Après l'enquête parue dans le mensuel La lettre du Lettre du Continent sur les «vacances de travail» régulières et répétées de Paul Biya en Suisse dans une suite présidentielle de l’hôtel intercontinental et intitulée «Comment Biya préside de Genève, onzième région du pays» Il devient important d'apporter un éclairage et une correction sur une pièce qui semble trop complaisante à propos de la folie des grandeurs d'un vieux nègre, une personne dont la satisfaction des caprices vient toujours naturellement avant la nation, et une tragédie dont les Camerounais ordinaires vivent dans leurs chairs.
Aussi concentrons-nous sur ces rituels vides qui sont maintenant associés à un État du Cameroun au service exclusif de Paul Biya.
La bonne source d'inspiration en la matière n'est autre que le célèbre roman de Ferdinand Oyono, Le Vieux Nègre et la médaille, qui dépeint avec justesse et profondeur comment l'État camerounais s’est fourvoyé depuis le début et de façon spectaculaire.
Ce roman nous oblige surtout à porter un regard critique et à avoir une débat sans concession sur le poids de l’héritage du colonialisme et la construction d'un environnement social qui opprime les Camerounais à partir de la constitution subséquente de régimes postcoloniaux, intrinsèquement liés à l'héritage de l'expérience de la plantation néo-coloniale biopolitique, et déguisés en États-nations dits ou voulus modernes.
En effet, une vraie perception de la réalité nécessite une dialectique entre notre propre subjectivité et la construction sociale qui nous entoure. Le problème avec Meka, le vieux nègre, c'est qu'il interprète tout autour de lui comme «naturel» (allant de soi).
Il ne comprend pas la politique (le système politique) derrière l’octroi d’une médaille de pacotille par le maître colonial. Dans ce même processus, il naturalise l'attitude condescendante du maître colonial et considère comme naturel sa propre place d'éternel subalterne dans la hiérarchie coloniale. C’est comme ça que la colonisation pour Meka devient "naturel", tout comme la place qu'il occupe dans ce système arbitraire.
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Ainsi, il accepte comme normal la création autour de lui de rituels vides.
En tant que tel, ces rituels vides fonctionnent comme des formes d'illusion idéologique qui soumettent Meka à une espèce de religion envers l’État, à travers le pouvoir talismanique de la médaille. De la même manière, les chefs africains vendaient les esclaves en échange de Pacotille et du culte des cargaisons où les rois Africains commençaient à fétichiser des objets bon marché en provenance d'Europe et à les imprégner d'un pouvoir talismanique.
C’est le marché Faustien dans lequel l’Élite Africaine s’est engagé pour avoir accès à la modernité; un accès a la modernité construit essentiellement sur les dos des esclaves Africains et l’idéologie que tout ce qui vient d’Europe est suprême, dévaluant d'office toute forme de production locale.
La même chose peut être dite aujourd’hui où l’Élite Africaine qui s’éduque, se soigne, et prend ses vacances en Europe, ne daigne jamais en faire de même en Afrique. La Suisse aussi est une bonne destination pour cacher l’argent volé sur le continent, notamment en raison des règles strictes protégeant le secret bancaire.
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C'est dans ce contexte que l'on peut comprendre les rituels vides que Paul Biya (85 ans et 35 ans au pouvoir) a créés autour de ses «vacances-travail» prolongées dans un hôtel luxueux en Suisse. Ces vacances prolongées font désormais partie de l’État régalien camerounais, mais ne sont en réalité que des rituels vides qui coûtent une fortune nationale aux contribuables camerounais, tout en leur donnant ou renvoyant l'illusion d'une activité débordante et d'une modernité pour un régime politique fossilisé et foncièrement improductif.