Ernest Ouandié était le dernier chef historique de l’Union des populations du Cameroun. Connu pour sa témérité, Ernest a mené le combat pour la véritable indépendance du Cameroun jusqu’au sacrifice suprême.
Le 19 Août 1970, il est arrêté à MBANGA dans le MOUNGO. Le même jour, il est conduit à la B.M.M. de Yaoundé où il sera auditionné par le terrible Fochivé. Voici l’entretien avec les 2 hommes.
Ouandié : Nous sommes quand même ici chez nous, que je le sache. Pendant combien de temps crois-tu que nous continuerons à laisser les Français nous dicter leurs lois sans réagir ?
Fochivé : Ceci durera tant que des hommes comme toi n’auront pas trouvé une stratégie de lutte autre que la violence contre le néocolonialisme
Ouandié : Ce néocolonialisme ne doit son existence et sa force qu’à des gens comme vous
Fochivé : Si ce n’était pas nous, ce serait vous. Ce n’est qu’une question d’idéologie.
Ouandié : Explique-moi un peu votre choix et votre amour pour la France
Fochivé : Cela s’est déjà vu en Afrique, c’est le choix et l’amour de l’esclave pour son maître
Ouandié : Qui s’explique simplement par la peur.
Fochivé : Oui, la peur d’être là où tu es en ce moment
Ouandié : Parce que tu crois que j’ai peur de mourir ?
Fochivé : Tout homme qui se donne une valeur a toujours peur d’une mort inutile. La tienne aujourd’hui ne servirait pas ta cause. Il y a aussi la vie de ces innocents, de jeunes Bamiléké que des illusionnistes comme toi ont embarqués dans cette galère. C’est tout cela qui doit te tourmenter quand tu penses à la mort. Et puis, permets-moi de te poser une question : Crois-tu que si le départ ou la mort de M. Ahidjo était une garantie pour le bien-être des Camerounais ou plus particulièrement des Bamiléké que tu évoques, serait-ce une affaire laissée entre les mains d’un instituteur ? Non, il y a beaucoup d’autres valeurs chez les Bamiléké, des gens qui n’iraient pas au-devant d’un char d’assaut avec de vulgaires fusils de chasse. Avec la mort de M. Um Nyobé, l’UPC était morte. La classe intellectuelle Bassa qui l’animait s’était retirée. Il y avait eu des ralliements et certains avaient préféré s’exiler en Europe. Seuls sont restés dans le maquis des illettrés à l’horizon obscur qui terrorisent, pillent et massacrent des populations innocentes :
Ouandié : Voilà une conversation qui tourne à l’insulte. M’en veux-tu personnellement ?
Fochivé : Oui, et ceci pour deux raisons : j’ai tenté vainement et à l’insu de mes patrons, de t’empêcher d’être où tu es en ce moment. Je t’en veux comme j’en veux à Félix Moumié qui, lui aussi, est mort inutilement. Je vous reproche à tous deux d’avoir mobilisé la dynamique jeunesse de l’Ouest pour l’envoyer à l’abattoir. Vous avez transformé des jeunes désœuvrés en guérilleros sans leur donner les moyens de se défendre. Vous vous êtes laissé tromper et les avez trompés.
Ouandié : Si je suis aussi naïf et minable que tu veux me faire croire, pourquoi donc tout ce tapage médiatique autour de mon affaire ?
La suite en lisant le livre réédité “Les révélations de Jean Fochivé” de l'écrivain Arol Ketch.