Enseignant, politologue, chargé de cours à l’université de Yaoundé II, spécialiste du management public, auteur de l’ouvrage «La crise des ressources humaines et l'échec des politiques publiques au Cameroun : vers la construction d’une administration moderne», DR SOSTHÈNE EFOUBA jette un regard sur la pré-campagne lancée par certains candidats à l’étranger.
La campagne sera lancée le 24 septembre prochain. Les candidats multiplient des voyages à l’étranger. Pour, disentils, sensibiliser la diaspora. Comment comprendre une telle obsession pour un électorat qui ne représente presque rien ?
C’est une élection particulière, prestigieuse, populaire qui offre aux différents candidats d’avoir une visibilité interne et externe. Ce dernier arbore le costume de chef d’État et cherche une proximité avec la diaspora. C’est une parade à titre symbolique et un coup de marketing politique. Ils savent intégralement ce qu’ils font et leurs équipes se sont mises au travail pour que ce scénario puisse exister.
Cabral Libii, du parti Univers, se trouve à l’étranger, au moment où il vient de lancer une opération de récolte de 200 millions de FCFA. Simple coïncidence ou stratégie politique ?
Dans la démarche de la politique politicienne, il y a toujours la stratégie des acteurs, la coïncidence de ce fait, est peut-être une chance. A l’observation, c’est une stratégie bien huilée, réfléchie et travaillée qui devait prendre corps avec la démarche sérieuse du candidat. Au regard de sa popularité aujourd’hui, la position de la diaspora apparait comme une récompense et une reconnaissance d’un candidat crédible, disponible, jeune à leurs yeux d’où cet élan de générosité. Au fond, le candidat n’a pas de moyens financiers et a demandé et demande de l’aide. L'information claire et nette. Cette situation apparait comme un examen dont les résultats sont visibles. Maintenant il surgit aussi la question du financement occulte des partis politiques. A ce sujet, la loi camerounaise reste incomplète.
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La diaspora c’est 19000 électeurs, près de 585 milliards de flux financier vers le Cameroun chaque année. N’est-ce pas une raison valable de s’intéresser ?
Oui dans la mesure où plusieurs pays font de leur diaspora un atout économique, une source de financement des projets, un pôle d’excellence technologique comme au Sénégal. La diaspora camerounaise est trop politisée, divisée. Or ce paradigme de ceux qui sont le pouvoir de Yaoundé, et ceux qui en sont ne constitue pas le ventre de notre diaspora. Elle doit se mettre au service du peuple, au service de l’État et faire abstraction des individus. Car les hommes passent, les institutions restent, l’État demeure.
Comment justifier le faible intérêt qu’ont Adamou Ndam Njoya ou encore Garga Haman Adji d’aller battre campagne à l’étranger ? C’est stratégique ?
(Rires). Peut-être qu’ils estiment sans intérêt cette stratégie du fait de leur ancienneté. Car pensent-ils, à mon avis, qu’être président de la République ne se joue que sur le terroir. Vous faites si bien de dire que la diaspora ne représente pas un fort électorat. Pour eux, à y voir, ils vont rester là et accompagner leurs alliés dans une dimension informelle et attendent des rentes politiques. Car, faudra remarquer qu’ils sont quasiment à la fin d’une longue carrière politique.
La diaspora, c’est près de 6 millions de Camerounais, selon le Minrex. 19000 seulement sont inscrits sur les listes électorales. Comment comprendre cet écart ? Et que faut-il mettre sur pied pour rendre cette diaspora active ?
C'est une véritable manne pour le Cameroun. Pour tirer profit de cette diaspora, il faut améliorer le cadre juridique qui reste chancelant, résoudre l'équation de la double nationalité puis, tout dépend du régime qui sera installé à Yaoundé dans les jours à venir. Mais, concernant celui actuel, il s’est toujours montré très méfiant d'une certaine diaspora et a ainsi eu du mal à lui ouvrir les portes.
Le faible taux de participation de nos compatriotes de l’étranger sur les listes électorales peut s'exprimer par un désintérêt à la chose politique. Un désintérêt qui peut également tirer sa source dans une absence d’alternance politique au sommet de l’État, mais aussi du fait de la situation précaire que vivent les Camerounais au quotidien et depuis pas mal d’années.
Les Etats-Unis ont été soupçonnés de financer l'opposition à hauteur de 2,7 milliards de FCFA. Ce qui a été démentie par l'ambassade américaine. D'un point de vue sociopolitique, quel intérêt y a-t-il à jouer ce genre de jeu ?
La question du financement occulte des partis politiques reste d'actualité et laisse planer le doute dans la démarche légale. En France par exemple, cela fait encore grand bruit avec le président Sarkozy. L'information claire et nette. Aux USA, on soupçonne le président Trump d'avoir été soutenu par la Russie... La pratique politique est loin d'être vertueuse. Au contraire, pour revenir à votre question, il existe toujours ce genre de soutien.
D'abord par les États Unis qui sont pour l'alternance politique conformément à leur histoire politique, à leur vision de la démocratie. Ensuite, c'est une puissance hégémonique, qui est le gendarme du monde. Enfin, la doctrine américaine combat avec sa dernière énergie les États dits voyous qui ne respectent pas les droits de l'Homme et les principes de la démocratie.