoirs plutôt insignifiants à fin 2013, obtient-elle les fonds lui permettant de financer ses futurs projets, avec le concours des mouvements indépendantistes recrutés en Afrique ?

La réponse à cette question se trouve dans un article publié en octobre 2017 par le quotidien financier canadien StockWatch, qui révèle que Kilimanjaro Capital est soupçonné par le régulateur du marché financier de l’Etat de l’Alberta (Alberta Securities Commission, en abrégé ASC), au Canada, de manipulation des titres dans une affaire de levée de fonds douteuse mettant en avant ses «actifs africains».

En effet, selon «un avis d’audience» de l’ASC, dont l’agence Ecofin a pu obtenir copie, six personnes, dont deux résidents américains et quatre canadiens, dont Zulfikar Rashid, CEO de Kilimanjaro, et son conseiller juridique, Jonathan Harris Levy ; ont été convoqués, en octobre 2017, par cet organe de régulation, pour répondre de certaines pratiques financières illicites.

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Concrètement, apprend-on, ce groupe de personnes est soupçonné d’avoir déclaré «détenir des actifs pétroliers et gaziers en Afrique et dans l’Etat de l'Alberta», afin de lever des fonds ; alors que, soutient l’ASC, «ces actifs n’étaient qu’une façade» visant à «manipuler l'activité de négociation des titres, afin de tirer profit des prix attractifs des titres de Kilimanjaro Capital», puisque cette société, dont ils se prévalent, «ne dispose d’aucun projet opérationnel, ni en phase de développement».

Grâce à cette pratique, apprend-on, l’équipée de Zulfikar Rashid a réussi à lever une enveloppe de 45 000 dollars canadiens (environ 20 millions de francs Cfa), au cours de la période allant de janvier à mai 2013. L’appétit venant en mangeant, au cours des mois de février 2014 et mars 2014, souligne l’organe de régulation du marché financier dans l’Alberta, un total de 500 millions d'actions seront mises en vente, dans l’optique de capter des ressources financières supplémentaires. Pour y parvenir, les responsables de Kilimanjaro n’hésitent pas souvent à rendre publics des rapports d’activités et autres états financiers falsifiés, de manière à donner aux potentiels investisseurs une image reluisante de l’entreprise.

C’est ainsi que, révèle encore l’ASC, entre novembre 2012 et août 2014, cette entreprise a déposé auprès des autorités de la bourse des PME du Danemark (GXG Markets), des documents «décrivant faussement un placement privé de 8,166 millions de dollars canadiens (environ 3,5 milliards FCFA), les opérations commerciales de l’entreprise, la nature et la valeur ses biens de Kilimandjaro Capital, ainsi que de fausses approbations du mangement de Zulfikar Rashid».

Selon le régulateur, la compagnie a publié pas moins de 97 communiqués financiers falsifiés et a investi 319 000 $ dans leur promotion sur des plateformes en ligne payantes.

A la lecture du contenu du document de l’ASC, un habitué de la place financière de Genève, tranche : « Ces gens sont des petits délinquants de la finance. Ils fonctionnent un peu comme ces juniors minières bidon. Ils lèvent des capitaux (relativement modestes) en racontant des histoires que veulent bien croire quelques gogos. Je ne pense pas qu'ils espèrent réellement l'indépendance du Biafra, de l'Ambazonie ou du Cabinda. Pour le cas du Cameroun, en l'occurrence, je crois qu'ils arnaquent tout simplement des Camerounais de la diaspora anglophone du Canada et des Etats-Unis, et plus généralement tous ceux qui ont envie d'y croire. Et plus le conflit se durcit, plus ils plument de pigeons prêts à investir dans ce projet d'indépendance».

Ainsi épinglés par le régulateur, les dirigeants de Kilimanjaro Capital ont récemment changé le nom de la société en « N1 Technologies Inc ». Société qui, déjà sous ce nom, est l’objet d’une poursuite par le régulateur américain Securities and Exchange Commission (SEC) pour avoir mené une opération de levées de fonds sur la base d’informations falsifiées.

Des tentacules en Angola, au Nigéria, en Somalie, au Zimbabwe…, voire en Afrique du Sud

Les visées de Kilimanjaro Capital Plc en Afrique sont aussi grandes que la montage éponyme. A la mi-2015, le journal City Press a annoncé Kilimanjaro Capital dans la négociation d’un deal avec la Public Investment Corporation (PIC), le mastodonte qui gère des fonds de pension pour le compte des fonctionnaires sud-africains. A en croire le journal, la firme canadienne avait approché la PIC, dans l’optique d’obtenir des financements visant à acquérir une participation de 25% dans des projets du groupe français Total, en Afrique du Sud.

Les recherches effectuées autour de cette affaire ont permis de découvrir l’existence d’une autre société nommée Kilimanjaro Capital. Incorporée dans l’Etat de Californie, aux Etas-Unis, californienne cette fois-ci, cette entreprise est actionnaire majoritaire de la société sud-africaine Tosaco Energy, active dans le Black Economic Empowerment. Elle possède, selon son site internet, trois licences d’exploration pétrolière dans les provinces de Mpumalanga et de Gauteng. Mais, aucun lien n’a pu être établi entre Kilimanjaro Capital candien et son homonyme américain, avec lequel il partage aussi la même activité. A noter toutefois que les séparatistes camerounais revendiquent sur Facebook, leur proximité avec certains leaders de l’ANC.

A côté de ces contacts supposés ou avérés avec le Fonds de pension sud-africain, le Canadien Kilimanjaro Capital a, au cours de l’année 2012, conclu des contrats pétroliers avec les rebelles du Cabinda, presque concomitamment avec les séparatistes camerounais de la république virtuelle d’Ambazonie.

Secoué par un courant indépendantiste depuis des années, le Cabinda, territoire angolais enclavée entre les deux Congo, a procédé à sa «déclaration d’indépendance» en février 2011, se dotant à la même occasion d’un président en exil.

Au tableau de chasse de Kilimanjaro Capital, l’on retrouve aussi le Matabeleland Liberation Organization, un mouvement indépendantiste zimbabwéen, les rebelles de l’Etat du Biafra, qui revendiquent depuis des années l’indépendance de cet Etat pétrolier du Nigéria, et un groupe séparatiste somalien. «Ce genre d’actifs est très bon marché, et peut rapporter énormément en cas de succès» des revendications indépendantistes, soutient le CEO de la firme d’investissements canadienne. Mais en cas d’échec, il semblerait que, pour les financiers de Kilimanjaro Capital et leurs associés, ça rapporte déjà gros.

Source: investiraucameroun.com