Jeune Afrique dévoile aujourd'hui les coulisses d'un épisode qui illustre toute la complexité du système politique camerounais : l'évacuation sanitaire de Laurent Esso, ministre de la Justice.
La chronologie est révélatrice. Un premier refus présidentiel en décembre, une demande qui traîne entre le Premier ministre Joseph Dion Ngute et Samuel Mvondo Ayolo, directeur du cabinet civil réputé proche de Laurent Esso. Le pouvoir semble hésiter, comme suspendu entre considérations médicales et calculs politiques.
L'élément déclencheur va venir des chefs traditionnels sawas. Conscients de la gravité de la situation médicale, ils transforment ce qui pourrait n'être qu'un problème sanitaire en enjeu politique majeur. Leur réunion à huis clos devient un moment stratégique où se négocie le destin d'un ministre.
La menace du "dikalo" - ce communiqué traditionnel chargé d'une puissance symbolique immense - devient leur principal levier. Il ne s'agit plus seulement de solliciter une évacuation, mais de signifier au président Paul Biya que le mépris envers l'un des leurs pourrait avoir des conséquences politiques profondes.
Cette mobilisation n'est pas isolée. D'autres acteurs interviennent, comme le directeur de l'hôpital militaire de Douala, illustrant ces réseaux complexes qui irriguent le pouvoir camerounais. Chacun apporte sa pierre à l'édifice d'une évacuation qui devient un enjeu politique.
Laurent Esso, aujourd'hui soigné à Clamart, incarne ces hauts fonctionnaires qui sont à la fois des pièces essentielles et potentiellement fragiles de l'échiquier politique. Sa trajectoire raconte l'histoire d'un système où la santé devient un instrument de négociation et de pouvoir.
Au-delà du cas individuel, c'est toute la mécanique du pouvoir camerounais que cette évacuation permet d'observer : un système où les solidarités communautaires, les réseaux informels et les rapports de force traditionnels continuent de jouer un rôle déterminant.