Un rapport historique de plus de 1000 pages, fruit du travail d'une commission mixte franco-camerounaise, vient d'être remis au président Paul Biya ce 28 janvier 2025. Ce document, commandé par Emmanuel Macron en 2022, lève le voile sur une page sombre de l'histoire coloniale française au Cameroun, révélant l'ampleur de la répression contre les mouvements indépendantistes entre 1945 et 1971.
"Des dizaines de milliers de victimes" : c'est le terrible bilan que dresse la commission dans les régions du sud et de l'ouest du Cameroun. Le rapport met en lumière une "guerre" longtemps occultée, qui s'est déroulée entre 1956 et 1961, marquée par des méthodes de répression particulièrement violentes.
La France y a déployé sa "doctrine de guerre révolutionnaire", déjà expérimentée en Indochine et en Algérie. Les méthodes utilisées sont sans équivoque : torture, ratissages massifs, arrestations préventives et déplacements forcés de populations. Des centaines de milliers de Camerounais se sont retrouvés parqués dans des "camps de regroupement", une pratique qui s'est prolongée bien après l'indépendance.
Le document revient également sur deux événements tragiques : l'assassinat de Ruben Um Nyobé par l'armée française en 1958 et l'empoisonnement de Félix Moumié à Genève en 1960, qualifié d'"assassinat politique impliquant la responsabilité du gouvernement français".
Si la commission s'abstient de qualifier ces actes de "génocidaires", faute de compétence juridique, elle reconnaît néanmoins que "ces violences ont bien été extrêmes car elles ont transgressé les droits humains et le droit de la guerre".
Cette publication marque une étape importante dans la reconnaissance des exactions commises pendant la période coloniale, comblant ce que les historiens qualifient de "vide mémoriel". Côté français, cette guerre reste une "terra incognita des mémoires sur le passé colonial", tandis que côté camerounais, "les mémoires sont marquées à vif", souligne le rapport.
La remise de ce document historique intervient dans un contexte de réévaluation des relations franco-africaines, où la demande de vérité sur le passé colonial se fait de plus en plus pressante.