Etoudi : Louis Paul Aujoulat, l’homme à qui Paul Biya doit tout

Louis Paul Aujoulat

Mon, 1 Aug 2022 Source: www.camerounweb.com

A travers nos lectures, nous sommes tombés sur un excellent livre intitulé Dictionnaire de la politique au Cameroun. Cet ouvrage présente, dans l’ordre alphabétique, des entrées relatives aux noms de personnes et d’objets, ainsi qu’aux faits et événements ayant marqué l’évolution politique du Cameroun depuis sa rencontre avec la domination allemande en 1884. Pour la partie concernant Paul Biya, qui reste le président du Cameroun, l’on découvre qu’il doit son entrée en politique à Louis Paul Aujoulat. « Chercheur dans un laboratoire de psychologie à Lille et président de la ligue missionnaire des étudiants de France. Ancien membre de l'association Ad lucem, il en implante une branche (la fondation médicale Ad Lucem) à Efok au Cameroun français en 1936. Il dirige cette fondation entre 1936 et 1945 en qualité de médecin-directeur. Médecin, il s’établit au Cameroun dont il devient député MRP aux deux assemblées nationales constituantes, puis à l’Assemblée nationale jusqu’en 1956.Meeting pour la libération des prisonniers et internés politiques de Madagascar, du Maroc, de Tunisie, d’Algérie et d’Afrique Noire, en présence de Louis Aujoulat, 24 juin 1954

En 1948, il adhère au groupe des Indépendants d’Outre-mer, puis il devient secrétaire d’État à la France d’Outre-mer de nombreux gouvernements successifs. Il lance en 1951 son propre parti, le Bloc démocratique camerounais (BDC). Il dispose notamment du soutien du prélat René Graffin, qui fait ouvertement campagne en sa faveur : « Tous les catholiques doivent, le jour de l'élection, aller aux urnes et voter pour le bon chrétien. » Le BDC ne parviendra toutefois jamais à se développer sérieusement et à concurrencer l'Union des populations du Cameroun (UPC) », renseigne wikipedia



Paul Biya

Fils de Mvondo Assam Etienne et de Eyenga Elle Anastasie, Paul Biya naît le 13 février 1933 à Mvomeka’a. Il commence sa vie scolaire à l’école missionnaire de Nden, à quelque 50 kilomètres de son village natal. Il est remarqué par les missionnaires qui, très tôt, font de lui un chambriste en même temps qu’un servant de messe. Il poursuit ses études secondaires aux séminaires d’Édéa (1947- 1950) et d’Akono (1950-1954), ainsi qu’au Lycée général Leclerc où il obtient son baccalauréat en 1956. Paul Biya complète sa formation au Lycée Louis le Grand de Paris, à la Faculté de droit de l’Université de Paris-Sorbonne, à l’Institut d’études politiques de Paris et à l’Institut des hautes études d’Outre-mer (IHEOM). En 1960, il obtient la licence en droit public ; en 1961, le diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris; en 1962 le diplôme de l’IHEOM et, en 1963, le diplôme d’études supérieures en droit public. Paul Biya retourne au Cameroun en 1962.

Louis Paul Aujoulat le recommande à Ahmadou Ahidjo, par une lettre que Biya remet au président de la République fédérale du Cameroun, dès son retour au bercail. (Cf, Christian Tobi Kuoh, Une fresque du régime Ahidjo 1970- 1982, Paris, Khartala, 1991, p. 116-117).Paul Biya est nommé chargé de mission à la présidence de la République, la même année 1962. À partir de janvier 1964, il occupe la fonction de directeur de cabinet du ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Culture, William Aurelien Eteki Mboumoua. Il est désigné secrétaire général de ce ministère l’année suivante. En décembre 1967, il retourne à la présidence comme directeur du cabinet civil (DCC). En janvier 1968, cumulativement avec ses fonctions de DCC, il est nommé secrétaire général de la présidence de la République. Il sera ministresecrétaire général de la présidence de la République entre 1968 et 1970 et ministre d’État secrétaire général de la présidence de la République de 1970 à 1975. En juin 1975, Paul Biya est nommé premier ministre de la République unie du Cameroun. La loi n° 79/02 du 29 juin 1979 vient faire du premier ministre le successeur constitutionnel du chef de l’État: Paul Biya est confirmé dans ses fonctions de premier ministre. Par suite de la démission du président Ahidjo le 4 novembre 1982, il prête serment comme président de la République du Cameroun le 6 novembre 1982. Il légitime son pouvoir par une élection présidentielle anticipée organisée le 14 janvier 1984 et échappe à une tentative de coup d’État le 6 avril de la même année. Ancien membre de droit du comité central de l’Union nationale camerounaise, Paul Biya en est le vice-président entre février 1980 et septembre 1983, date à laquelle il réussit à prendre entièrement le contrôle du parti et de l’État, en évinçant Ahidjo des fonctions de président de l’UNC. Paul Biya occupe donc la présidence du parti unique jusqu’au 24 mars 1985, lorsqu’il en change la dénomination, en Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), lors d’un congrès organisé à Bamenda. Il est réélu à la présidence de la République en 1987, 1992, 1997,2004 et 2011.

Comme on peut le noter, Paul Biya est justiciable d’un parcours administratif et politique exceptionnel, qui lui a permis de gravir de manière fulgurante les étapes conduisant au pouvoir suprême, et de conserver ledit pouvoir pendant plus de 30 ans. Doté d’une redoutable habileté politique et manifestement né sous une bonne étoile, il est devenu Chef de l’Etat du Cameroun dans des conditions peu ordinaires, après la surprenante démission d’Ahmadou Ahidjo, intervenue dans des circonstances non encore complètement élucidées. Par la suite, Paul Biya échappe au putsch de 1984, et résiste aux remous sociaux que provoquent les mesures d’ajustement structurel dictées par le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale dès 1988. Il maîtrise également les convulsions politiques et autres opérations de désobéissance civile ayant secoué le Cameroun entre 1990 et 1991. Dans le même sens, Paul Biya canalise les émeutes dites de la faim qui éclatent en Février 2008 au Cameroun et digère, avec une mesure remarquée, les contestations qui surviennent en novembre 2016 dans les régions dites anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. La singularité de la trajectoire de Paul Biya peut également s’apprécier à l’aune d’une comparaison sommaire de la situation du Cameroun avec celle d’autres pays africains de même niveau: lorsqu’il accède en effet au pouvoir en 1982, Paul Biya a, pour homologues, entre autres, Hissène Habré au Tchad, Houphouët Boigny en Côte d’Ivoire, André Kolingba en République centrafricaine, Denis Sassou Nguesso au Congo (Brazzaville), Omar Bongo au Gabon, Mobutu Sese Seko au Zaïre (actuelle république démocratique du Congo) et Abdou Diouf au Sénégal. On peut constater que, à ce jour de 2017, presque tous les pays cités ont été secoués par de graves crises internes, certains s’étant littéralement désagrégés. De plus, tous les pairs mentionnés de Paul Biya sont décédés ou ont perdu le pouvoir dans leurs pays respectifs, quelquefois de manière humiliante. Unique exception à cet égard, Denis Sassou Nguesso a dû reconquérir le pouvoir au Congo en 1997 à l’issue d’une guerre civile, après l’avoir perdu au terme de l’élection présidentielle d’août 1992. Pendant ce temps, le Cameroun est demeuré un pays globalement stable dans lequel l’opposition cherche à renouveler son souffle, alors que le Président Biya domine littéralement la vie politique. Rompu aux humanités gréco-latines et maniant une verve malicieuse, Paul Biya cultive l’art de tourner à son avantage des circonstances que d’aucuns pensent lui être défavorables. Pour preuve, le 3 juillet 2015, lors d’une conférence de presse organisée au palais présidentiel de Yaoundé à l’occasion de la visite au Cameroun du Président français François Hollande, Gérard Grizbec, journaliste de la télévision française France 2 demande au Président Biya si, après 33 ans de pouvoir, il compte passer la main et considérer qu’une retraite serait plutôt bien méritée. Paul Biya répond, flegmatique : «Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais dure qui peut…». Nul ne sait ce que le Président français pensa de cette réponse : en effet, après avoir exercé le pouvoir pendant un seul quinquennat, François Hollande a renoncé à être à nouveau candidat à l’élection présidentielle en France.

Par ailleurs, le 22 mars 2017, alors qu’il vante la stabilité politique du Cameroun face au patronat italien lors d’une visite qu’il effectue à Rome, le Président Biya affirme, sibyllin, «C’est rare aujourd’hui de trouver un Gouvernement qui dure trente ans. C’est le cas du Cameroun…» Ses adversaires voudraient souligner que la situation économique du pays a évolué en dents de scie, ces dernières années. Ultime faveur du destin à l’endroit de Paul Biya, l’argument de ses contempteurs est relativisé par le Fonds Monétaire International qui indique, en 2016, que le Cameroun est le seul pays résilient dans une Afrique centrale sinistrée au plan économique. Sous la présidence de Paul Biya, des progrès significatifs ont été accomplis au Cameroun sur le plan des libertés, notamment la liberté d’expression. L’opinion internationale a par ailleurs été impressionnée par l’habileté avec laquelle le président Biya a géré le contentieux territorial opposant le Cameroun au Nigeria, au sujet de la péninsule de Bakassi.

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