Etoudi 2018: tension et incertitudes dans l’attente des résultats

Maroua Jeunes Paul Biya.jpeg La surenchère a de quoi inquiéter au-delà du pays

Wed, 10 Oct 2018 Source: afrique.latribune.fr

C'est la longue attente des résultats de l'élection présidentielle qui s'est déroulé le dimanche 7 octobre au Cameroun. Les opérations de comptabilisation des voix sont en train de se poursuivre au niveau de la commission électorale, Elecam, qui doit les transmettre par la suite au Conseil constitutionnel à qui incombe la lourde tâche de proclamer les résultats du scrutin. Le processus devrait prendre, en principe, 15 jours, une interminable attente tant pour les 8 candidats qui ont pris part à la course au Palais d'Etoudi, face à Paul Biya, que pour les citoyens.

Une interminable attente sur fonds de tensions politiques

Il faut dire que la tension ne cesse de s'amplifier au fur et à mesure que l'attente se prolonge. La preuve, au lendemain du scrutin, un des challengers du président Paul Biya, le candidat Maurice Kamto du MRC, s'est auto-proclamé vainqueur de la présidentielle alors qu'aucun chiffre même provisoire n'a été dévoilé par les instances habilitées. « J'ai reçu mission de tirer le penalty, je l'ai tiré et je l'ai marqué », a déclaré Maurice Kamto au cours de la conférence de presse qu'il a animée lundi dernier, ajoutant par la même occasion qu'il entend défendre jusqu'au bout sa victoire. « J'ai reçu du peuple un mandat clair que j'entends défendre jusqu'au bout », a fait savoir le candidat du MRC.

Des propos qui ont plus que faire sourire dans les rangs du parti au pouvoir, le RDPC de Paul Biya, le président candidat. Dans une déclaration à l'AFP, le ministre camerounais de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a déclaré ironiquement répondu que « marquer un penalty, ce n'est pas gagner le match ». Il n'a pas manqué d'avertir Maurice Kamto, sur les conséquences de ses déclarations, qui le mettent « hors la loi », car seul le Conseil constitutionnel est habilité à prononcer les résultats du scrutin.

Il faut dire que même dans les rangs des candidats qui prétendent succéder à Paul Biya, les déclarations du candidat du MRC ne passent pas. Lundi soir, Joshua Osih, candidat du SDF, le principal parti d'opposition à la dernière présidentielle, fait savoir qu'il était « un peu prématuré de donner des résultats », tout juste au lendemain du vote. De son côté, le jeune candidat Cabral Libii, de l'Union nationale pour l'intégration vers la solidarité (Univers), a fustigé, dans une conférence de presse tenue mardi 9 octobre, « des graves irrégularités lors des élections ». Il a par conséquent avertit que « si notre victoire est établie, je ne laisserai en aucun cas celle-ci être volée par quiconque ».

C'est donc sur fonds d'enchères et de surenchères à travers des déclarations les unes plus enflammées que les autres, que se déroule l'attente des résultats. Avec une amplification des fausses informations, particulièrement sur les réseaux sociaux, et des coups bas, chacun essaie de mieux se positionner. A ce jeu, c'est le pouvoir qui s'est fait prendre avec une rocambolesque affaire de témoignages, sur la chaîne publique CRTV, de prétendus observateurs de l'ONG Amnesty International, qui ont soutenu la régularité du scrutin. Par la suite, il s'est avéré qu'Amnesty International n'a envoyé aucun observateur pour l'élection présidentielle camerounaise, comme l'a par la suite confirmée l'organisation dans une conférence de presse, ce mardi 9 octobre. De quoi susciter la risée de la presse locale et internationale et ajoutée de l'huile au climat qui règne dans le pays.

Appel à la retenue

Plusieurs pays et organisations ont appelé à la retenu. Les USA ont tenu à saluer le climat dans lequel s'est tenu le scrutin, et appelé au respect des règles démocratiques. « Nous réaffirmons notre neutralité par rapport au résultat, et nous soutenons fermement le droit du peuple camerounais à choisir son leader par le processus démocratique », peut-on lire dans le communiqué publié ce mardi 9 octobre par l'ambassade des USA à Yaoundé. La Conférence épiscopale nationale du Cameroun a également tenu à saluer, dans un communiqué publié ce mercredi 10 octobre, « un scrutin présidentiel qui s'est globalement déroulé dans la paix ». L'organisation, très influente dans le pays d'Afrique centrale à majorité chrétienne, a toutefois, dénonce « les fraudes multiples, les irrégularités flagrantes et les tentatives de corruption ».

Ce mercredi également, l'Union Africaine (UA) s'est prononcée sur la situation politique au Cameroun. Dans un message, Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l'UA a appelé les candidats à « la plus grande retenue ».

« Le Président de la Commission souligne la nécessité pour tous les acteurs politiques de faire preuve de la plus grande retenue et de s'abstenir de toute déclaration ou action susceptible de générer des tensions. Toute réclamation liée au processus électoral doit être traitée dans le cadre des mécanismes juridiques existants », a plaidé Moussa Faki Mahamat.

Des appels à la retenue et au calme qui sont destinées à atténuer la tension, bien qu'au niveau du pouvoir, on fait preuve de sérénité. Après 36 au pouvoir et plusieurs épreuves électorales, le président Paul Biya, qui brigue un septième mandat, a toutes les chances de remporter le scrutin malgré la fronde et la contestation de l'opposition qui entend cette fois, faire entendre sa voix. De quoi amplifier les incertitudes sur la première économie d'Afrique centrale qui fait face déjà à une crise sécuritaire avec la situation qui prévaut dans la région sécessionniste anglophone et les attaques de la secte Boko Haram à la frontière avec le Nigéria et le Tchad.

Malgré ces tensions et les incertitudes, Paul Biya, égal à lui-même, continue à observer un silence de marbre. Il ne s'est en effet pas prononcé jusque-là depuis le jour du vote, mais continue à envoyer des messages à ses homologies comme c'est le cas aujourd'hui, avec les félicitations qu'il a tenu à adresser au chef de l'Etat congolais, Joseph Kabila, pour le prix Nobel e la paix qui a été attribué cette année au Dr Denis Mukwege.

Source: afrique.latribune.fr
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